mardi 28 octobre 2025

Les Québécoises ont moins d’enfants qu’elles le désirent, que fait le gouvernement ?

S’il réduit l’immigration au nom de la protection du français, Québec doit stimuler la natalité, plaident des experts. Pour éviter le déclin démographique, le gouvernement devrait encourager les Québécoises qui désirent de grandes familles à avoir autant d’enfants qu’elles le veulent. 

François Legault se dirige vers une baisse des seuils d’immigration. Pendant ce temps, la fécondité atteint un creux historique au Québec, à 1,33 enfant par femme.

Selon le professeur de droit Guillaume Rousseau, si on débat d’immigration par peur du déclin du français, on ne peut occulter l’autre composante de la démographie: les naissances.

Guillaume Rousseau, avocat,
professeur de droit à
l’Université de Sherbrooke et
directeur scientifique de
l’Institut de recherche sur le Québec.
 

«Si on diminue l’immigration, il faudrait hausser la natalité si on veut éviter une diminution de la population», plaide-t-il, en entrevue avec notre Bureau parlementaire. Mais attention: il n’est pas ici question d’inciter les femmes à vouloir plus de bébés.

« L’objectif, ce serait que le nombre d’enfants conçus rattrape le nombre d’enfants voulus, (...) mettre en place des conditions qui permettent [aux femmes] d’avoir le nombre d’enfants qu’elles souhaitent. »

Désirs de grandes tablées

Une étude de l’institut Cardus, dévoilée il y a quelques semaines à peine, met en lumière le fossé qui existe entre le rêve et la réalité chez les Canadiennes et Québécoises en matière de famille. 

La moitié des femmes ont moins de bambins qu’elles en voudraient. Malgré le faible taux de natalité (1,33), elles désirent pourtant avoir deux bébés et plus (entre 2 et 2,4 bébés selon leur âge).

« Les données nous montrent qu’il y a beaucoup de familles qui ne réussissent pas à combler leur désir de fécondité », constate elle aussi Sophie Mathieu, professeure à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Sherbrooke et spécialiste des politiques familiales.

Elle y voit une occasion en or pour le gouvernement de François Legault de stimuler la natalité, lui qui n’a pas fait des familles une de ses priorités. «Il faudrait un changement au niveau de la volonté politique», insiste-t-elle.

L’universitaire rappelle qu’une baisse significative de la fécondité observée à la fin des années 1980 avait convaincu les autorités d’agir. Le Québec avait adopté des incitatifs aux naissances – des «bébés bonus» –, des chèques pour chaque naissance, dont le montant augmentait considérablement à partir du troisième rejeton.

Angle mort du gouvernement

«Mais là, on n’entend pas du tout parler [de la chute de natalité], alors que c’est assez préoccupant, surtout quand on regarde parallèlement à ça les données sur le fait que le français au Québec est en perte de vitesse.»

Pour encourager des comportements, il faut souvent des incitatifs financiers qui se traduisent par un impact concret dans le portefeuille. Mais ce n’est pas suffisant. Il doit aussi y avoir un discours politique, une «ambiance» favorable à la famille, qui doit être davantage valorisée dans la société, croit le professeur Rousseau.

«Si on avait un débat là-dessus, puis une espèce de consensus transpartisan sur l’intérêt collectif d’avoir ça, est-ce que ça ne pourrait pas changer les comportements?»

Voici quelques pistes de solutions

Profiter du surplus record au fonds d’assurance parentale

Moins de bébés, moins de prestations versées par l’État! La cagnotte du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) atteint 896 millions $ cette année, un record, révèlent les plus récentes données. Une occasion de bonifier le programme afin que les parents puissent compter sur des congés payés jusqu’à l’obtention d’une place en garderie pour leur enfant, croit le professeur Guillaume Rousseau. Sophie Mathieu signale que le RQAP peut paraître généreux comparativement au reste du Canada ou aux États-Unis, mais pas lorsqu’on regarde vers l’Europe. «Les pays où la conciliation emploi-famille est la mieux soutenue sont les pays où la fécondité chute le moins», renchérit l’universitaire, citant les exemples de la Suède ou l’Islande. Dans ces deux endroits, «la fécondité n’a pas chuté de la même façon, et dans ces pays-là, la venue d’un enfant est moins associée à une perte de revenus à long terme». En Suède, les parents peuvent utiliser les prestations jusqu’à ce que leurs bambins aient atteint l’âge de 12 ans. Ils peuvent par exemple s’en servir lors d’un épisode de gastro à l’école.

Plus de places en garderie

Et si les parents québécois peuvent bénéficier d’au maximum une année de congés payés lors de la naissance d’un enfant, le manque de places en garderie complique souvent le retour des parents sur le marché du travail. Une réalité qui en rebute plusieurs à réaliser leur rêve de grande famille, plaide Sophie Mathieu. Mère de trois enfants, la professeure est personnellement passée par là. Elle était «très insatisfaite» de la qualité des soins accordés à ses petits, un angle mort de la CAQ. «Si on en parle pourtant si peu, c’est parce que les familles ne font plus partie de la préoccupation centrale du gouvernement actuel, déplore-t-elle. Il y a moins 30 000 familles qui sont en attente d'un service de garde ou d'un meilleur service de garde, il y a des mères qui sont à bout de souffle, des papas qui sont à bout de souffle!»

La gratuité pour les parents-étudiants?

Tendance lourde ces dernières années, les Québécoises donnent désormais naissance à leur progéniture à un âge plus avancé. L’âge moyen des femmes à la maternité est passé de 27,4 ans en 1980 à 31,3 ans en 2023 au Québec. Une réalité qui contribue possiblement à la baisse de la natalité. «Quand on a un premier enfant à 30 ou 35 ans, c’est plus difficile d’avoir un deuxième, puis un troisième, que lorsqu’on a le premier à 22 ans», illustre Guillaume Rousseau. De plus en plus de femmes font des études universitaires, notamment à la maîtrise ou au doctorat. Selon le professeur de droit, on se doit d’agir à ce niveau. «Est-ce que ça prendrait la gratuité des frais de scolarité pour les jeunes parents?» suggère-t-il.

«RAPper» sa deuxième maison

Devenir propriétaire relève pratiquement de l’exploit pour la génération actuelle de jeunes, alors que le prix médian d’une maison unifamiliale au Québec a explosé de 76% depuis cinq ans. L’accès d’autant plus difficile à un domicile suffisamment grand pour accueillir plusieurs bambins freine le désir des couples d’avoir une famille nombreuse, souligne le professeur Guillaume Rousseau. «L’enjeu, ce n’est pas la première maison, c’est la deuxième qui vient avec le deuxième puis le troisième enfant.» Il souligne que plusieurs politiques publiques existent pour une première hypothèque, mais pas pour l’achat d’une seconde résidence. «On devrait pouvoir “RAPper” puis avoir le CELIAPP [Compte d'épargne libre d'impôt pour l'achat d'une première propriété] pour la deuxième ou la troisième maison, quand elle est liée à un enfant né ou à naître.»

Taux de fécondité au Québec à travers le temps

1970: 2,09 [voilà donc 55 ans que le Québec ne fait plus assez d'enfants pour remplacer ses générations]
1987: 1,36
2000: 1,45
2008: 1,73
2024: 1,33

Source: Institut de la statistique du Québec


Démographie du Québec

La population du Québec estimée au 1er janvier 2024: 8 984 900
Elle a augmenté de près de 218 000 habitants au cours de l’année 2023, ce qui correspond à un taux d’accroissement démographique de 2,45%, un record.

L’accroissement naturel, soit la différence entre les naissances et les décès, n’a été que de 400 personnes.

L’accroissement dû aux migrations internationales et interprovinciales a été de 217 600 personnes.

Source: Institut de la statistique du Québec


États financiers du Fonds d’assurance parentale

2024: surplus de 896 millions $
2020: surplus de 511 millions $
2015: déficit de 270 millions $
2014: déficit de 358 millions $
2010: déficit de 591 millions $

Source: Rapports annuels du Fonds d’assurance parentale 2010-2024


 Source : TVA

 

 

Argentine, forte victoire de Javier Milei


La victoire a finalement été écrasante. Le parti du président Javier Milei, Liberté Avance (LLA), a remporté les élections de mi-mandat en Argentine avec près de 41 % des voix. L'opposition péroniste, comprenant le principal parti et ses alliés régionaux, a terminé avec neuf points de retard (32 %). LLA a même remporté la province de Buenos Aires, où il avait perdu les élections provinciales avec 14 points de retard le mois dernier. Cette victoire retentissante a largement dépassé les attentes des sondeurs et des marchés, qui tablaient sur un match nul ou peut-être une victoire modeste pour M. Milei. « Aujourd'hui, nous franchissons un tournant », a déclaré le président à une foule en liesse le soir des élections. « Aujourd'hui commence la construction d'une grande Argentine. »

lundi 27 octobre 2025

Des « seuils astronomiques » d’immigration peuvent nuire à la natalité

Des «seuils astronomiques» d’immigration peuvent nuire au taux de natalité, selon le chef du Parti québécois (PQ), Paul St-Pierre Plamondon.

Selon le leader péquiste, deux facteurs déterminants sur le taux de natalité sont le logement et le niveau de services, particulièrement les places en garderie.

« On va se concentrer sur le fait de régler des crises qui ont une influence négative sur le taux de natalité au niveau des logements et des services. [...] Mais c’est relié, car si nos seuils de migrations sont trop élevés, il n’y a pas de logements, le logement coûte très cher, les gens sont étouffés au niveau du paiement de l’hypothèque et du loyer. Est-ce qu’ils vont prendre la décision d’avoir un enfant ou un enfant de plus? Les deux sont reliés », a-t-il expliqué en point de presse à l’Assemblée nationale.

Paul St-Pierre Plamondon a déposé lundi son plan visant à réduire de manière substantielle l’immigration au Québec.

Le PQ propose notamment de réduire le nombre de résidents non permanents pour le faire passer de 600 000 à une fourchette entre 250 000 et 300 000 après quatre ans. Le chef péquiste veut ramener le nombre d’étudiants étrangers à 50 000 (124 000 actuellement) et décréter un moratoire de quatre ans sur l’immigration économique permanente provenant de l’extérieur du Québec.

Le PQ propose aussi de miser sur la robotisation pour pallier la pénurie de main-d’œuvre et remplacer l’immigration temporaire dans les champs et les usines.

Source : La Tribune de Sherbrooke
 

 

Mali — Suspension des cours dans les écoles et universités pour cause de pénurie d'essence

Le ministre malien de l’Éducation a annoncé la suspension des cours dans les écoles et universités de tout le pays pour une durée de deux semaines.

Trente-huit mois après le départ des troupes françaises du Mali et l'arrivée au pouvoir d'un junte militaire hostile à la France, la situation se détériore.

Cette mesure intervient alors que des militants djihadistes ont imposé un blocus des importations de carburant à destination de Ouagadougou, provoquant une pénurie d’essence.

« Les cours seront suspendus sur l’ensemble du territoire national du lundi 27 octobre 2025 au dimanche 9 novembre 2025. Les cours reprendront le 10 novembre 2025. 

Cette décision est motivée par des perturbations dans l’approvisionnement en carburant, qui ont affecté les déplacements du personnel scolaire. Afin d’assurer la continuité de l’enseignement et l’achèvement des programmes d’études, des dispositions sont prises pour ajuster les calendriers scolaires et universitaires », a déclaré Amadou Sy Savané, ministre malien de l’Éducation, à la télévision nationale.

Les militants du groupe Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin, soutenu par Al-Qaïda, ont annoncé début septembre l’interdiction des importations de carburant en provenance des pays voisins vers le Mali, mettant à mal l’économie fragile du pays enclavé et laissant des centaines de camions-citernes bloqués à la frontière.

Le Mali, tout comme ses voisins le Burkina Faso et le Niger, lutte contre l’insurrection menée par des groupes armés, dont certains sont alliés à Al-Qaïda et à l’État islamique, ainsi que par des rebelles locaux.

Le départ des troupes françaises du Mali s'est achevé le 15 août 2022 après plus de neuf ans d'intervention, suite à la décision d'Emmanuel Macron du 17 février 2022. Ce retrait a été motivé par la dégradation des relations avec la junte malienne au pouvoir.
 

Mathieu Bock-Côté : « Ce que Trump peut nous apprendre »

Dans son nouvel essai, « Les Deux Occidents – de la contre-révolution trumpiste à la dérive néosoviétique de l’Europe occidentale », le sociologue québécois analyse les causes profondes de l’élection de Trump et ses répercussions au sein de l’Union européenne. Le monde occidental va-t-il se fracturer en deux blocs antagonistes : l’Amérique trumpienne d’un côté et l’Europe dite “progressiste” de l’autre ? Texte d'Alexandre Devecchio paru dans le Figaro Magazine.


« Il faut avoir le courage de l’avouer, Madame : longtemps nous n’avons point compris la révolution dont nous sommes les témoins ; longtemps nous l’avons prise pour un événement. Nous étions dans l’erreur : c’est une époque. » Cette observation faite par le contre-révolutionnaire Joseph de Maistre à la marquise de Costa en 1794 pourrait avoir été écrite aujourd’hui pour décrire le phénomène Trump. En 2015, la plupart des observateurs ont interprété l’élection du 45e président américain comme un accident de l’Histoire. En 2020, sa défaite, suivie de l’attaque du Capitole, pouvait laisser penser que la parenthèse était définitivement refermée. Que l’ordre mondial, tel que nous le connaissions jusqu’alors, allait être rétabli. Mais il y a un an, le 5 novembre 2024, malgré quatre inculpations et une condamnation en justice, l’homme à la crinière orange est sorti vainqueur de l’élection présidentielle américaine pour la deuxième fois. Avec plus de voix qu’en 2016 et en l’emportant dans les sept États clés. Pour la première fois en vingt ans pour un Républicain, Trump a même remporté le vote populaire. Ainsi que les pleins pouvoirs au Congrès. À la vice-présidence était propulsé l’un des cerveaux de l’idéologie Maga en la personne de J. D. Vance, signe du contrôle désormais sans partage de Trump sur le Parti républicain. Non seulement sa victoire était incontestable, mais d’une ampleur que personne n’avait imaginée. Même les plus sceptiques devaient admettre leur erreur. Trump n’était pas un « accident », mais le début d’une nouvelle ère. Un changement d’époque, aurait écrit Joseph de Maistre. Symbole de ce basculement, la cérémonie d’investiture du 47e président des États-Unis, le 20 janvier 2025, où, pour reprendre la formule du journaliste David Thomson, une partie de ses opposants d’hier (les géants de la tech, l’Amérique corporate) « ont fait la queue pour embrasser la bague de Donald Trump et lui prêter allégeance ».

La fin de la fin de l'histoire

dimanche 26 octobre 2025

L’exode des médecins québécois formés en anglais : une gabegie dénoncée depuis 2006

Alors que le gouvernement Legault vient de faire adopter sous bâillon une loi spéciale pour encadrer les médecins, la pénurie persiste, au grand désespoir de la population. Or, ce problème n’a rien de nouveau : un article paru dès 2006 tirait déjà la sonnette d’alarme, soulignant une gabegie parfaitement évitable dans la formation et la rétention des médecins au Québec. Les chiffres précis ont sans doute évolué depuis, mais les causes structurelles, elles, demeurent tristement inchangées. Ce qui suit est un résumé de l'article de 2006.

Une pénurie chronique malgré une formation abondante

Le Québec manque toujours de médecins — environ 1000 spécialistes et autant d’omnipraticiens, selon les estimations les plus récentes. Certaines régions, comme le Saguenay, en viennent même à signer des ententes pour attirer des praticiens étrangers. Paradoxalement, la province fait partie de celles qui forment le plus de médecins par habitant au Canada. Et malgré des investissements massifs, notamment les 3,6 milliards injectés dans les mégahôpitaux du CHUM et du MUHC, le déficit médical s’aggrave.

Un exode massif, particulièrement chez les diplômés de McGill

Dès 2006, les données montraient que le Québec offrait l’un des plus faibles taux de rétention de médecins au pays. Chaque année, plus de 75 praticiens quittaient la province, principalement pour l’Ontario et les États-Unis — un exode deux fois plus important qu’en Ontario. Contrairement à ce qu’on croit souvent, la rémunération n’était pas la seule cause. L’analyse révélait que l’immense majorité des départs provenait de l’Université McGill, alors que les diplômés des universités francophones — Montréal, Laval, Sherbrooke — restaient en grande partie au Québec.

En dix ans, plus de 550 diplômés de McGill avaient quitté la province, représentant près des deux tiers de tous les départs. À la fin de leurs études, environ la moitié des jeunes médecins mcgillois partaient exercer ailleurs, tandis que ceux issus des facultés francophones demeuraient, pour la plupart, au service du réseau québécois.
Au Québec, la formation d’un médecin représente un investissement majeur pour les contribuables, financé à plus de 90 % par l’État. Selon les données récentes du ministère de la Santé et des Services sociaux, former un médecin généraliste coûte environ 435 000 $ CAD, tandis que la formation d’un spécialiste varie entre 600 000 $ et 790 000 $ CAD, selon la durée de la résidence (5 à 7 ans). Ces montants, qui incluent les études universitaires et les salaires de résidence, reflètent une hausse due à l’inflation et aux investissements accrus dans les facultés de médecine. En 2024, des mesures comme le projet de loi 83 visent à garantir un retour sur cet investissement en obligeant les nouveaux médecins à pratiquer cinq ans dans le système public, sous peine de remboursement partiel.

Une erreur de politique publique connue depuis longtemps

La conclusion du rapport de 2006 était sans équivoque : en finançant massivement une université anglophone dont la majorité des diplômés s’en vont, le gouvernement québécois subventionne la formation de médecins pour l’Ontario et les États-Unis. Chaque médecin formé coûte environ 150 000 $ (en 2006, voir encadré pour une mise à jour des coûts)aux contribuables, mais une grande partie de cet investissement profite à d’autres systèmes de santé.

Pire encore, les autorités universitaires de McGill assumaient ouvertement ce rôle d’exportation de talents, se félicitant de former des médecins francophones « destinés à faire carrière aux États-Unis ». Cette tendance s’observe d’ailleurs dans d’autres domaines, comme la physique médicale, où de faibles taux de rétention à McGill ont forcé la création de programmes francophones au CHUM et au CHUQ pour combler les besoins locaux.

Une solution qui existe depuis vingt ans

L’article de 2006 proposait déjà un correctif simple : rééquilibrer les quotas et les investissements en faveur des facultés de médecine francophones, qui forment les médecins les plus susceptibles de rester. Ramener le taux d’exode de McGill à la moyenne des autres universités suffirait presque à combler le déficit migratoire des médecins québécois.

Presque vingt ans plus tard, cette « fuite des cerveaux » demeure l’un des secrets les plus coûteux du système de santé. Le Québec, en continuant à financer sans condition une université dont la majorité des diplômés quittent le territoire, forme toujours un médecin pour le prix de deux — et n’en garde qu’un.

vendredi 24 octobre 2025

France — Le grand essor de l'enseignement supérieur privé

Le privé accueille aujourd’hui en France plus d’un étudiant sur quatre. Ses effectifs ont augmenté de plus de 67 % en dix ans, alors que la population estudiantine globale ne progressait, elle, que de 3 %. Une attractivité qui s’explique par la diversité

Sainte-Geneviève, à Versailles, offre les meilleures prépas aux grandes écoles

La ruée vers le privé touche désormais l’enseignement supérieur. Selon les derniers chiffres officiels (1), pour l’année scolaire 2024/2025, les établissements privés ont accueilli 799 700 étudiants, soit 26,5 % de l’ensemble des effectifs étudiants dans le supérieur. Depuis 2014, les inscriptions dans le privé ont augmenté de 67,1 %, contre 9 % pour le public. Pourquoi cet engouement ? Dans les domaines où privé et public sont en concurrence, l’attractivité du privé s’explique souvent par sa performance. Le cas des prépas aux grandes écoles est, à cet égard, emblématique. Dans le classement du Figaro étudiant des meilleures prépas dans les filières scientifiques, deux établissements privés, Sainte-Geneviève et Stanislas, tiennent le haut du pavé. La versaillaise « Ginette » arrive première dans quatre des six prépas qu’elle propose et deuxième dans les deux autres. Ses tarifs (de 5 886 à 19 482 euros l’année selon le niveau de ressources, internat compris, 4 % d’étudiants étant boursiers) n’ont rien à voir avec ceux pratiqués par Louis Le Grand (de 1870,55 à 2 874,96 euros pour l’internat, 10 % de boursiers). Mais si le critère financier peut constituer un barrage, il contribue, aussi, à motiver puissamment les élèves.

jeudi 23 octobre 2025

Australie — Fécondité par région ou pays d'origine

Indice synthétique de fécondité (ISF) en Australie par région/pays d'origine : effondrement pour l'Asie de l'Est et du Sud-Est (1,04 enfant/femme), un déclin très rapide pour l'Asie du Sud (1,37 enfant/femme) et la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (à 1,87 enfant/femme), et un ISF qui baisse moins vite  pour les Australiens de vieille souche (1,63 enfant/femme).

Endogamie - 2024 : 86,14 % des mères nées en Australie ont un enfant avec un père né en Australie, contre 85,65 % des pères nés en Australie dont la mère de l'enfant est née en Australie.

Pays/Région d'origine Indice synthétique de fécondité
2013 2022 2023 2024
Australie 1,91 1,69 1,69 1,63
Nouvelle-Zélande 1,92 1,93 1,83 1,69
Papouasie-Nouvelle-Guinée 2,07 1,66 1,48 1,35
Samoa 3,49 2,36 2,39 2,44
Total Europe du Nord-Ouest  1,60 1,73 1,58 1,40
Total Europe du Sud et de l'Est 1,53 1,60 1,46 1,35
Total Proche-Orient et Afrique du Nord  2,85 2,14 1,99 1,87
Iran 1,44 1,42 1,30 1,14
Irak 2,92 2,13 2,05 1,95
Israël  2,11 2,11 1,93 1,7
Turquie  2,01 1,6 1.34 1,19
Égypte  2,25 1,85 1,79 1,72
Liban  4,09 3,41 3,21 2,99
Syrie  3,56 2,13 1,95 1,82
Autre  3,53 2,38 2,23 2,19
Total Asie du Sud-Est 1,64 1,27 1,10 1,04
Total Asie du Nord-Est 1,41 1,00 0,88 0,82
Total Asie du Sud et centrale  2,14 1,60 1,44 1,37
Inde 2,09 1,54 1,39 1,36
Pakistan 3,14 2,81 2,50 2,42
Sri Lanka 1,68 1,41 1,22 1,08
Bangladesh - 1,91 1,70 1,48
Népal - 1,34 1,27 1,2
Afghanistan - 2,39 2,29 2,16
Total Amériques 1,48 1,21 1,02 0,92
Total Afrique subsaharienne 
(comprend les blancs sud-africains) 
2,09 1,88 1,78 1,71

Source : ABS

mercredi 22 octobre 2025

Tension en Israël : les juifs ultra-orthodoxes réprimés violemment

En Israël, des juifs ultraorhodoxes de la communauté haredim (les « pieux ») s’opposent à l'engagement militaire de leur pays au Proche-Orient. 

À la suite des attaques terroristes du 7 octobre, Israël a mobilisé son armée sur de nombreux fronts. Avec un besoin d’hommes important pour mener ses campagnes militaires, le pays s’est tourné vers les Haredim, une communauté d’ultra-orthodoxes juifs, exemptés jusqu’alors de service militaire.

Depuis plusieurs mois, les Haredim manifestent contre les guerres d’Israël et pour sauvegarder leur statut spécial, estimant que leur judéité doit se traduire dans leur pratique religieuse et non par des campagnes militaires.
 


Voir aussi 

Brève : mise à jour de l'indice de fécondité en Israël pour 2024 et (1T2025)

Israël a besoin de plus de troupes, mais la coalition au pouvoir ne veut pas enrôler les ultra-orthodoxes. (2024)

Les « séminaristes » Israéliens ultra-orthodoxes s'opposent au service militaire (2024)

En Israël, le taux de fécondité en 2022 était de 3 enfants par femme (1,49 au Québec; 1,80 en France; 1,39 en Suisse et 1,53 en Belgique)

Les communautés chrétiennes en Israël font face à une hostilité croissante, selon un rapport annuel

Le Noël tourmenté des chrétiens d'Orient

« Certains Israélites crachent sur les chrétiens qu’ils croisent à Jérusalem », Mgr Gollnisch de l'Œuvre d'Orient

Un journaliste israélien se fait passer pour un prêtre - et se fait cracher dessus à Jérusalem (juin 2023)

Attaque de colons sionistes contre un village chrétien palestinien (Taybeh/Tayibé) (2025)

 

 

 

 

mardi 21 octobre 2025

États-Unis : le reflux des identités trans et queer chez les jeunes Américains

Résumé
  • Après avoir connu une forte augmentation dans les années 2010 et 2020, les identités transgenres et queer sont en déclin chez les jeunes Américains.
  • La proportion d'étudiants universitaires transgenres a atteint son maximum en 2023 et a depuis presque diminué de moitié, passant de près de 7 % à moins de 4 %.
  • La proportion d'étudiants s'identifiant comme non hétérosexuels a diminué d'environ 10 points au cours de la même période.
  • Le déclin de la proportion de non-hétérosexuels se concentre dans les catégories queer ou autres catégories sexuelles (c'est-à-dire pansexuels, asexuels) et, dans une moindre mesure, dans la bisexualité.
  • Les étudiants de première année d'aujourd'hui sont moins nombreux à s'identifier comme BTQ+ que les étudiants de dernière année, ce qui suggère que cette baisse va se poursuivre
  • La baisse de l'identification BTQ+ [bisexuel, trans, queer et autres] ne semble pas être liée à une moindre utilisation des réseaux sociaux, à un renouveau religieux, à un glissement vers la droite politique ou à un soutien moindre à l'idéologie woke.
  • Il existe des preuves que l'amélioration de la santé mentale a réduit l'identification BTQ+


Après une décennie de progression continue, les identités transgenres et queer connaissent un recul notable parmi les jeunes aux États-Unis, une tendance particulièrement marquée dans les milieux universitaires et les établissements élitistes. Selon le professeur Eric Kaufmann, du Centre for Heterodox Social Science, la part des étudiants se déclarant transgenre a presque été divisée par deux depuis son pic en 2023, passant de près de 7 % à moins de 4 %. Parallèlement, le pourcentage de jeunes s’identifiant comme non hétérosexuels a chuté d’environ dix points, avec une concentration de la baisse dans les catégories queer et autres orientations sexuelles, telles que pansexuel ou asexuel, et, dans une moindre mesure, la bisexualité. Les données suggèrent que les étudiants fraîchement arrivés à l’université sont moins enclins à adopter ces identités que les classes précédentes, indiquant que la tendance pourrait se renforcer dans les années à venir.

Cette évolution ne semble pas être le résultat d’un virage politique à droite, d’un retour du religieux ou d’un rejet de la culture « woke ». Les enquêtes menées sur plusieurs cohortes étudiantes – incluant les vastes sondages FIRE auprès de 55 000 à 69 000 étudiants par an, le HERI pour une population plus représentative, ainsi que les enquêtes à l’Andover Phillips Academy et à l’Université Brown (deux établissements très progressistes) – montrent une stabilité des convictions politiques et religieuses pendant la période 2020-2025. De même, l’usage des réseaux sociaux, qui avait culminé au début des années 2020, n’a pas diminué, excluant l’hypothèse d’un désintérêt numérique comme facteur explicatif.

Le rôle de la santé mentale apparaît en revanche central. Le rapport souligne que le pic des troubles mentaux chez les jeunes, exacerbé par la pandémie, a coïncidé avec l’essor des identités trans et queer autour de 2022-2023. Depuis, l’amélioration de l’état mental des jeunes a partiellement contribué au reflux de ces identités. Les données FIRE indiquent ainsi que la part d’étudiants trans diminue plus rapidement parmi les jeunes en bonne santé mentale, tandis que les étudiants encore affectés par anxiété ou dépression montrent une baisse plus limitée, voire une légère hausse pour certains sous-groupes. Une dynamique similaire se retrouve pour les identités queer et bisexuelles : l’augmentation des jeunes en meilleure santé mentale a donc joué un rôle important dans le retour à des niveaux proches de ceux d’avant la vague d’augmentation.

L’analyse détaillée des tendances par cohortes révèle un phénomène de « vague générationnelle ». Les classes diplômantes de 2025 et 2026 affichent les plus fortes diminutions, tandis que les nouvelles cohortes arrivant à l’université, comme celle de 2028, commencent leur parcours à des niveaux de BTQ+ sensiblement plus bas que leurs aînés. Ce schéma suggère que le reflux n’est pas simplement un retour passager, mais un ajustement structurel qui pourrait s’accentuer avec le temps. Il est particulièrement prononcé dans les institutions élitistes, où le pic des identités non-binaires et queer a été le plus marqué, soulignant la dimension socioculturelle et contextuelle de ces identités.

Les tendances en matière d’orientation sexuelle suivent une logique similaire, mais avec des nuances. La proportion d’étudiants hétérosexuels avait chuté au début des années 2020 pour atteindre un minimum en 2023, avant de remonter vers les niveaux initiaux. Les catégories bisexuelles et queer ont connu un véritable « pic et reflux » : par exemple, à l’Andover Phillips Academy, la part d’étudiants queer ou autres orientations alternatives est passée de 7 % en 2020 à 17 % en 2023, avant de retomber à 12 % en 2025. La bisexualité a connu une augmentation plus modérée et plus stable. Les catégories gay et lesbienne, en revanche, restent stables dans la plupart des enquêtes, oscillant entre 3 et 5 % des étudiants. Ces chiffres montrent que l’explosion des identités alternatives était concentrée dans des orientations plus fluides ou moins traditionnelles.

Au-delà du milieu universitaire, les enquêtes nationales (CDC, CCES, GSS) montrent des tendances plus nuancées. Les données des lycéens du CDC révèlent une hausse de la non-hétérosexualité jusqu’en 2023, mais avec moins de détails sur les sous-catégories. Les enquêtes CCES et GSS suggèrent que la dynamique de reflux est moins prononcée dans des populations plus larges et moins élitistes, laissant penser que le pic des identités BTQ+ et son reflux pourraient être partiellement circonscrits aux milieux éduqués et aux contextes urbains et progressistes.

Le rapport souligne également que, malgré les fortes corrélations individuelles entre identité sexuelle, croyances politiques et santé mentale, la dynamique globale sur le temps long semble largement indépendante de ces facteurs. Les analyses statistiques montrent que l’année de sondage reste un facteur prédictif significatif pour la hausse ou la baisse de l’identité trans ou queer, même après contrôle de la santé mentale, de la politique, de la religion et du statut socio-économique. L’effet de l’amélioration de la santé mentale explique une partie du reflux, mais pas l’ensemble, ce qui suggère que d’autres forces sociales et culturelles, probablement liées aux modes et aux tendances générationnelles, entrent en jeu.

En conclusion, le reflux des identités trans et queer parmi les jeunes Américains représente un tournant culturel majeur et inattendu, déconnecté des attentes des observateurs progressistes et des médias traditionnels. Cette évolution marque une « phase post-progressiste » où l’essor rapide des identités BTQ+ au début des années 2010 et 2020 s’ajuste désormais à de nouveaux équilibres sociétaux. L’avenir dira si cette tendance se poursuivra, mais elle pourrait signaler une réorganisation durable des normes identitaires et culturelles chez les jeunes Américains, redéfinissant le paysage des questions de genre et de sexualité dans les décennies à venir.