vendredi 26 août 2011

France et mondialisation — cette histoire de France qui n'est plus enseignée

Clovis, Saint Louis ou François Ier, mais aussi Henri IV, Louis XIV ou Napoléon ne sont plus étudiés dans les collèges [début du secondaire] français ! Rayés des programmes ou relégués en option. Raison invoquée par l'Éducation nationale française : il faut consacrer du temps, entre la sixième et la cinquième, à « l'enseignement des civilisations extra-européennes », de l'empire du Mali à la Chine des Hans.

C'est ce scandale pédagogique et culturel que dénonce l'historien Dimitri Casali dans son salutaire Altermanuel d'histoire de France (Perrin) superbement illustré. Cet l'ouvrage se présente comme un complément idéal aux manuels scolaires recommandés (ou en pratique imposés) par les professeurs de collège.

Qui fixe les programmes scolaires en histoire ?

Clovis, Charles Martel, Hugues Capet, Louis IX, dit Saint Louis, François Ier, Louis XIII ont disparu des instructions officielles de sixième et de cinquième.

Plus d'invasions barbares, des trous énormes

Le programme de sixième passe sans transition de l'Empire romain au IIIe siècle à l'empire de Charlemagne, soit une impasse de six siècles. Les migrations des IVe et Ve siècles (les fameuses « invasions barbares »), pourtant fondamentales dans l'histoire de l'Europe, ne sont plus évoquées. Comment comprendre la naissance du royaume de France sans évoquer Clovis ? Comment mesurer « l'émergence de l'Etat en France » sans appréhender le règne de Louis IX ? La Renaissance sans connaître François Ier ? « L'affirmation de l'État » sans expliquer Louis XIII et Richelieu ? Tous les historiens s'accordent sur l'importance de ces personnages et de leur œuvre, non seulement politique, mais aussi économique et culturelle.

Le règne de Louis XIV est quant à lui relégué à la fin d'un programme de cinquième qui s'étend sur plus de mille ans d'Histoire. Faire étudier aux élèves en fin d'année scolaire cette longue période (1643-1715) tient de la mission impossible, sachant que les enseignants peinent à boucler des programmes surchargés. Le règne de Louis XIV est pourtant décisif, tant dans l'affirmation du « pouvoir absolu » que dans le rayonnement de la civilisation française, en France et à l'étranger, à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe  siècle. Le Brun, Le Nôtre, Hardouin-Mansart, Lully, La Fontaine, Corneille... Autant d'artistes et d'écrivains qui risquent de n'être jamais évoqués dans les classes.

A-t-on peur des grands personnages ?

Clovis sur le pavois reconnu roi des Francs,
à Tournai (en Belgique), en 481.
Clovis, Louis IX, François Ier, Louis XIII, Louis XIV, Napo­léon Ier... La dis­pa­ri­tion ou l'ame­nui­sement de ces souve­rains et de leur règne lais­­seraient-ils penser qu'ils n'ont plus de réa­lité his­torique ? Leur impor­tance n'est pour­tant pas remise en cause par les his­toriens. Clovis et Louis IX, dit Saint Louis, seraient-ils de­venus trop poli­ti­que­ment « connotés » (trop « de souche », « germain », « chrétien » ?) pour être cités dans les ins­truc­tions officielles ? La même ques­tion peut être posée concernant la relé­gation du règne de Louis XIV en fin de pro­gramme de cinquième. Pourquoi faire disparaître ou réduire des règnes notamment caractérisés par le rayon­nement de la France à l'étranger ? Rappelons que l'histoire du premier empire colonial français pendant lequel fut fondé Québec, Montréal et exploré la moitié de l'Amérique du Nord ne figure plus au programme français depuis près de 20 ans par décision de Jack Lang. Il est à craindre que la règle du « politiquement correct » ait été appliquée aux programmes, conception moralisatrice de l'enseignement qui tient de la manipulation de l'Histoire.

Évacués aussi les grands textes fondateurs

Ce ne sont pas seulement des personnages historiques, des périodes et des règnes majeurs qui sont écartés, réduits à la portion congrue ou devenus optionnels. Des textes fondateurs, des traités et des lois décisives sont tout simplement passés à la trappe: le serment de Strasbourg (842), l'un des plus anciens textes en langue romane, le lointain ancêtre du français ; le partage de Verdun (843), qui dessine une nouvelle carte de l'Europe d'où sont issus les Etats européens; l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), qui impose l'usage du français dans l'administration à la place du latin, constituant ainsi une étape clé dans l'unification du royaume de France. La relégation du règne de Louis XIV en fin de programme de cinquième rend extrêmement difficile sinon impossible l'étude de la révocation de l'édit de Nantes (1685), qui marque l'interdiction du protestantisme en France et entraîne l'exil de plus de 250.000 protestants. L'histoire des arts n'est pas épargnée. Le précédent programme de quatrième prévoyait l'étude d'extraits du Bourgeois gentilhomme (1670), des Châtiments (1853) et des Misérables (1862), permettant d'inscrire Molière et Victor Hugo dans leur époque, de mesurer l'importance historique de leur œuvre et de faire prendre conscience aux élèves de leur génie littéraire. Or, les deux plus grands auteurs de la littérature française ont disparu des nouveaux programmes...


François Ier, évincé des programmes d'histoire, place à l'Afrique et à la Chine

L'histoire de France facilite l'intégration

L'argument souvent utilisé selon lequel ces nouveaux programmes ont notamment été conçus pour épouser la diversité culturelle des élèves est contestable. Ce raisonnement risquerait d'aboutir à un éparpillement des thèmes et des champs d'étude, rendant encore plus difficile l'assimilation des connaissances. Pourquoi ne pas considérer que les élèves, quelle que soit leur origine, sont français et, à ce titre, ont droit à l'histoire de France la plus complète ?

Selon une enquête de l'Ined (rapport « Trajectoires et origines », 2010), bien que de nationalité française, 37 % des jeunes d'origine étrangère ne se sentent pas français.

La chronologie, rétrograde ?

La disparition de dates et de périodes capitales de l'histoire de France ainsi que le système des options aboutissent à une Histoire à trous, lacunaire, atomisée, qui rend beaucoup plus difficile l'assimilation par les élèves de la chronologie, cette juste représentation de la profondeur historique. Le nouveau programme de première est à ce titre édifiant. Il repose sur un système de modules non pas chronologiques mais thématiques, qui peuvent être disposés dans n'importe quel ordre : « La guerre au XXe  siècle » ; « Le siècle des totalitarismes » ; « Les Français et la République »... Avec ce système, il devient beaucoup plus difficile d'expliquer le rôle déterminant de la Première Guerre mondiale dans la genèse des totalitarismes, ou même le rôle du totalitarisme nazi dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La chronologie serait-elle devenue démodée ? Un comble, car l'Histoire est comme une langue dont la chronologie est la grammaire. Sans elle, notre connaissance du passé est vouée à l'anachronisme, cette incapacité d'inscrire un événement ou un personnage dans son contexte. Sans elle, nous sommes voués à l'amnésie...

Source : Le Figaro




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