vendredi 27 décembre 2019

La tare de l'État-providence c'est qu'éventuellement les autres finissent toujours par manquer (rediff)

Dans le sillage du dernier recensement en l’Angleterre et au pays de Galles où l’on voit la proportion de croyants musulmans doubler en dix ans, cet article de Mark Steyn semble opportun :

Notre lecture aujourd’hui est tirée de l’Évangile selon saint Luc. Non, non, pas la crèche, les bergers, les mages, rien de tout cela, mais l’autre naissance :
« Mais l’ange lui dit : Ne crains point, Zacharie, car ta prière a été exaucée, et ta femme Élisabeth te donnera un fils, et tu lui donneras le nom de Jean. »

Marie et Élisabeth
On ne se penche guère sur cette histoire de Noël, mais elle est là — Luc 1:13, une partie de ce que Luc aurait appelé la trame de fond, s’il avait été un scénariste plutôt qu’un médecin. Parmi les quatre évangiles, seuls deux se soucient de raconter l’histoire de la naissance du Christ et seul Luc commence par deux grossesses. Zacharie est surpris par sa paternité imminente — « car je suis vieux et ma femme est avancée en âge ». Et pourtant, une vieille femme stérile conçoit et, au sixième mois de la grossesse d’Élisabeth, l’ange rend visite à sa cousine Marie et lui dit qu’elle aussi va concevoir. Si vous lisez Luc, la naissance virginale semble un prolongement logique du premier miracle — la grossesse d’une vieille dame. L’évangéliste médecin n’avait aucune difficulté à accepter les deux. Pour Matthieu, la naissance de Jésus est le miracle ; pour Luc on a l’impression que toute naissance – toute vie — est en quelque sorte miraculeuse et don de Dieu.

Nous vivons maintenant dans le monde d’Élisabeth — et pas seulement parce que la technique est devenue miraculeuse et permet aux femmes cinquantenaires ou sexagénaires de devenir mères, mais dans un sens plus fondamental. Le problème avec l’Occident avancé n’est pas qu’il soit ruiné, mais qu’il est vieux et stérile. Ce qui explique pourquoi il est fauché. Prenez la Grèce, elle est devenue l’exemple type de l’insolvabilité d’un État : « les États-Unis prennent le même chemin que la Grèce si nous ne changeons pas de cap ». La Grèce aurait donc des difficultés budgétaires, un manque de revenus, quelque chose dans le genre, n’est-ce pas ? À première vue, oui. Mais le problème sous-jacent est plus profond : la Grèce a un des taux de fécondité les plus bas de la planète. En Grèce, 100 grands-parents ont 42 petits-enfants – un arbre généalogique à l’envers. Dans un État social démocratique où les travailleurs dans les professions « dangereuses » (tels que, euh, la coiffure [à cause des produits dangereux liés à la teinture des cheveux]) prennent leur retraite à 50 ans [c’est le cas en Grèce pour ces professions], il n’y a plus assez de jeunes pour payer votre retraite pendant 30 ans. Et il y a peu de chances qu’il y en ait à nouveau assez.

Regardons cela sous un autre angle : les banques sont un mécanisme par lequel les personnes âgées en possession de capital prêtent celui-ci à de jeunes gens énergiques et imaginatifs. Le monde occidental a renversé ce concept. Si 100 barbons parviennent à accumuler des « billiards » de dollars de dette, est-il raisonnable de penser que 42 jeunes seront jamais en mesure de rembourser cette somme ? Comme Angela Merkel l’avait souligné en 2009, il était hors de question pour l’Allemagne d’adopter un stimulus à la Obama pour la simple raison que les créanciers étrangers de l’Allemagne savent qu’il n’y a tout simplement plus assez de jeunes Allemands pour rembourser ce stimulus. La « puissance » économique du continent a la plus forte proportion de femmes sans enfant en Europe : une Fräulein sur trois a totalement abandonné l’idée de maternité. « La population allemande en âge de travailler risque de diminuer de 30 pour cent au cours des prochaines décennies », d’expliquer Steffen Kröhnert de l’Institut de Berlin pour le développement de la population. « Les campagnes verront une baisse massive de leur population et certains villages disparaîtront tout simplement. »

Si la tare du socialisme est, comme le disait Mme Thatcher, qu’éventuellement, l’argent des autres finit toujours par manquer, alors une grande partie de l’Ouest est passé à l’étape suivante : les autres manquent désormais, point final. La Grèce est un pays avec de moins en moins de clients et de moins en moins de travailleurs, mais de plus en plus de retraités et un gouvernement toujours plus important. Comment faire croître une économie dans un marché qui implose ? Le monde développé, comme Élisabeth, est stérile. Collectivement stérile, je m’empresse d’ajouter. Individuellement, il est composé de millions de femmes fécondes, qui décident à dessein de n’avoir aucun enfant ou un unique enfant sur mesure à 39 ans. En Italie, la patrie de l’Église, le taux de fécondité est d’environ 1,2 ou 1,3 enfant par couple – soit environ la moitié du « taux de remplacement ». La population du Japon, de l’Allemagne et de la Russie se contractent. Cinquante pour cent des femmes japonaises nées dans les années 70 n’ont pas d’enfant. Entre 1990 et 2000, le pourcentage de femmes espagnoles sans enfant à 30 ans a presque doublé, passant d’un peu plus de 30 pour cent à un peu moins de 60 pour cent. En Suède, en Finlande, en Autriche, en Suisse, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, 20 pour cent des femmes de 40 ans n’ont pas d’enfant. Dans un récent sondage où on leur demandait quel serait le nombre « idéal » d’enfants, 16,6 pour cent des Allemands ont répondu « aucun ». Nous vivons dans le monde de Zacharie et d’Élisabeth – de notre plein gré.

Natalité et mortalité allemandes
Source: dpa. Jusqu'en 1990, les données incluent la RDA. Les chiffres sont exprimés en milliers. * = données provisoires.

L’Amérique n’est pas dans une situation aussi périlleuse que l’Europe – pas pour l’instant. Mais son rendez-vous avec l’apocalypse financière a aussi des racines démographiques : les baby-boomers n’ont pas eu assez d’enfants pour garantir la solvabilité du système de protection sociale mis en place au milieu du XXe siècle et qui reposait sur un taux de natalité du milieu du XXe siècle. La « décennie du moi » s’est transformée en « le quart de siècle du moi » et au-delà. Les « moi » ont pris de la bouteille, mais ils n’ont jamais saisi qu’il se pourrait qu’ils aient un jour besoin d’un peu plus d’« eux » qui continuent de contribuer au trésor public.

Pendant la majeure partie de l’histoire de l’humanité, les sociétés qui ont réussi ont privilégié le long terme : c’est pourquoi des millions de gens ont des enfants, construisent des maisons, plantent des arbres, fondent des entreprises, font des testaments, bâtissent de belles églises dans des villages ordinaires, se battent et, si nécessaire, meurent pour leur pays. Une nation, une société, une communauté est un pacte entre le passé, le présent et l’avenir, où les citoyens, pour reprendre les mots de Tom Wolfe, à l’aube de la « décennie du moi », « se considèrent, même inconsciemment, comme faisant partie d’une longue lignée. »

Une grande partie du monde développé ne se projette plus dans le long terme. Vous n’avez pas besoin de consentir des sacrifices matériels : l’État s’occupe de tout cela. Vous n’avez pas besoin d’avoir des enfants. Et vous n’avez certainement pas besoin de mourir pour le roi et la patrie. Mais une société où il n’y a plus de raison de se sacrifier est également une société qui n’a plus de but dans la vie : la lignée s’arrête.

Si vous croyez en Dieu, l’argument utilitaire pour la religion semble insuffisant et réducteur : « Ce sont des histoires utiles dont nous nous berçons », comme un pasteur congrégationaliste peureux m’a un jour décrit la Bible. Mais, si le christianisme n’est qu’une histoire « utile », n’est-elle pas plus rationnelle que le solipsisme d’un monde sans foi ? Les hyper-rationalistes devrait au moins être en mesure de comprendre que le « rationalisme » postchrétien a condamné une grande partie de la chrétienté à un modèle d’entreprise tout à fait irrationnel : un système pyramidal la pointe en bas. Luc, un homme de foi et un homme de science, aurait pu voir où cela mène.

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