mercredi 21 janvier 2009

L’État québécois, le carnaval de la décadence et le cours d'éthique et de culture religieuse

Recension intéressante de l'ouvrage de Carl Bergeron, L'État québécois et le carnaval de la décadence, dans l'Action nationale. Quelques extraits centrés sur l'éducation. Les intertitres sont de nous.

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Notre État est méconnaissable. La dédramatisation des émeutes de Montréal-Nord, l’instauration insidieuse d’un programme d’Éthique et de culture religieuse ainsi que le zèle pédagogique d’une commission Bouchard-Taylor, voilà quelques exemples récents démontrant la nature subversive des élites trônant au sommet des institutions québécoises.

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Le sourcillement du lecteur à la vue du titre dépourvu de légèreté risque d’être de courte durée, puisque le portrait qu’esquisse l’auteur du Québec contemporain est difficilement réfutable. Dogmatisme socioconstructiviste de l’État en matière d’éducation, étrange uniformité contre-culturelle de l’art, obsession des élites pour la tolérance et la diversité, la longue liste des dérives institutionnelles n’est pas totalement inconnue de ceux qui alourdissent encore leur quotidien d’un rapport intime avec le réel. De cet effondrement en apparence désordonné, l’oeuvre de Bergeron décèle l’étonnant unisson idéologique de l’élite québécoise qui, loin d’être désemparée, s’active à déployer son entreprise«progressiste» à l’aide d’innombrables leviers étatiques.

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Volonté des technocrates d'éduquer le citoyen et ses enfants avec l'argent de ce même contribuable

Ce que l’auteur nomme « techno-progressisme » correspond en partie à cette volonté des élites d’éduquer le citoyen avec les ressources de l’État. Fusion effroyable de l’ambition technicienne et du progressisme utopiste d’ici, l’idéologie est présentée comme la nouvelle doxa étatique québécoise. Langue de bois, chartisme intégral, horreur de la coercition étatique à des fins autres que la sensibilisation, attitude festive, anticatholicisme inné et esprit nomade, voilà les valeurs et réflexes permettant d’accéder aux postes clés.

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Selon l’auteur, ce n’est pas un hasard si les idéologues techno-progressistes se sont attaqués au système scolaire et à la jeunesse. Bergeron décrit ainsi la mutation programmée de ces institutions fondamentales  :
Quand le Ministère de l’Éducation est devenu, en 2005, le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, cela n’était pas un hasard ; c’était l’expression officielle d’une réalité intériorisée depuis longtemps sur le terrain. L’éducation n’est plus que l’éducation, elle est aussi loisir, ce qui se voit par les « méthodes pédagogiques » employées par les nouveaux enseignants, qui ne savent pas tenir une heure sans être ludique ou interactif.
Pas de philosophie, mais le cathéchisme de la « tolérance »

Sur le même sujet, il ajoute brillamment  :
Pour ceux qui ne le savent pas encore, ou qui ne veulent pas le savoir, dans les écoles québécoises on n’apprend moins la langue française que la nécessité de trouver le féminin de « docteur » et de « professeur » ; on n’apprend moins la philosophie que le petit catéchisme de la « tolérance » et du « respect » ; on n’apprend moins à être des adultes qu’à être des citoyens infantocrates.
Mutins de PanurgeLes jeunes formatés, inquisiteurs de nos foyers

Voilà pourquoi, lors des réveillons en famille, il ne vous est plus possible de rire grassement d’un « groupe identitaire » sans subir le regard inquisiteur de votre jeune neveu qui vous accuse, du haut de ses 14 ans, d’être simpliste et borné. Bergeron expose avec une précision inégalée ce formatage idéologique de la jeunesse et des adultes tardant à vieillir. Dans un passage intitulé « Le capital et l’idéologie » , l’auteur démontre que le monde des affaires est loin de former un rempart de pragmatisme contre ce progressisme envahissant.

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La littérature classique, couronne d'épines pour le fonctionnaire nihiliste

La littérature classique, monument gênant aux yeux de l’artiste-fonctionnaire, n’est abordée qu’à des fins pédagogiques, avant d’être ultimement déclassée au profit de substituts plus désirables, telle la littérature jeunesse. Citons une fois de plus Bergeron à ce propos  : « Chaque année, les titres de littérature jeunesse gagnent en légitimité pédagogique et tassent un peu plus ces « textes que personne ne lit et ne veut lire », la littérature, malaise réel que ne savent absolument pas comment combattre nos élites » . Combat, ou plus précisément dit, offensive d’inspiration nihiliste des élites, nous voici au cœur de l’œuvre téméraire de Bergeron.

Le cours d'éthique et de culture religieuse : parachever la conversion au pluralisme normatif

L’esprit québécois, instinctivement prédisposé au salut providentiel, accepte difficilement cette trame tragique, mais malheureusement réelle comme le prouve adroitement l’auteur. Celui-ci nous offre une myriade d’exemples, dont le plus saisissant est sans aucun doute l’avènement du multiculturalisant programme d’Éthique et de culture religieuse piloté par Georges Leroux. En plus d’achever la conversion de l’élève à la religion pluraliste, l’entreprise vise à pulvériser tout réflexe objectiviste que lui auraient transmis accidentellement les derniers vestiges chrétiens de sa civilisation. Car l’œuvre de Leroux n’est pas une modernisation, mais bien une tentative d’endoctrinement, comme le relate ainsi l’auteur  : « Chacune des pages de Leroux semble imprégnée de la crainte de voir un individu s’arracher à la religion pluraliste et de faire son chemin seul, en marge de l’État et de ses surveillants-missionnaires attitrés ». Le peuple peut bien grogner, le Ministère et ses apparatchiks ne le considèrent plus comme légitime. N’y a-t-il pas là une preuve indéniable de la nature subversive de nos élites et de l’État  ? Comment pourrait-on n'y voir qu’un simple dérapage bureaucratique, une machine devenue folle ? Comment une action gouvernementale aussi cohérente pourrait-elle émerger d’un délire généralisé  ? Est-il exagéré de qualifier de totalitaires les pulsions de ces élites, comme le fait Bergeron  ?

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L’œuvre de Bergeron n’est pas simplement originale, elle est d’une originalité vitale. Cet essai, d’une rarissime clairvoyance, démystifie avec élégance les origines de l’affaissement québécois des dernières années et de celles encore à venir. L’État québécois et le carnaval de la décadence est un incontournable pour tout lecteur ne boudant pas impulsivement la notion de déclin sociétal.
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