dimanche 26 octobre 2025

L’exode des médecins québécois formés en anglais : une gabegie dénoncée depuis 2006

Alors que le gouvernement Legault vient de faire adopter sous bâillon une loi spéciale pour encadrer les médecins, la pénurie persiste, au grand désespoir de la population. Or, ce problème n’a rien de nouveau : un article paru dès 2006 tirait déjà la sonnette d’alarme, soulignant une gabegie parfaitement évitable dans la formation et la rétention des médecins au Québec. Les chiffres précis ont sans doute évolué depuis, mais les causes structurelles, elles, demeurent tristement inchangées. Ce qui suit est un résumé de l'article de 2006.

Une pénurie chronique malgré une formation abondante

Le Québec manque toujours de médecins — environ 1000 spécialistes et autant d’omnipraticiens, selon les estimations les plus récentes. Certaines régions, comme le Saguenay, en viennent même à signer des ententes pour attirer des praticiens étrangers. Paradoxalement, la province fait partie de celles qui forment le plus de médecins par habitant au Canada. Et malgré des investissements massifs, notamment les 3,6 milliards injectés dans les mégahôpitaux du CHUM et du MUHC, le déficit médical s’aggrave.

Un exode massif, particulièrement chez les diplômés de McGill

Dès 2006, les données montraient que le Québec offrait l’un des plus faibles taux de rétention de médecins au pays. Chaque année, plus de 75 praticiens quittaient la province, principalement pour l’Ontario et les États-Unis — un exode deux fois plus important qu’en Ontario. Contrairement à ce qu’on croit souvent, la rémunération n’était pas la seule cause. L’analyse révélait que l’immense majorité des départs provenait de l’Université McGill, alors que les diplômés des universités francophones — Montréal, Laval, Sherbrooke — restaient en grande partie au Québec.

En dix ans, plus de 550 diplômés de McGill avaient quitté la province, représentant près des deux tiers de tous les départs. À la fin de leurs études, environ la moitié des jeunes médecins mcgillois partaient exercer ailleurs, tandis que ceux issus des facultés francophones demeuraient, pour la plupart, au service du réseau québécois.
Au Québec, la formation d’un médecin représente un investissement majeur pour les contribuables, financé à plus de 90 % par l’État. Selon les données récentes du ministère de la Santé et des Services sociaux, former un médecin généraliste coûte environ 435 000 $ CAD, tandis que la formation d’un spécialiste varie entre 600 000 $ et 790 000 $ CAD, selon la durée de la résidence (5 à 7 ans). Ces montants, qui incluent les études universitaires et les salaires de résidence, reflètent une hausse due à l’inflation et aux investissements accrus dans les facultés de médecine. En 2024, des mesures comme le projet de loi 83 visent à garantir un retour sur cet investissement en obligeant les nouveaux médecins à pratiquer cinq ans dans le système public, sous peine de remboursement partiel.

Une erreur de politique publique connue depuis longtemps

La conclusion du rapport de 2006 était sans équivoque : en finançant massivement une université anglophone dont la majorité des diplômés s’en vont, le gouvernement québécois subventionne la formation de médecins pour l’Ontario et les États-Unis. Chaque médecin formé coûte environ 150 000 $ (en 2006, voir encadré pour une mise à jour des coûts)aux contribuables, mais une grande partie de cet investissement profite à d’autres systèmes de santé.

Pire encore, les autorités universitaires de McGill assumaient ouvertement ce rôle d’exportation de talents, se félicitant de former des médecins francophones « destinés à faire carrière aux États-Unis ». Cette tendance s’observe d’ailleurs dans d’autres domaines, comme la physique médicale, où de faibles taux de rétention à McGill ont forcé la création de programmes francophones au CHUM et au CHUQ pour combler les besoins locaux.

Une solution qui existe depuis vingt ans

L’article de 2006 proposait déjà un correctif simple : rééquilibrer les quotas et les investissements en faveur des facultés de médecine francophones, qui forment les médecins les plus susceptibles de rester. Ramener le taux d’exode de McGill à la moyenne des autres universités suffirait presque à combler le déficit migratoire des médecins québécois.

Presque vingt ans plus tard, cette « fuite des cerveaux » demeure l’un des secrets les plus coûteux du système de santé. Le Québec, en continuant à financer sans condition une université dont la majorité des diplômés quittent le territoire, forme toujours un médecin pour le prix de deux — et n’en garde qu’un.