lundi 14 juillet 2025

Surproduction d'« élites » conjuguée à un appauvrissement de masse ?

En France, comme dans le reste de l’occident, les jeunes sont de plus en plus nombreux à être diplômés. En l’absence d’un nombre suffisant de postes à pourvoir, cela engendre de la frustration et crée, in fine, des dynamiques dangereuses, alerte l’anthropologue américain Peter Turchin, auteur du succès de librairie Le Chaos qui vient.

LE FIGARO. — En France, le taux de réussite au baccalauréat général est d’environ 96 %. On observe le même phéno­mène dans l’ensei­gnement supé­rieur : 40 % des 25-34 ans détiennent un diplôme de niveau licence (bac + 3) ou plus, contre 16 % des 55-64 ans. Cette tendance se retrouve-t-elle dans le reste du monde occidental ? Pourquoi ?

PETER TURCHIN. — Oui, c’est une tendance générale observée dans une grande partie du monde occidental. Aux États-unis, par exemple, la proportion de diplômés du lycée accédant à l’université est passée de 15 % dans les années 1950 à plus de 60 % dans les années 2020. Cette augmentation est souvent expliquée par la restructuration économique - le passage d’une économie industrielle à une économie fondée sur la connaissance -, qui a accru la demande de main-d’œuvre diplômée.

Elle résulte également de décisions politiques visant à élargir l’accès à l’éducation et d’un changement culturel associant l’enseignement supérieur à l’ascension sociale et à l’épanouissement personnel. Mais, dans mon livre Le Chaos qui vient (Élites, contre-élites et la voie de la désintégration politique publié au Cherche-midi), je soutiens que le désir d’échapper à l’appauvrissement, qui s’est développé au cours des quatre à cinq dernières décennies, est un moteur supplémentaire, et puissant.

— La valeur symbolique, mais surtout marchande, des diplômes s’en retrouve-t-elle affectée ?

— Oui, bien sûr. Plus les diplômes deviennent courants, plus leur valeur - à la fois symbolique et économique - diminue. Ce qui était autrefois un signe distinctif est désormais perçu comme un minimum requis. Cela conduit à une inflation des diplômes, où des qualifications de plus en plus élevées sont nécessaires pour accéder aux mêmes postes. Le rendement économique du diplôme universitaire a chuté ces dernières décennies, et est actuellement très proche de zéro.

Quel est le résultat de tout cela ? Une génération de jeunes très diplômés, souvent endettés, aux perspectives économiques limitées et de plus en plus désabusés.

— Cette massification des études et de l’accès aux diplômes présente donc un risque ?

— Oui, et le risque principal se résume dans ce que j’appelle la « surproduction d’élites ». Si de plus en plus de personnes obtiennent des diplômes du supérieur et nourrissent ainsi de grandes aspirations, le nombre de postes prévus pour ces élites - emplois prestigieux, mandats politiques, postes dans les grandes universités - n’augmente pas au même rythme. Cela provoque donc une concurrence accrue entre élites et, par un effet boule de neige, un ressentiment chez les individus en déclin social, dont certains deviennent des contre-élites remettant en cause la légitimité des institutions en place. Historiquement, cette dynamique a souvent été un facteur majeur d’instabilité politique, comme ce fut le cas avant les révolutions de 1848.

— La frustration des élites peut-elle s’ajouter à l’irritation des masses situées en bas de la pyramide sociale ?

— Oui, tout à fait. De nombreux aspirants frustrés, qui se sentent exclus du statut élitaire, se radicalisent politiquement. Ces contre-élites canalisent le mécontentement populaire en devenant les leaders ou les organisateurs de mouvements radicaux, aussi bien à gauche qu’à droite. La combinaison de la surproduction d’élites et de l’appauvrissement des masses crée une dynamique explosive. L’ascension de Donald Trump - et des mouvements populistes plus larges aux États-unis et ailleurs - peut d’ailleurs être comprise comme le résultat de ces pressions jumelées. D’un côté, nous avons un groupe croissant d’élites frustrées et de contre-élites qui rejettent l’ordre politique établi. De l’autre, une classe ouvrière et moyenne qui se sent économiquement sous pression et culturellement aliénée. Trump a su tirer parti des deux : en offrant du statut et une voix aux groupes marginalisés, tout en sapant les institutions traditionnelles. Ce phénomène n’est pas propre aux États-unis ; il s’inscrit dans un cycle démographique et structurel d’instabilité plus large.

— En quoi cela peut-il être un facteur de déstabilisation pour les sociétés ?

— Lorsque la surproduction d’élites coïncide avec l’appauvrissement des masses, et avec une fragilité croissante de l’État (dette publique incontrôlée, effondrement de la confiance institutionnelle), cela crée un terrain fertile à l’instabilité. On observe une polarisation politique accrue, des manifestations de rue, une augmentation du terrorisme, des émeutes violentes, et un soutien renforcé aux figures autoritaires ou antisystèmes. Historiquement, ces périodes de forte instabilité ont souvent précédé de grands bouleversements : révolutions, voire guerres civiles. Si les issues spécifiques diffèrent d’un pays à l’autre, les dynamiques sous-jacentes sont d’une cohérence alarmante.

— Dans ces conditions, le chaos est-il inévitable ?

— Non, le chaos n’est pas inévitable, mais il devient un risque réel et croissant tant que les pressions structurelles sous-jacentes ne sont pas traitées. Dans 10 % à 15 % des cas historiques que nous avons étudiés, les élites ont su se rassembler et adopter des réformes qui ont fini par désamorcer la crise sans guerre civile ni révolution majeure. La clé est de comprendre qu’il s’agit de problèmes systémiques nécessitant des solutions systémiques. Les ignorer, ou ne traiter que les symptômes, accélérera la trajectoire vers l’effondrement de l’état.

Source : Le Figaro

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dimanche 13 juillet 2025

Plus de demandes d’asile au poste frontalier de Lacolle en 6 jours en juillet que durant tout le mois de mai

Les plus récentes menaces de Donald Trump font grimper en flèche le nombre de demandeurs d’asile qui veulent entrer au Québec. Plus de migrants se sont présentés au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle en provenance des États-Unis pendant la première semaine de juillet que pendant tout le mois de mai.

Ce sont plus de 750 d’entre eux qui y ont demandé l’asile dans les six premiers jours de juillet, selon les chiffres de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), soit 125 personnes par jour en moyenne. Ils n’étaient que 638 à avoir fait de même pendant tout le mois de mai.

Selon les informations du Journal de Montréal, les demandeurs d’asile sont en très grande majorité d’origine haïtienne et plusieurs ont de la famille au Canada.

Incertitude

Leur afflux soudain survient alors que l’administration du président Donald Trump tente une fois de plus de couper court à un programme permettant aux Haïtiens fuyant l’instabilité de rester légalement aux États-Unis.

Mais le TPS (Temporary Protected Status ou «statut de protection temporaire») fait l’objet d’une bataille devant les tribunaux depuis plusieurs mois.

Un juge fédéral a empêché vendredi dernier l’administration Trump de retirer ce statut à 520 000 Haïtiens présents aux États-Unis, pour le moment.

À cela s’ajoutent les menaces d’expulsion des immigrants sans-papiers et la multiplication des centres de détention, comme «l’Alcatraz des alligators», récemment inauguré en Floride.

Réaction
 
Pour le sociologue et commentateur Mathieu Bock-Côté, « Il est temps, tout simplement, de stopper cette immigration massive qui nous submerge. Et il serait peut-être temps aussi d'avoir un peu de compassion pour la société québécoise, qui n'en peut plus.»
Le droit d’asile n’a plus aucun sens
 

The Economist n’est pas ce qu’on pourrait appeler un magazine nationaliste et conservateur. 

Il s’agit plutôt, et depuis longtemps, de la bible des élites mondialistes, qui croient à l’abolition des frontières et qui ont longtemps célébré l’immigration massive au nom d’un monde reconstruisant la tour de Babel.

De même, il traitait le droit d’asile comme un droit sacré, devant lequel il fallait s’incliner, que jamais on ne saurait remettre en question. Il n’en est plus ainsi.

Le temple journalistique du mondialisme doute de ses dogmes.

À la une, cette semaine, il reconnaissait ainsi que le système autour duquel s’articule le droit d’asile en Occident est à jeter aux poubelles.

On ne peut qu’être d’accord, si on reconnaît, comme on aurait dû le faire depuis longtemps, que le droit d’asile, pensé pour accueillir quelques dissidents communistes dans le contexte de la guerre froide, a été détourné à grande échelle pour devenir une filière migratoire parmi d’autres – et peut-être même la filière migratoire privilégiée en Occident.

Des migrants économiques s’en emparent pour s’installer dans nos pays sans en avoir le droit, sous de fausses raisons, avec l’aide des mafias de passeurs et des groupes pseudo-humanitaires d’extrême gauche qui s’imaginent que le monde occidental doit accueillir toute la misère du monde, pour s’excuser de sa prospérité décrétée injuste.

Refuser cette migration de masse relèverait du racisme ou de la xénophobie.

Mais voilà, nos sociétés n’en peuvent plus.

Désastre

L’immigration massive coûte très cher, elle dérègle le marché immobilier, conduit l’État social à la faillite, engendre une inquiétude identitaire plus que fondée dans les pays qui la subissent, en plus d’engendrer beaucoup d’insécurité – même si cela demeure peut-être l’ultime tabou du politiquement correct.

Le commun des mortels sait tout cela depuis longtemps. Ceux qu’on a traités de populistes ont essayé aussi de lancer l’alerte. Maintenant, même les mondialistes sont obligés de convenir du désastre.

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Supprimer le système d'asile — séparer l'asile de la migration économique

Les règles relatives aux réfugiés ont été établies de manière aléatoire. La Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951 ne s'appliquait qu'à l'Europe et visait à empêcher que ceux qui fuyaient Staline ne soient renvoyés en Union soviétique pour y faire face à sa colère. Elle stipulait que toute personne contrainte de fuir en raison d'une « crainte fondée » de persécution devait bénéficier d'un refuge et ne devait pas être renvoyée dans un pays où elle risquait d'être en danger (principe de « non-refoulement »). En 1967, le traité a été étendu au reste du monde.

La plupart des pays l'ont signé. Pourtant, de moins en moins de pays le respectent. La Chine accueille moins de réfugiés que le petit Lesotho et renvoie les Nord-Coréens chez eux, même s'ils risquent d'être envoyés au goulag. Le président Donald Trump a mis fin à l'asile aux États-Unis pour presque tout le monde, à l'exception des Sud-Africains blancs, et prévoit de dépenser plus pour expulser les migrants en situation irrégulière que ce que d'autres pays dépensent pour leur défense. Les attitudes occidentales se durcissent. En Europe, les opinions des sociaux-démocrates et des populistes de droite convergent.

Le système ne fonctionne pas. Conçu pour l'Europe d'après-guerre, il ne peut pas faire face à un monde où les conflits se multiplient, où les voyages sont bon marché et où les écarts salariaux sont énormes. Environ 900 millions de personnes souhaiteraient émigrer de façon permanente. Comme il est presque impossible pour un citoyen d'un pays pauvre de s'installer légalement dans un pays riche, beaucoup partent sans autorisation. Au cours des deux dernières décennies, beaucoup ont découvert que l'asile offrait une porte dérobée. Au lieu de franchir clandestinement une frontière, comme par le passé, ils s'adressent à un garde-frontière et demandent l'asile, sachant que la décision prendra des années et qu'entre-temps, ils pourront se fondre dans l'ombre et trouver du travail.

Les électeurs ont raison de penser que le système a été détourné. La plupart des demandes d'asile dans l'Union européenne sont désormais rejetées d'emblée. La crainte d'un chaos aux frontières a alimenté la montée du populisme, du Brexit à Donald Trump, et empoisonné le débat sur la migration légale. Pour créer un système qui offre la sécurité à ceux qui en ont besoin, mais aussi un flux raisonnable de migration de main-d'œuvre, les décideurs politiques doivent séparer les deux.

Environ 123 millions de personnes ont été déplacées par des conflits, des catastrophes ou des persécutions, soit trois fois plus qu'en 2010, en partie parce que les guerres durent plus longtemps. Toutes ces personnes ont le droit de rechercher la sécurité. Mais la « sécurité » ne signifie pas nécessairement l'accès au marché du travail d'un pays riche. En effet, la réinstallation dans les pays riches ne sera jamais qu'une infime partie de la solution. En 2023, les pays de l'OCDE ont reçu 2,7 millions de demandes d'asile, un nombre record, mais une goutte d'eau par rapport à l'ampleur du problème.

L'approche la plus pragmatique serait d'offrir à davantage de réfugiés un refuge près de chez eux. En général, cela signifie dans le premier pays sûr ou bloc régional où ils ont posé le pied. Les réfugiés qui parcourent de plus courtes distances sont plus susceptibles de rentrer un jour chez eux. Ils sont également plus susceptibles d'être bien accueillis par leurs hôtes, qui ont tendance à être culturellement proches d'eux et à être conscients qu'ils cherchent le premier refuge disponible pour échapper à une catastrophe. C'est pourquoi les Européens ont largement accueilli les Ukrainiens, les Turcs ont été généreux envers les Syriens et les Tchadiens envers les Soudanais.

Il est souvent beaucoup moins coûteux de s'occuper des réfugiés près de chez soi. L'agence des Nations unies pour les réfugiés dépense moins d'un dollar par jour et par réfugié au Tchad. Compte tenu de leurs budgets limités, les pays riches aideraient beaucoup plus de personnes en finançant correctement les agences pour les réfugiés – ce qu'ils ne font pas actuellement – qu'en hébergeant les réfugiés dans des foyers du premier monde ou en payant des armées d'avocats pour plaider leur cause. Ils devraient également aider généreusement les pays d'accueil et les encourager à laisser les réfugiés subvenir à leurs besoins en travaillant, comme le font de plus en plus nombreux.

Les Occidentaux compatissants peuvent ressentir le besoin d'aider les réfugiés qu'ils voient arriver sur leurs côtes. Mais si le voyage est long, difficile et coûteux, ceux qui le mènent à bien ne sont généralement pas les plus désespérés, mais des hommes en bonne santé et relativement aisés. Les fugitifs de la guerre en Syrie qui ont réussi à atteindre la Turquie voisine représentaient un large échantillon de la population syrienne ; ceux qui ont atteint l'Europe étaient 15 fois plus susceptibles d'avoir un diplôme universitaire. Lorsque l'Allemagne a ouvert ses portes aux Syriens en 2015-2016, cela a incité un million de réfugiés qui avaient déjà trouvé refuge en Turquie à se rendre en Europe à la recherche de salaires plus élevés. Beaucoup ont ensuite mené une vie productive [bien que leur taux d'activité soit inférieur à celui des natifs des pays en question], mais on ne voit pas clairement pourquoi ils méritaient d'être prioritaires par rapport à la multitude d'autres personnes, parfois mieux qualifiées, qui auraient apprécié la même opportunité.

Les électeurs ont clairement indiqué qu'ils voulaient choisir qui ils laissaient entrer, et cela ne signifie pas tous ceux qui se présentent et demandent l'asile. Si les pays riches veulent endiguer ces arrivées, ils doivent modifier les incitations. Les migrants qui quittent un pays sûr pour un pays plus riche ne devraient pas être pris en considération pour l'asile. Ceux qui arrivent devraient être envoyés dans un pays tiers pour y être pris en charge. Si les gouvernements veulent accueillir des réfugiés provenant de pays lointains, ils peuvent les sélectionner à la source, là où l'ONU les enregistre déjà lorsqu'ils fuient les zones de guerre.

Certains tribunaux diront que cela viole le principe de non-refoulement. Mais ce n'est pas nécessairement le cas si le pays tiers est sûr. Giorgia Meloni, la Première ministre italienne, souhaite envoyer les demandeurs d'asile en Albanie, qui remplit les conditions requises, afin que leur dossier y soit examiné. Ce n'est pas le cas du Soudan du Sud, où M. Trump souhaite renvoyer les migrants illégaux. Des accords peuvent être conclus pour obtenir la coopération des gouvernements des pays tiers, en particulier si les pays riches agissent de concert, comme commence à le faire l'UE. Une fois qu'il sera clair que l'arrivée sans invitation ne confère aucun avantage, le nombre de personnes qui le font chutera.

Source : The Economist

samedi 12 juillet 2025

Un cerveau seul est un cerveau atrophié

Dans son nouvel ouvrage, Quand on tombe amoureux, on se relève attaché (Odile Jacob), le neuropsychiatre Boris Cyrulnik nous ouvre les portes du cerveau humain afin de comprendre les désordres affectifs et émotionnels qui empêchent les nouvelles générations de tomber amoureuses et s’attacher durablement.

Présentation de l'éditeur

« L’amour ne frappe pas au hasard. Ce merveilleux moment ne touche que ceux qui y sont disposés.


Toute notre vie, on peut réveiller l’empreinte amoureuse que l’on croyait engourdie.

Ceux qui ont bénéficié d’un attachement sécurisé sont les plus faciles à aimer, mais certains se sentent plus à l’aise avec un attachement apaisé et moins fiévreux que l’amour intense, parfois source d’angoisse.

Ceux qui, dans leur enfance, ont connu un désert affectif ont tendance à croire qu’ils ne sont pas aimables puisqu’ils n’ont jamais été aimés ; quand on les aime, ils pensent qu’ils ne le méritent pas et qu’on va à nouveau les abandonner. Il est alors difficile de tisser un lien d’attachement.

L’amour fait parfois peur et l’attachement parfois emprisonne. Faudra-t-il inventer de nouvelles cours d’amour pour retrouver le plaisir d’aimer ? » B. C.

Un grand livre émouvant et profond.

Boris Cyrulnik y déploie son talent d’écrivain, unique, pour mettre des mots sur ce que nous ressentons.

Quand on tombe amoureux, on se relève attaché
de Boris Cyrulnik 
chez Odile Jacob
publié le 5 mars 2025
à Paris
289 pp.
ISBN-10 : 241500519-3
ISBN-13 : 978-241500519-1

 

jeudi 10 juillet 2025

« Vers une gestion soviétique des propriétés privées ? »

Vers une gestion soviétique des propriétés privées ?» : l'édito de Mathieu Bock-Côté, dans Face à l'info.


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Selon Pia Mamut, chercheuse à l’Université Münster, la rénovation énergétique des bâtiments n’est pas la solution. Pour limiter l’impact du secteur sur l’environnement, il faut commencer par définir un nombre de mètres carrés autorisés par personne.

Votre maison est trop grande selon l’INSEE…

L'étude de l'INSEE: « Un quart des ménages vivent dans un logement en sous‑occupation très accentuée »

L'immigration de masse mène à la densification de masse et à la perte de qualité de vie

Canada — Des logements trop chers

OCDE — Le PIB réel par habitant du Canada en berne, il est plombé par l'immigration de masse

Australie — Effets de l'immigration massive et ses effets sur le logement et les services publics comme les écoles et les hôpitaux

Pour Justin Trudeau, il ne faut pas que l'urgence de payer son logement ou son épicerie l'emporte sur la lutte contre les changements climatiques

L’écologisme tue-t-il ?  

Chine — La politique de l'enfant unique est terminée, mais le taux de fécondité continue de baisser (effet de l'urbanisation et de la densification des logements ?)

 

Forte densité et faible natalité

Le lien entre densité plus élevée et faible fécondité se vérifie partout, même en Afrique.

Considérons quelques études.

Tout d'abord, Lutz et coll. (2006) ont examiné 145 pays et, en tenant compte de plusieurs variables socio-économiques, Lutz et coll. concluent : « La densité de population est désormais le facteur le plus important pour expliquer le niveau de fécondité, seule l'alphabétisation des femmes s'en rapprochant le plus. » Lutz et coll. indiquent que le taux de fécondité diminue avec l'augmentation de la densité dans de nombreux pays.


En outre, dans 94 régions d'Europe, la taille idéale de la famille est corrélée négativement avec la densité de population.
 
 
Dans une étude portant sur 174 pays et menée sur une période de 69 ans, Rotella et coll. (2021) ont constaté une relation négative robuste entre la densité et la fécondité, tant à l'intérieur des pays qu'entre les pays, même en tenant compte d'une série de variables. Ils écrivent que « les différences entre les pays et les changements de densité à l'intérieur des pays au fil du temps prédisent les taux de fécondité, représentant 31 % de la variance de la fécondité » (p < 0.001).

Cette corrélation négative se vérifie dans tous les pays développés et dans la plupart des pays en développement.

De plus, de la Croix et coll. (2017) rapportent que dans 44 pays en développement, une augmentation de la densité de 10 à 1000 habitants par km² entraîne une diminution de la fécondité d'environ 0,7 enfant. En utilisant 20 groupes de densité, les auteurs trouvent une relation négative entre la densité et la fécondité qui est significative à un niveau de p<0,01. 

Enfin, Testa (2004) constate dans un article intitulé Population Density and Fertility que pour l'Indonésie, la fécondité est fortement corrélée négativement avec la densité dans toutes les provinces. 

mercredi 9 juillet 2025

Allemagne — Nouvelle campagne pour avertir que les attouchements sont interdits dans les piscines publiques

En Allemagne, le gouvernement a lancé une nouvelle campagne pour avertir les clients des piscines publiques que les attouchements sont interdits :


Comme vous pouvez le voir, sur une affiche, un homme blanc envahit l'intimité d'une femme brune ; sur la deuxième, un homme blanc saisit les fesses d'une femme brune ; sur la troisième, deux hommes blancs poussent une femme brune ; et sur la quatrième, une rousse prédatrice tripote un homme brun avec une jambe de bois.

Comme l'a souligné le journal le plus vendu d'Europe, cette campagne publicitaire est l'exacte inversion de la réalité allemande :
    Elf Tage ist es her, dass acht Mädchen in Gelnhausen bei einem Schwimmbad-Ausflug sexuell belästigt wurden. Die mutmaßlichen Täter waren vier junge Männer. Alle vier sollen derselben syrischen Familie angehören.
Ce qui signifie :
    Il y a onze jours, huit filles ont été agressées sexuellement lors d'une sortie à la piscine de Gelnhausen. Les auteurs présumés sont quatre jeunes hommes. Tous les quatre seraient issus de la même famille syrienne.
Est-ce vraiment une surprise quand on sait que l'homme qui a sodomisé un garçon de dix ans dans la piscine de Theresienbad a vu sa condamnation annulée par la Cour suprême autrichienne au motif que, étant originaire d'Irak, Amir ne pouvait pas savoir que le mignon petit marmot ne consentait pas à son viol anal ?
 
Voir aussi
 
 
 
Bureau national des statistiques britannique : En 2024, le pourcentage de naissances vivantes dont l'un des parents ou les deux sont nés hors du Royaume-Uni était de 40,4 % en Angleterre (contre 38,2 % en 2023). 

Trudeau a dépensé 11 milliards $ sur des programmes « de genre » à l'étranger au cours de son mandat


Au cours des dix dernières années, le gouvernement du Canada a dépensé environ 11,2 milliards de dollars pour des initiatives en matière d'égalité des sexes à l'étranger (vous avez dit ingérence?), en se concentrant sur des projets ciblant directement l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, comme le prévoit la politique d'aide internationale féministe (PAIF) du Canada.

Ce chiffre est une estimation prudente, car il inclut principalement l'aide ciblée sur le genre et ne tient pas compte de la valeur totale des projets intégrés au genre, qui pourraient représenter des milliards de dollars supplémentaires s'ils étaient entièrement calculés.

Trudeau a annoncé le PAIF à la Chambre des communes en 2017, en soulignant l'engagement du Canada en faveur de l'égalité des sexes.

« Nous sommes ici aujourd'hui pour lancer la Politique féministe d'aide internationale du Canada - une politique qui place les femmes et les filles au centre de tout ce que nous faisons en matière d'aide internationale. Car nous savons que lorsque les femmes et les filles prospèrent, tout le monde en profite », a-t-il déclaré.

M. Trudeau avait promis d'équilibrer le budget d'ici 2019 lors des élections de 2015, mais il a enregistré neuf déficits consécutifs.

Le plus important a été enregistré en 2023/24, avec un déficit de 61,9 milliards de dollars, le plus élevé en dehors de la période COVID-19. Les déficits annuels se sont élevés en moyenne à 39-48 milliards de dollars entre 2020 et 2025, en raison des dépenses liées à la pandémie, aux infrastructures et aux programmes sociaux.

La dette fédérale a doublé, passant de 693,8 milliards de dollars en 2015 à 1,4 billion de dollars en mars 2025, selon l'Institut Fraser.

La dette par personne a augmenté de 14 127 dollars (corrigée de l'inflation) entre 2014/15 et 2023/24, les coûts du service de la dette atteignant 53,7 milliards de dollars en 2024/25, soit 1 301 dollars par personne - plus que les recettes de la TPS fédérale.

Les déficits antérieurs au COVID étaient moins importants - 18,1 milliards de dollars en 2018/19 - mais les dépenses liées à la pandémie (2020-2022) et les dépenses permanentes en matière de santé, de climat et de réconciliation avec les autochtones ont fait grimper la dette.

Les critiques, comme l'Institut Fraser, soutiennent qu'une grande partie des dépenses étaient inutiles, alors que le gouvernement de M. Trudeau les a présentées comme nécessaires à la reprise économique et à l'équité sociale. 


 

Source : The Winnipeg Sun

lundi 7 juillet 2025

Le soutien au mariage homo est en baisse aux États-Unis

Le premier mariage homosexuel légal aux États-Unis a eu lieu à la mairie de Cambridge, dans le Massachusetts, en 2004. Le président George W. Bush a condamné cette évolution, tout comme les politiciens démocrates. À l'époque, la plupart des Américains étaient d'accord : les sondages montraient que près de deux fois plus de personnes s'opposaient au mariage gay que ne le soutenaient. Mais le soutien du public au mariage homosexuel a augmenté. Et ce qui avait commencé comme une décision judiciaire défendue par des libéraux portant des sandales Birkenstock est devenu la loi du pays il y a dix ans, le 26 juin 2015, lorsque la Cour suprême a statué dans l'affaire Obergefell c. Hodges que les couples homosexuels avaient le droit de se marier.

Dix ans plus tard, un nombre croissant de données d'enquête indiquent un renversement de la tendance à la hausse du soutien au mariage homosexuel. Ce changement est dû à une forte baisse du soutien parmi les républicains. L'enquête sociale générale, par exemple, montre que depuis 2018, le soutien des démocrates au mariage homosexuel a légèrement augmenté, passant de 77 % à 80 % ; le soutien des républicains a chuté de 58 % à 45 % au cours de la même période.

Cette désapprobation grandissante de l'opinion au sujet du mariage homosexuel au sein du parti majoritaire commence à avoir des conséquences concrètes dans les tribunaux et les assemblées législatives des États. En février, par exemple, un représentant de l'État du Michigan a présenté une résolution exhortant la Cour suprême à annuler l'arrêt Obergefell. Bien qu'elle ait été rejetée, des propositions similaires émanant de législateurs républicains ont vu le jour dans l'Idaho, le Montana et ailleurs. Ce mois-ci, la Southern Baptist Convention, la plus grande confession protestante des États-Unis, a également appelé à l'annulation de l'arrêt Obergefell. Dans certains États, les républicains font avancer des projets de loi sur le mariage « conventionnel » qui créeraient une catégorie distincte d'unions réservées aux couples hétérosexuels.

Il est peu probable que l'arrêt Obergefell soit annulé par la Cour suprême ; seul le juge Clarence Thomas a laissé entendre qu'il irait aussi loin. Mary Bonauto, l'avocate qui a plaidé avec succès cette affaire historique, affirme que la décision est protégée par un précédent qui « renforce les droits à la liberté, à l'égalité et à l'association ». Pourtant, l'opposition croissante au mariage gay inquiète Leah Litman, professeure de droit à l'université du Michigan. Elle craint que les récentes décisions de la Cour suprême autorisant les chefs d'entreprise à refuser les clients LGBT célébrant des mariages homosexuels pour des raisons religieuses et morales ne sapent davantage le soutien du public aux mariages homosexuels

Pourquoi le mariage homosexuel, une question qui semblait vouée à devenir ennuyeuse et réglée, est-il revenu sur le devant de la scène politique ? Plusieurs théories se dégagent. L'une d'elles est que la composition de la coalition républicaine a changé. Le parti a gagné le soutien des groupes ethniques et des électeurs moins éduqués, deux groupes qui sont plus sceptiques à l'égard du mariage homosexuel. Il peut également y avoir une certaine auto-sélection, les républicains modérés fuyant le trumpisme tandis que les démocrates socialement conservateurs migrent vers le parti.

Mais l'analyse des données GSS par The Economist montre que ces facteurs ne peuvent à eux seuls expliquer l'ampleur du déclin du soutien des républicains au mariage homosexuel. Le rythme de cette baisse dépasse de loin celui des changements démographiques au sein du parti. Et si l'auto-sélection était la cause principale, le soutien des démocrates devrait augmenter dans les mêmes proportions, à mesure que les électeurs socialement conservateurs quittent le parti.

Une théorie plausible est que le débat autour du traitement médical des enfants transgenres et l'opposition généralisée à la participation des filles transgenres aux sports féminins ont compliqué l'attitude du public à l'égard des droits des homosexuels. Certains progressistes ont associé une cause publique à laquelle de nombreux Américains ne se sont ralliés que récemment (les "droits des homosexuels") à une cause impopulaire. Et certains conservateurs ont exploité cela pour attaquer l'argument en faveur du mariage homosexuel.

Pas moins de 70 % des Américains estiment que dans le sport, les athlètes devraient affronter des adversaires du même sexe biologique, même si cela diffère de leur prétendue identité de genre. Il est difficile de trouver un tel niveau de soutien pour quoi que ce soit dans un pays divisé à parts égales. Dans un sondage YouGov/The Economist, deux tiers des personnes interrogées qui estiment que les droits des transgenres sont allés trop loin s'opposent également au mariage homosexuel.

Le soutien au mariage homosexuel a augmenté rapidement, une rapidité qui, selon les politologues, suggère des attitudes malléables plutôt que profondément ancrées. Les opinions qui se forment rapidement peuvent changer tout aussi rapidement. Les politiciens jouent un rôle important en « aidant à comprendre quelle devrait être la position politique à adopter », ajoute Andrew Flores, politologue à l'American University. L'évolution du soutien public au mouvement envers les prétendus droits des transgenres au cours de la dernière décennie offre un exemple édifiant. En 2016, la Caroline du Nord a adopté sa loi dite « bathroom bill », qui obligeait les personnes à utiliser les toilettes correspondant à leur sexe biologique. La question est devenue un test partisan lorsque les politiciens républicains se sont positionnés comme « anti-trans », tandis que les politiciens démocrates ont fait le contraire.

Une analyse des données d'une enquête réalisée en 2018 par Philip Edward Jones et Paul Brewer, politologues à l'université du Delaware, a révélé que les opinions des électeurs sur les questions transgenres à l'époque suivaient généralement les indications données par l'élite de leur parti.

Aujourd'hui, certains dirigeants républicains, ou mouvements qui leur sont alignés, s'attaquent au mariage pour tous. Même si l'arrêt Obergefell est maintenu, « il existe de nombreux moyens de nuire aux couples homosexuels sans pour autant invalider leur mariage », note Melissa Murray, professeure de droit à l'université de New York. La dissidence du juge Neil Gorsuch concernant une décision de 2017 obligeant les États à inscrire les deux membres d'une union homosexuelle sur l'acte de naissance de leur enfant pourrait ouvrir la voie à de futures contestations sur ce que les États « peuvent et ne peuvent pas faire » en matière de familles homosexuelles, note-t-elle. Pour les homosexuels américains, le terrain qui semblait solide il y a dix ans semble désormais vaciller sous leurs pieds.


Source: The Economist

Voir aussi
 
 
 

Chine — Ruée vers les études d'ingérieurs (baisse dans les sciences humaines avec une exception)



Les universités chinoises accueillent chaque année plus d'un million de nouveaux étudiants en ingénierie

Toujours complet

Les larmes et les efforts en valaient la peine. Quelque 4,8 millions d'élèves apprendront bientôt que leurs résultats au récent examen gaokao leur ont permis d'obtenir une place dans un cursus universitaire de licence, contrairement à 8 millions de leurs camarades qui ont passé le même examen. Comment tirer le meilleur parti de leur brillant avenir ? Pour beaucoup, la réponse est d'étudier l'ingénierie.

Plus de la moitié des jeunes Chinois suivent aujourd'hui des études supérieures, dispensées par quelque 3 000 établissements. En Chine, comme ailleurs, l'abondance des diplômes a réduit la valeur de chacun d'entre eux. Et avec le ralentissement économique (relatif) de ces dernières années, le taux de chômage des jeunes a augmenté, même parmi les diplômés. Il était de 14,9 % en mai, selon le gouvernement. Pour se démarquer, les jeunes veulent obtenir les diplômes les plus prestigieux.

En 2022, dernière année pour laquelle des données sont disponibles, 36 % de tous les étudiants chinois entrant à l'université, soit environ 1,6 million de personnes, ont choisi un diplôme d'ingénieur, contre 32 % en 2010. En Grande-Bretagne et aux États-Unis, où le nombre d'étudiants est beaucoup moins important, cette proportion oscille autour de 5 %. Ce n'est pas parce que les adolescents chinois sont particulièrement friands de tournevis. C'est plutôt parce que le gouvernement chinois est remarquablement doué pour attirer les jeunes vers les domaines de haute technologie qu'il souhaite dominer.

Les obsessions du Parti communiste ont longtemps façonné les choix éducatifs en Chine. Il exerce un contrôle strict sur les universités : leurs dirigeants sont presque toujours membres du parti et leur financement provient en grande partie de l'État, plutôt que des frais de scolarité. Au cours des premières décennies du régime communiste, la petite proportion de jeunes Chinois qui accédaient à l'université étudiaient des matières pratiques telles que l'exploitation minière et l'ingénierie, afin de contribuer à l'industrialisation du pays, et l'agriculture, afin de le nourrir.

Les choix des étudiants se sont légèrement élargis dans les années 2000, avec l'essor du secteur privé en Chine. Alors que de plus en plus d'étudiants se tournaient vers l'économie ou la gestion d'entreprise, la part de ceux qui étudiaient l'ingénierie a diminué. Les langues étrangères, la littérature et les arts sont également devenus de plus en plus populaires. Mais cette tendance s'est arrêtée. Aujourd'hui, les élèves choisissent généralement l'ingénierie parce qu'ils s'inquiètent de trouver un emploi, rapporte un enseignant d'une école de Pékin.

Les autorités chinoises ont accéléré cette évolution. Le parti est un grand adepte de cette discipline. De nombreux hauts fonctionnaires, dont Xi Jinping, le dirigeant chinois, sont titulaires d'un diplôme d'ingénieur. Ils souhaitent désormais que de nouvelles promotions de jeunes ingénieurs viennent soutenir le secteur manufacturier de haute technologie en Chine. En 2023, les responsables ont commencé à demander aux universités de revoir leurs programmes d'études afin de se concentrer davantage sur les industries stratégiques et les goulets d'étranglement technologiques. L'année dernière, le ministère de l'Éducation a annoncé un « mécanisme d'urgence » visant à créer plus rapidement des diplômes afin de répondre aux « priorités nationales ».

Tout cela a conduit à une multiplication des nouveaux diplômes d'ingénierie spécialisés. Plus de 600 universités chinoises proposent désormais des programmes de premier cycle en intelligence artificielle (IA), un domaine que le parti s'est engagé à dominer d'ici 2030. Le fondateur de DeepSeek, une entreprise dynamique spécialisée dans l'IA, a étudié cette matière à l'université de Zhejiang, dans l'est de la Chine. Parallèlement, de nombreux ingénieurs de l'entreprise ont été formés dans les universités prestigieuses de Pékin et de Tsinghua, à Pékin.

L'année dernière, plusieurs établissements ont commencé à proposer des diplômes dans les technologies « à basse altitude », telles que les drones de livraison et les voitures volantes, que les responsables considèrent comme une nouvelle source de croissance économique. L'année prochaine, certains établissements proposeront des diplômes dans la fabrication de dispositifs médicaux, un secteur dans lequel la Chine dépend pour l'instant des entreprises américaines.

La demande pour ces nouveaux cursus est forte. Les parents chinois de la classe moyenne accordent une grande attention aux options qui s'offrent à leurs enfants. Ils pensent que si le gouvernement promeut un nouveau diplôme, il y a de fortes chances que des fonds publics soient alloués aux industries connexes dans les années à venir et que des débouchés professionnels en découlent, explique Jiang Xueqin, consultant en éducation à Pékin. Ils poussent donc leurs enfants à suivre ces études.

Dans le même temps, le financement des diplômes jugés moins utiles par le gouvernement diminue, voire disparaît complètement. Certains cours de gestion ou d'économie dans les universités chinoises peuvent être médiocres (la Chine les propose depuis relativement peu de temps et ils sont généralement pris moins au sérieux par les administrateurs). Les sciences humaines sont considérées comme une option plus facile. Dans tout le pays, les établissements ont mis fin à plus de 5 000 programmes au cours des cinq dernières années.

Ce printemps, la prestigieuse université Fudan, située à Shanghai, a annoncé qu'elle réduisait la part des places qu'elle offrait aux étudiants en sciences humaines de 30 à 40 % du total à 20 % afin de développer ses programmes de haute technologie et de créer de nouvelles « écoles d'innovation ». L'année dernière, l'université du Sichuan, dans la ville de Chengdu, au sud-ouest du pays, a cessé de proposer des diplômes en musicologie, en assurance et en études télévisuelles. Deux provinces ont déclaré qu'elles réduiraient le nombre d'étudiants poursuivant des études en anglais. Et plusieurs universités ont promis de supprimer d'autres matières si une proportion élevée de diplômés dans ces domaines ne parvenait pas à trouver un emploi.

Ingénierie sociale

Un type de diplôme en sciences humaines gagne toutefois en popularité : celui qui glorifie le parti. Certaines universités proposent désormais des diplômes en histoire du parti, remplis de récits élogieux sur son règne en Chine. Au cours de la dernière décennie, le nombre de facultés d'études marxistes dans les universités chinoises est passé de 100 à plus de 1 400. Elles proposent des diplômes de licence, de maîtrise et de doctorat dans cette matière (il va sans dire que ces facultés sont toutes dirigées par des membres du parti). Et au moins dix universités ont créé des centres spécialement dédiés à l'étude de la philosophie politique de M. Xi. Ces cours, au moins, ne sont pas près de disparaître.


Histoire — Le 8 juillet 1758 eut lieu la victoire française de Fort Carillon

La bataille de Fort Carillon eut lieu le 8 juillet 1758 à Ticonderoga, au sud du lac Champlain (de nos jours dans l’État de New York) dans le cadre de la guerre de Sept Ans. La bataille eut lieu à Fort Carillon entre le lac Champlain et le lac George, qui séparaient la colonie anglaise de New York de la colonie française du Canada. Le Canada français à l’époque comprend les actuelles provinces de Québec, Ontario, Manitoba, Nouveau-Brunswick, l’île du Prince-Édouard et une partie de la Nouvelle-Écosse, ainsi que des États américains comme l’Ohio, l’Indiana, l’Illinois, le Michigan, le Wisconsin, le Nord des États de New York, du Maine, du Vermont et du Nouveau Hampshire.

Cette victoire décisive française retarda d’un an l’invasion de la vallée du Saint-Laurent.

Localisation de Fort Carillon
La bataille eut lieu à environ un kilomètre du fort lui-même. Une armée française et canadienne de presque 4 000 hommes sous le commandement du général Louis-Joseph de Montcalm et du Chevalier de Lévis remporta une victoire sur une force militaire anglaise quatre fois supérieure de 16 000 hommes sous le commandement du général James Abercrombie. Ce dernier attaqua des positions françaises bien retranchées sans appui d’artillerie. La bataille fut la plus sanglante de la guerre avec plus de 3 000 victimes, dont 2 000 furent anglaises.

L’historien américain Lawrence Henry Gipson écrit que la campagne d’Abercrombie fut semée d’erreurs. Plusieurs historiens militaires ont cité la bataille de Carillon comme exemple classique d’incompétence militaire. Abercrombie, confiant en une victoire éclair, n'envisagea pas plusieurs options militaires viables en compte, comme le contournement des défenses françaises en attendant son artillerie ou de faire le siège du fort. Il fit plutôt confiance à un rapport erroné de son jeune ingénieur militaire et ignora ses recommandations. Il décida un assaut frontal sur les positions françaises, sans l’appui de l’artillerie. Montcalm, malgré son mépris pour la faible position militaire du fort, a conduit la défense avec brio.

Le fort Carillon restauré
Le Fort Carillon est situé sur une pointe au sud du lac Champlain et au nord du lac George, un point naturel de conflit entre les forces françaises se déplaçant vers le sud de la Nouvelle-France par la rivière Richelieu et à travers la vallée du lac Champlain vers la vallée de l’Hudson, et des bandes iroquoises au début de la colonie puis des forces britanniques de New York remontant vers le nord. Le fort est entouré d’eau sur trois côtés et, sur une moitié du quatrième côté, par un marécage. La portion restante a été puissamment fortifiée par de hauts retranchements, soutenus et accompagnés par trois batteries de canons, et devant cet ensemble, par des abattis d’arbres dont les bouts des branches furent durcis au feu, créant ainsi une formidable défense. Le fort Carillon contrôlait donc le Sud du lac Champlain et l’accès au fleuve Hudson. C’est par ce fort que les troupes du marquis de Montcalm partirent détruire le Fort William Henry, en août 1757.

Montcalm avait organisé les forces françaises et canadiennes en trois brigades et une réserve. Il commandait le régiment Royal-Roussillon et le régiment de Berry au centre des retranchements défensifs alors que Lévis commandait le régiment de Béarn, le régiment de Guyenne, et le régiment de la Reine sur la droite et Bourlamaque commandait le régiment de La Sarre et le régiment de Languedoc sur la gauche. À chaque bataillon furent données à peu près 100 verges (90 mètres) de retranchements à défendre. Les redoutes avec des canons protégeaient les flancs des retranchements bien que celle de droite ne soit pas achevée. Le terrain plat entre le flanc gauche et la rivière de La Chute était gardé par la milice et la marine, qui avaient aussi construit des abattis pour protéger leurs positions. Les forces de réserve étaient soit dans le fort, soit sur les terrains entre le fort et les retranchements sur le mont Espoir. Des détachements de chaque bataillon étaient tenus en réserve, pour intervenir dans les endroits où l’on aurait besoin d’eux.

Les troupes françaises s’avancent sur le mont Carillon à l’ouest du Fort

Les 3 600 hommes (dont les 400 Canadiens du chevalier de Lévis) de Louis-Joseph de Montcalm et 300 Abénaquis brisèrent l’assaut des 16 000 Britanniques (dont 6 000 tuniques rouges et 10 000 coloniaux) et de leurs alliés sauvages, les Agniers (qui ne prirent pas part à la bataille), sous les ordres du major général James Abercrombie.

La position française était organisée de sorte qu’ils pouvaient tirer sur les forces britanniques lors de leur avance. L’abattis devint vite un champ de morts. Vers 14 h, il était clair que la première vague d’attaque était un échec. Montcalm était actif sur le champ de bataille, après avoir enlevé son manteau, il se déplaça pour visiter ses soldats et les encourager en s’assurant que tous leurs besoins fussent satisfaits (voir l’illustration ci-dessous).

Montcalm et ses troupes victorieuses

Après que la première vague d’attaque eut échoué, Abercrombie persista à lancer d’autres attaques similaires. Lorsqu’il écrira pour sa défense, il rejettera le tort sur l’évaluation de Clerk selon laquelle les défenses françaises pouvaient facilement être prises d’assaut.

À environ 14 h, les barges britanniques qui portaient l’artillerie lourde commencèrent à descendre la rivière de La Chute et, contrairement au plan initial, descendirent le canal entre une île dans la rivière et la rive proche du fort français. Ceci les amena à portée des lignes françaises sur les berges et de quelques-uns des canons du fort. Les canons du côté sud-ouest du fort coulèrent deux des barges, ce qui fit battre les autres barges en retraite.

À environ 17 h, le 42e régiment britannique entama une offensive désespérée qui réussit finalement à atteindre le mur des Français ; mais ceux qui avaient l'avaient franchi se firent accueillir à la baïonnette. Un observateur britannique mentionna que « Nos forces tombèrent très vite », et un autre écrivit qu’« elles furent fauchées comme de l’herbe ». La tuerie continua jusqu’au coucher du soleil

Réalisant enfin l'ampleur du désastre, Abercrombie ordonna à ses troupes de plier bagage et de marcher vers un espace dégagé sur le lac George. La retraite au travers de la forêt sombre fut faite en panique et dans le désarroi puisque circulaient des rumeurs dans les rangs d’une attaque des Français. À l’aube, le matin suivant, l’armée remonta le lac George, pour regagner sa base au sud au coucher du soleil. La défaite humiliante de la retraite était immédiatement manifeste à certains participants à la bataille ; le lieutenant colonel Artemas Ward écrivit qu’« ils se sont retirés avec honte ».

Abercrombie avait mené une attaque brusquée de 12 h à 19 h sans son artillerie sur la face la mieux protégée du bastion. Le capitaine-ingénieur Pierre Pouchot de Maupas laissa le récit détaillé de la terrible bataille et de la glorieuse victoire. C’est lui qui commanda le feu quand les ennemis, croyant voir un drapeau parlementaire, s’étaient approchés du retranchement : 300 Anglais tombèrent foudroyés à bout portant.

Les Britanniques laissent près de 2000 soldats tués ou blessés (certaines sources parlent de 3000, d’autres de 1500 morts et blessés). L’armée française compte 106 tués et 266 blessés, les envahisseurs se retirèrent vers le lac du Saint-Sacrement (aujourd’hui lac George), abandonnant armes, munitions et blessés. Le 42e régiment royal des Highlands (Black Watch) perdit la moitié de son effectif. Du côté français, les pertes furent nettement moindres : 104 tués et 273 blessés.

Cérémonie et monuments près des retranchements (le mur des français)
 
L’armée française resta sur les lieux au Fort Carillon jusqu’à la fin d’août. Le 21, Montcalm organisa une fête mi-guerrière et mi-religieuse. L'aumônier, M. Picquet, bénit une grande croix qu’on érigea sur le plateau de Carillon, entre les retranchements et le fort. À droite et à gauche, deux poteaux marqués aux armes de France, portaient des inscriptions latines. Montcalm rédigea la première, l'abbé Picquet, la seconde. Voici cette dernière: « Non plus ultra, qui jam a Gallis caesi, victi, fugatique fuistis Angli, anno 1758, die vero 8 Julii, septem contra unum. » Soit en français:  « Vous n’irez pas plus loin, Anglais, qui sept contre un, avez été taillés en pièces, vaincus et mis en déroute par les Français, le 8 juillet 1758. »


Plaque en latin marquant le défaite des Anglais pourtant plus nombreux

Le retranchement aujourd'hui (il existe encore un talus et une tranchée)


Un des monuments sur le site de la bataille

Inscription près de la réplique de la croix érigée par Montcalm après la victoire. « Qu’a fait le général ? Qu’ont fait les soldats ? À quoi ont servi ces arbres énormes renversés ? Voici l'étendard ! Voici le vainqueur ! Dieu, ici, Dieu même, triomphe ! »

 
Plaque sur le site de la bataille reproduisant le quatrain que Montcalm envoya à sa mère
 

Le Drapeau de Carillon

Après la conquête de 1760, le Québec a progressivement été dépouillé de ses symboles distinctifs : le castor, la feuille d’érable et jusqu’à son nom de « Canadien », tous confisqués par le Canada anglais. Ne semblaient plus rester que de vagues légendes et coutumes devant tout autant aux Autochtones et Irlandais qu’aux Français. Durham put alors écrire en 1839 que ce peuple n’a ni histoire ni littérature.

Qui plus est, le seul drapeau désormais hissé au Québec est celui du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, l’Union Jack ; il représentera le Canada à l’international, lors des deux guerres mondiales, aux Jeux olympiques et jusqu’au cœur des années 1960.

Un siècle après la conquête, les francophones n’avaient donc ni de nom, ni de symboles distinctifs, ni même de drapeau. Les patriotes tentent bien d’en populariser un arborant trois bandes horizontales (verte, blanche et rouge), ainsi que divers autres symboles républicains, mais ils sont écrasés en 1837-1838. Lors des défilés Saint-Jean-Baptiste du 24 juin, on se rabattra donc sur le petit Saint-Jean-Baptiste accompagné d’un mouton et, en guise de drapeau, sur le tricolore bleu, blanc, rouge, piètre rappel des racines françaises.

Au milieu du XIXe siècle, la fleur de lys et les autres emblèmes français avaient résolument disparu du paysage québécois. À l’automne 1847, Louis de Gonzague Baillairgé, avocat distingué de Québec, est contacté par un mystérieux prêtre l’avisant être en possession d’une pièce inestimable. L’homme est en fait le frère Louis Martinet, dit Bonami, le dernier survivant de l’ordre des Récollets au Québec qui, avant de mourir, souhaitait raconter à Baillairgé l’histoire du drapeau de Carillon…

Avers et revers du drapeau Carillon

Présent à la bataille, le Supérieur des Récollets avait alors rapporté à Québec l’étendard qu’avaient brandi les troupes françaises, représentant quatre fleurs de lys pointant vers un centre marqué des armes du roi de France. La précieuse relique fut ensuite conservée, malgré la conquête anglaise ainsi qu’un incendie qui dévasta l’église de l’ordre où l’étendard était conservé jusqu’en 1796. Pieusement remisée dans un coffre, la relique s’était ainsi retrouvée en possession du dernier survivant de l’ordre qui souhaitait maintenant, par le biais de Baillairgé, la rendre au peuple québécois comme le témoignage d’une de ses plus glorieuses pages d’histoire.

Dès le 24 juin 1848, Baillairgé souhaita faire connaître sa découverte et prêta le fameux étendard qui « aurait vu le feu à Carillon » pour qu’il fût présenté à la foule lors du défilé de la Saint-Jean-Baptiste de Québec. Le drapeau frappa immédiatement l’imaginaire du peuple qui lui voua aussitôt un culte. En 1858, Octave Crémazie allait lui consacrer son plus célèbre poème, Le drapeau de Carillon, qui allait devenir une chanson populaire. La renommée de la relique était dès lors assurée. Avec l’étendard de Carillon, ce sont toutes les origines françaises qui refont surface : la croix de Gaspé, les armoiries de Québec, les enseignes régimentaires de la Nouvelle-France.

La chanson Ô Carillon

En 1902, le curé de Saint-Jude, Elphège Filiatrault en proposa une version assortie d’une croix blanche et d’un cœur de Jésus à la place des armoiries. Le Carillon Sacré-Cœur était né. Il s’imposa peu à peu lors des défilés de la Saint-Jean-Baptiste.

Le Carillon-Sacré-Coeur

Partout cependant, l’Union Jack continuait à trôner. En 1947, la Fédération des sociétés Saint-Jean-Baptiste (aujourd’hui le MNQ) réclama donc que le Québec se dote d’un drapeau véritablement national et dont nous soyons fiers. La pression devint alors si forte sur le Premier ministre Maurice Duplessis qu’il prit l’initiative de faire enlever l’Union Jack du Parlement et de hisser à la place le fleurdelisé, le 21 janvier 1948, un siècle presque jour pour jour après qu’on eut tiré de l’oubli le glorieux drapeau de Carillon.

Partout au Québec, ce geste fut salué comme une grande source de fierté nationale. Au Canada anglais en revanche, ce fut la consternation. Jamais une autre province ni même le Canada n’avaient songé à remplacer le drapeau anglais comme emblème du pays. Le geste du Québec était donc sans précédent.