vendredi 29 mars 2019

Cardinal Sarah : Dieu ne veut pas la migration, Jésus est rentré chez lui.

Préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements depuis 2014, le cardinal Sarah publie son troisième ouvrage, Le soir approche et déjà le jour baisse, en collaboration avec Nicolas Diat, spécialiste de l’Église catholique et auteur notamment d’un ouvrage de référence sur Benoît XVI, L’Homme qui ne voulait pas être pape.

Le soir approche et déjà le jour baisse se penche sur la décadence de l’Occident, les errements de certains prêtres, le retour de l’Europe à ses racines chrétiennes et les vagues de migrations qui submergent le continent.

Si les ouvrages de prélats catholiques suscitent souvent un ennui poli par leur ton mièvre, le nouveau livre d’entretiens du cardinal Robert Sarah avec Nicolas Diat tranche. Il rappelle qu’un monde qui oublie toute transcendance court à sa perte, il renvoie dos à dos la « barbarie matérialiste » et la « barbarie islamiste », exhorte l’Église à remettre le Christ au centre, dénonce le pacte de Marrakech soutenu par le Vatican et met en garde contre l’ordination d’hommes mariés que certains voudraient expérimenter à l’occasion du prochain synode sur l’Amazonie.

Pour le cardinal Sarah, il existe « une forte majorité de prêtres qui restent fidèles à leur mission d’enseignement, de sanctification et de gouvernement. Mais il y a aussi un petit nombre qui cède à la tentation morbide et scélérate d’aligner l’Église sur les valeurs des sociétés occidentales actuelles. Ils veulent avant tout que l’on dise que l’Église est ouverte, accueillante, attentive, moderne. L’Église n’est pas faite pour écouter, elle est faite pour enseigner : elle est mater et magistra, mère et éducatrice. Certes, la maman écoute son enfant, mais elle est d’abord présente pour enseigner, orienter et diriger, car elle sait mieux que ses enfants la direction à prendre. Certains ont adopté les idéologies du monde actuel sous le prétexte fallacieux de s’ouvrir au monde ; mais il faudrait plutôt porter le monde à s’ouvrir à Dieu qui est la source de notre existence. On ne peut pas sacrifier la doctrine à une pastorale qui serait réduite à la portion congrue de la miséricorde : Dieu est miséricordieux, mais dans la seule mesure où nous reconnaissons que nous sommes pécheurs. Pour permettre à Dieu d’exercer sa miséricorde, il faut revenir à Lui, comme l’enfant prodigue. Il y a une tendance perverse qui consiste à fausser la pastorale, à l’opposer à la doctrine et à présenter un Dieu miséricordieux qui n’exige rien : mais il n’y a pas un père qui n’exige rien de ses enfants ! Dieu, comme tout bon père, est exigeant, parce qu’il nourrit des ambitions immenses pour nous. »

Quant à la désaffection des fidèles, le cardinal Sarah fait l’autocritique de l’Église : « Je suis convaincu que la responsabilité première de cet écroulement de la foi doit être assumée par les prêtres. Dans les séminaires ou dans les universités catholiques, nous n’avons pas toujours enseigné la doctrine. Nous avons enseigné ce qui nous plaisait ! Le catéchisme aux enfants a été abandonné. La confession a été méprisée. Dans les années 1970 et 1980 en particulier, chaque prêtre faisait ce qu’il voulait à la messe. Le pape Benoît XVI dit que la crise de la liturgie a provoqué la crise de l’Église. Lex orandi, lex credendi: comme on prie, on croit. S’il n’y a plus de foi, la liturgie est réduite à un spectacle, à un folklore, et les fidèles se détournent. »

Le cardinal Sarah défend l’enracinement et les identités : « Quand je suis allé en Pologne [en octobre 2017], pays qui est souvent critiqué, j’ai encouragé les fidèles à affirmer leur identité comme ils l’ont fait pendant des siècles. Mon message fut simple : vous êtes d’abord polonais, catholiques, et ensuite seulement européens. Vous ne devez pas sacrifier ces deux premières identités sur l’autel de l’Europe technocratique et apatride. La Commission de Bruxelles ne pense qu’à la construction d’un libre marché au service des grandes puissances financières. L’Union européenne ne protège plus les peuples. Elle protège les banques. J’ai voulu redire à la Pologne sa mission singulière dans le plan de Dieu. Elle est libre de dire à l’Europe que chacun a été créé par Dieu pour· être placé en un endroit précis, avec sa culture, ses traditions et son histoire. Cette volonté actuelle de globaliser le monde en supprimant les nations, les spécificités est une pure folie. Le peuple juif a dû s’exiler, mais Dieu l’a ramené dans son pays. Le Christ a dû fuir Hérode en Égypte, mais il est revenu dans son pays à la mort d’Hérode. Chacun doit vivre dans son pays. Comme un arbre, chacun a son sol, son milieu où il s’épanouit parfaitement. Il vaut mieux aider les gens à s’épanouir dans leur culture que de les encourager à venir dans une Europe en pleine décadence. C’est une fausse exégèse que d’utiliser la Parole de Dieu pour valoriser la migration. Dieu n’a jamais voulu ces déchirements. »

Pour le cardinal guinéen, « les migrants qui arrivent en Europe sont parqués, sans travail, sans dignité... C’est cela que l’Église veut ? L’Église ne peut pas coopérer avec cette nouvelle forme d’esclavage qu’est devenue la migration de masse. Si l’Occident continue dans cette voie funeste, il y a un grand risque que, faute de natalité, il disparaisse, envahi par les étrangers, comme Rome a été envahie par les Barbares. Je parle en tant qu’Africain. Mon pays [la Guinée, donc] est majoritairen1ent musulman. Je crois savoir de quelle réalité je parle. [...] Dieu ne change pas d’avis. Dieu a donné une mission à l’Europe qui a accueilli le christianisme. Puis les missionnaires européens ont apporté le Christ jusqu’aux confins du monde. Et ce n’était pas un hasard, mais le plan de Dieu. Cette mission universelle qu’il a donnée à l’Europe quand Pierre et Paul sont venus s’installer à Rome, à partir de laquelle l’Église a évangélisé l’Europe et le monde, elle n’est pas terminée. Mais si nous y mettons un terme en nous enfonçant dans le matérialisme, l’oubli de Dieu et l’apostasie, alors les conséquences seront graves. Si l’Europe disparaît, et avec elle les valeurs inestimables du vieux continent, l’islam envahira le monde, et nous changerons totalement de culture, d’anthropologie et de vision morale. »

Interrogé dans les colonnes de L’Incorrect, le prélat guinéen qui ne manie pas la langue de buis, ajoute sur l’immigration : « Je suis scandalisé par tous ces hommes qui meurent en mer, par les trafics humains, par les réseaux mafieux, par l’esclavage organisé. Je reste perplexe devant ces gens qui émigrent sans papier, sans projet, sans famille. Ils pensent trouver ici le paradis terrestre ? Il n’est pas en Occident ! S’il faut les aider, je pense que c’est sur place, dans leurs villages, dans leurs ethnies. On ne peut cautionner ces déséquilibres éco­nomiques et ces drames humains. Vous ne pouvez pas accueillir tous les mi­grants du monde. Accueillir, ce n’est pas seulement laisser entrer les gens chez soi, c’est leur donner du travail. Vous en avez ? Non. Leur donner un logement. Vous en avez ? Non. Les parquer dans un endroit indécent, sans dignité, sans travail, ce n’est pas ce que j’appelle accueillir les gens. Cela ressemble plus à une organisation mafieuse ! L’Église ne peut pas coopérer à des trafics humains, qui ressemblent à un nouvel esclavage.

Ce que je trouve également scan­daleux, c’est qu’on utilise la Parole de Dieu pour justifier cela. Dieu ne veut pas la migration. Le Christ, enfant, s’est réfugié en Égypte, à cause d’Hérode, mais il est rentré chez lui ensuite. De même, Dieu a toujours ramené son peuple en Israël, après chaque famine et chaque déportation en Babylonie. Un pays est un grand trésor, c’est là que nous sommes nés, c’est là où sont en­terrés nos ancêtres. Quand on accueille quelqu’un, c’est pour qu’il ait une vie meilleure, et ce n’est pas dans un camp qu’on a une vie meilleure. Quand on est nourri sans travailler, on n’a aucune dignité. Quelle culture avez-vous à leur offrir ? Est-ce que vous êtes encore ca­pable de partager votre culture et vos racines chrétiennes ? J’ai peur que le déséquilibre démographique engen­dré par ces vagues migratoires vous fasse perdre votre identité et ce qui fait votre spécificité. L’Europe a une mis­sion spéciale que Dieu lui a donnée : c’est par vous que nous avons connu l’Évangile, que nous avons connu les valeurs de la famille, la dignité de la personne, et la liberté. Si vous renon­cez à votre identité, si vous êtes noyés par une population qui ne partage pas votre culture, vos valeurs chrétiennes et votre identité risquent de disparaître. C’est comme la Rome ancienne enva­hie par les barbares. Il faut réfléchir aux immigrations : c’est un nouvel esclavage qu’on organise parce qu’on a besoin de travailleurs. Toutes ces personnes qui viennent ici en croyant trouver une vie rêvée. Quel mensonge ! Quel cynisme ! Benoît XVI fut particulièrement clair et prophétique sur toutes ces questions.

Vous avez été façonnés par le christianisme, tout est chrétien en Europe. Pourquoi nier cela ? Aucun musulman ne nie son identité. Si vous ne retrou­vez pas ce que vous êtes, vous disparaî­trez. Et si l’Europe disparaît, il y aura un bouleversement épouvantable : le christianisme risquerait de disparaître sur la surface de la Terre. Voyez bien que vous êtes envahis par l’islam : ils veulent islamiser le monde entier, et ils ont les moyens financiers. Ils ne réussi­ront pas, parce que le Seigneur est avec nous jusqu’à la fin du monde. Mais il ne faut pas nier ce que vous êtes : ceux que vous accueillez doivent s’intégrer à votre culture. Encore faut-il que vous ayez une culture : vous ne pourrez pas les accueillir dans votre athéisme, dans votre matérialisme, dont ils ne veulent pas. »



Écrivain et spécialiste reconnu de l’Église catholique, Nicolas Diat est l’auteur d’un ouvrage de référence sur Benoît XVI, L’Homme qui ne voulait pas être pape (Albin Michel, 2014 ; Pluriel, 2018), et d’Un temps pour mourir. Derniers jours de la vie des moines (Fayard, 2018 ; Pluriel, 2019. Prix du cardinal Lustiger, grand prix de l’Académie française).

Le cardinal Robert Sarah et Nicolas Diat ont publié ensemble Dieu ou rien. Entretien sur la foi (Fayard, 2015 ; Pluriel, 2016) et La Force du silence (Fayard, 2016 ; Pluriel, 2017).

Le soir approche et déjà le jour baisse
du cardinal Robert Sarah et de Nicolas Diat
publié le 20 mars 2019
chez Fayard
à Paris
448 pages
ISBN-13 : 978-2213705217


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