Le philosophe Jean Laberge se penche sur la calamité en Haïti, et plus généralement sur la souffrance humaine, est-ce qu'elle prouve la inexistence de Dieu ? Il apporte la réponse de Thomas d'Aquin. Il est douteux qu'on la présente lors d'un cours ECR.
Le croyant est donc confronté au problème que les philosophes ont présenté comme « problème du mal ». Comment peut-il se sortir de cette impasse ? Prenant sa défense, je ferai appel à Thomas d’Aquin (1224-1275), sans doute le plus grand penseur chrétien de tous les temps.La suite ici.
Dans sa monumentale Somme théologique — qui n’a pour but, il faut le dire, que d’introduire le débutant à la « science de Dieu » (la théologie) — Thomas d’Aquin considère la question suivante : « Dieu est-il l’auteur du mal ? » (1e partie, question 49, article 2). Fidèle à sa bonne habitude de la questio disputate, l’Aquinate examine à tour de rôle les arguments en faveur de la thèse et ceux qui s’y opposent. Il ose citer la Bible qui semble effectivement faire de Dieu l’auteur de tous les maux, du mal lui-même ! Le prophète Isaïe ne déclare-t-il pas, en effet, noir sur blanc : « Je suis Yahvé, il n’y en a pas d’autre. Je façonne la lumière et je crée les ténèbres. Je fais le bonheur et je crée le malheur. C’est moi Yahvé, qui fais tout cela. » (Isaïe, 45 6-7).
Aujourd’hui, la Bible ne fait plus autorité — sauf chez les fondamentalistes chrétiens —, mais ce n’était pas du tout le cas au Haut Moyen Âge, à l’époque de Thomas d’Aquin. Il fallait donc un certain culot pour que celui qu’on surnommait « le bœuf tranquille » se permette de réfuter les Écritures car, en effet, Thomas d’Aquin démontre par la suite la fausseté de la thèse sous examen : Dieu est l’auteur du mal.
Comment « le Docteur angélique » en arrive-t-il à cette conclusion plutôt étonnante ? Par un « miracle » disent les méchantes langues… Non, bien entendu, car c'est par la philosophie que l’Aquinate aboutit à sa singulière thèse. Or, qui dit « philosophie », en ce temps-là, fait immédiatement référence à celui qu’on désignait alors comme « Le Philosophe », c’est-à-dire Aristote (384-322 avant notre ère).
D’abord, la question centrale : qu’est-ce que le mal ? À cette question philosophique par excellence, vieille comme le monde, les gens répondent couramment que le mal est tout et rien à la fois, car le mal de l’un est le bien de l’autre. En d’autres termes, le mal est indéfinissable, tout relatif qu’il soit à chacun. Pour Thomas d’Aquin, au contraire, le mal est définissable : c’est l’absence du bien (privatio boni). Par exemple, la mort - nul doute le mal suprême pour nous, humains– est l’absence ou la privation de ce bien qu’est la vie. L’esclavage, la privation de la liberté ; la pauvreté, l’absence de biens vitaux, dont l’argent ; la maladie, l’absence de santé, etc.
Cette définition du mal comme absence du bien découle d’une thèse plus générale que soutient l’Aquinate, s’appuyant ici comme ailleurs sur Aristote, voulant que « le bien peut exister sans le mal, alors que le mal ne peut exister sans le bien ». En d’autres termes, s’il y a du mal, c’est qu’il y doit y avoir d’abord du bien. La seule réalité qui existe est donc le bien, c’est-à-dire, pour Thomas le croyant, Dieu. Un être maléfique — Satan, Belzébuth, Adramelech, etc. —, opposé à Dieu, existant avant ou à côté de Dieu, est donc logiquement impossible. C’est d’ailleurs pourquoi le diable ou démon est conçu en christianisme comme un être (un ange) déchu ayant reçu au préalable l’existence de Dieu. Le christianisme n’est pas un manichéisme.
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