mercredi 12 mai 2021

Contre le ressentiment qui hante notre époque, le manuel d’antiwokisme de Jordan Peterson

Le professeur canadien est un ovni intellectuel absolu dont le succès aussi ahurissant que fulgurant dit quelque chose de notre époque. Il publie 12 nouvelles Règles pour une vie (Michel Lafon), un ouvrage de développement personnel à rebours de la rhétorique victimaire de notre époque hypersensible. Recension d’Eugénie Bastié.

Un chroniqueur du New York Times l’a un jour qualifié d’« intellectuel actuel le plus influent du monde occidental ». Son livre 12 Règles pour une vie s’est vendu à 5 millions d’exemplaires et est traduit en cinquante langues. Il a 3,7 millions d’abonnés sur YouTube, où sa vidéo la plus regardée (8,5 millions de vues) s’intitule Introduction à l’idée de Dieu et dure 2 heures 30. Avec son grand front, sa gestuelle digne des meilleurs orateurs et son obsession pour l’art soviétique, Jordan Peterson est un phénomène. Un ovni intellectuel absolu dont le succès aussi ahurissant que fulgurant dit quelque chose de notre époque. Il publie ces jours-ci en France un nouveau livre 12 nouvelles règles pour une vie — au-delà de l’ordre, la suite de son premier ouvrage.

Ce docteur en psychologie, professeur à Harvard puis à l’université de Toronto s’est fait connaître il y a peine cinq ans lorsqu’il a formulé publiquement son opposition à une loi proposée par le gouvernement de Justin Trudeau contre la discrimination des étudiants transgenres, affirmant son refus d’utiliser les pronoms dits de genre neutre (zie, xe, sie, ey, ve, tey, hir…) plutôt que les pronoms traditionnels (he, she). Son deuxième coup d’éclat médiatique fut une interview sur la chaîne Channel 4 (4 millions de vues sur YouTube) où il atomise Cathy Newman [voir vidéo ci-dessous sous-titrée en français], une journaliste féministe qui l’interrogeait sur sa volonté de blesser les trans : « Pour être capable de penser, il faut prendre le risque d’être offensé. » Depuis, il est caricaturé en prophète masculiniste par les gauchistes américains qui en font l’intellectuel organique du trumpisme. Mais Peterson déjoue les étiquettes dans lesquelles on voudrait l’enfermer.

Quasiment métaphysiques

Sorte d’hybridation entre Éric Zemmour pour l’antipolitiquement correct et de Boris Cyrulnik pour la résilience, il est aussi connu pour les règles de vie qu’il délivre à son public. Par son caractère positif et concret, 12 nouvelles règles pour une vie déstabilisera les lecteurs français conservateurs plus habitués aux déplorations apocalyptiques et au démon de la théorie qu’au prosaïsme du développement personnel. Mêlant habilement des anecdotes sorties de son cabinet de psychologue, des commentaires de films de la culture populaire et des extraits de la Bible, Peterson délivre en 12 chapitres 12 règles de vie à la fois très concrètes et quasiment métaphysiques. On y trouvera aussi bien des réflexions universelles sur les invariants de l’humanité que des conseils pratiques pour améliorer sa vie conjugale. De la première, « Éviter de constamment dénigrer la créativité et les institutions sociales » à la douzième, « Soyez reconnaissants malgré vos souffrances », une philosophie se dégage, qu’on pourrait qualifier de libérale-conservatrice.

C’est toute l’habileté de Jordan Peterson de justifier rationnellement et de remettre au goût du jour des préceptes de morale universelle dont on trouve des exemples aussi bien dans le Décalogue biblique que dans les grands Walt Disney. Son idée centrale est celle de la philosophie classique : l’homme est un animal social par excellence et les institutions et les traditions ne sont pas des instruments de pouvoir au service des dominants, comme tente de le faire croire la vulgate féministe et antiraciste, mais des solutions qui ont traversé le temps. La réalité sociale est infiniment plus complexe que le réductionnisme idéologique qui consiste à lire le monde entier selon une grille abstraite et simple : l’algorithme freudien (tout est sexualité), l’algorithme marxiste (tout est économie) ou l’algorithme foucauldien (tout est pouvoir). « Renoncez à l’idéologie » (règle 6), nous dit Peterson. Il pulvérise les dogmes victimaires de notre époque hypersensible qui pousse les individus à attribuer sans cesse leurs malheurs au « système » qu’il s’agisse du patriarcat, du privilège blanc ou du capitalisme.

L’honnête homme que dépeint Peterson est l’antithèse de l’homme nouveau des progressistes ou des existentialistes, qui trace sa destinée en levant tous les déterminismes qui pèsent sur lui. Il est celui qui sait la nécessité de l’ordre et intériorise la contrainte sociale non pas comme tyrannie imposée, mais comme le tuteur d’une vie bonne. « Les limites, les contraintes, les frontières arbitraires — les règles, les règles tant redoutées — assurent non seulement l’harmonie sociale et la stabilité psychologique, mais rendent également possible la créativité qui permet de renouveler l’ordre », écrit avec profondeur Peterson. Et le professeur de citer Jésus, qui respecte l’autorité de la loi — jusqu’à se laisser tuer — tout en les contournant parfois pour un Bien supérieur, mais aussi les héros de Harry Potter qui se caractérisent par la socialisation dans un monde extrêmement codifié et l’infraction des règles pour servir la Cause. Il nous faut « tolérer une certaine dose d’arbitraire pour conserver l’unité du monde », « comprendre la nécessité des règles, le chaos auquel elles permettent d’échapper », tout en sachant parfois « servir l’esprit de la loi plutôt que la lettre ». Car toute société a besoin aussi de renouveler ce qu’il y a en elle d’obsolète.

Le ressentiment de l’homme blanc

Certes, le côté « éthique protestante » du petersonisme, qui axe la réussite sur la responsabilité individuelle — « aide-toi et le ciel t’aidera » — agacera peut-être les Européens blasés que nous sommes. Mais ce livre est bien plus que l’essai d’un coach de vie tel que l’Amérique en produit à la pelle. C’est un parfait manuel d’antiwokisme, à destination d’une jeunesse à qui l’on inocule à haute dose la culpabilité quand elle est blanche et le ressentiment quand elle appartient aux minorités.

Le succès de Peterson auprès des jeunes hommes — il admet que 80 % de son public sur YouTube est masculin — en dit long sur le manque auquel il répond. Contrairement à ce que veulent faire croire ceux qui le dépeignent en prophète de l’« altright » violente, Peterson n’est pas de ceux qui soufflent sur les braises du ressentiment de l’homme blanc en colère. Mais qui au contraire cherchent à construire plutôt que déconstruire, programme unique de la morale depuis quarante ans.

12 nouvelles règles pour une vie,
Au-delà de l’ordre,
par Jordan B. Peterson,
chez Michel Lafon,
le 6 mai 2021
395 pp.,
19,95 euros
ISBN-13 : 978-2749944876

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La Floride a levé les restrictions Covid le 3 mai dernier

Depuis la levée des restrictions sanitaires liées au Covid-19, le 3 mai dernier, par Ron De Santis, le gouverneur républicain de Floride, des milliers d’Américains se sont rués dans les stations balnéaires de cet État. Quelques semaines auparavant déjà, comme ci-dessous à Lake Boca Raton le 25 avril, l’affluence y était inédite.

Près de 9 millions de Floridiens, soit 41,9 % des 21,5 millions d’habitants de la Floride, ont reçu au moins une dose d’un vaccin anti-Covid. La même proportion qu’au Québec en ce 12 mai.

Ron De Santis a dénoncé les strictes restrictions encore en place dans de nombreux autres États, suggérant que ceux qui continuent de forcer leurs résidents à respecter ces mesures prouvent qu’ils ne « croient pas aux vaccins ».

Les chiffres de la Covid-19 n’ont pas connu de hausse depuis la fin des restrictions en Floride. En fait, le nombre de cas a, baissé d’environ 15 %. Le nombre de décès est stable, voire à la baisse avec une moyenne de 62 morts.




En 1839, on se félicitait, on se vantait même du réchauffement des climats froids

En 1839, le marquis de Custine entreprit un voyage en Russie, principalement à Saint-Pétersbourg mais également à Moscou, Iaroslavl, Vladimir, et brièvement, à Nijni Novgorod. Plusieurs années après son retour, il publia La Russie en 1839 présentée comme un recueil de lettres écrites pendant son voyage. En Europe, le livre connut un grand succès auprès du public. Outre la qualité des observations de Custine, ce succès résultait de l’hostilité d’une grande partie de l’opinion publique à l’égard de la politique étrangère russe. On a rapproché La Russie en 1839 de De la démocratie en Amérique, publiée quelques années auparavant par Tocqueville.

On relate que l’empereur russe Nicolas Ier jeta de rage le livre du marquis de Custine quand il y lit que la Russie était la prison des peuples. Custine avait été reçu en audience privée par le tsar. Monarchiste convaincu, Custine s’était attendu à voir en Russie un État modèle, mais son voyage au travers du pays et ses rencontres l’avait dressé contre l’absolutisme.

Dans sa « lettre » du 14 juillet 1839 daté de Saint-Pétersbourg, Custine se moque de la « prétention risible » des Russes qui aimaient alors à penser que le climat de leur pays se réchauffait :

À l’époque de Custine, le réchauffement climatique était considéré comme un bienfait. Les Russes s’en targuaient à tort selon le marquis.

Aujourd’hui, les Québécois écologistes qui habitent des villes au climat aux hivers plus rudes que celui de Saint-Pétersbourg ou de Moscou, craignent que le Québec n’ait un climat plus clément à l’avenir alors que ce réchauffement pourrait être une chance, une revanche pour ce peuple français qui n’a hérité que d’une partie glaciale du continent. 

Non, il faudrait absolument éviter cela au Québec pour les écologistes, quitte à nous appauvrir en rendant l’énergie plus chère afin de lutter contre un bienfait pour le Québec. 

Pour ce carnet, il faut plutôt s’adapter aux « changements climatiques », profiter de ceux-ci quand ils sont bénéfiques et chercher à optimiser la dépense énergique en évitant le gaspillage. On nous promet que « Le climat de Montréal pourrait ressembler à celui de Cincinnati en 2050 ». Nous nous sommes laissés dire que des Américains survivaient encore aujourd’hui à Cincinnati… Notez que, considérant la lenteur du réchauffement climatique (+1,7 °C) en 70 ans (1948-2019) au Canada, nous doutons très fort que cela soit le cas dans aussi peu que 30 ans.


Climagrammes, moyenne maximale et minimale pour chaque mois

Moscou 
au cours des dix dernières années (2006-2016)


 Saint-Pétersbourg
Aéroport de Poulkovo au cours des 10 dernières années (2010-2019)
 

 Québec
Aéroport international Jean-Lesage (période : 1981-2010)



Les stations météorologiques de Saint-Pétersbourg disposent de données depuis près de 300 ans ; il n’existe aucune donnée météorologique systématique pour aucune autre ville en Russie pour une aussi longue période de temps. La température s’y est bien réchauffée. La plupart des températures minimales absolues à Saint-Pétersbourg par mois ont été enregistrées dès le XVIIIe, XIXe ou début du XXe siècle, tandis que le début du XXIe siècle représente la plupart des maxima de température.

Cette amélioration des conditions n’a rien d’inusité. La période qui précéda la visite de Custine en 1839 correspondait à la fin du Petit Âge glaciaire. En Angleterre, la Tamise gela pour la première fois en 1607, pour la dernière fois en 1814. Les canaux et rivières des Pays-Bas se muèrent en glace lors de plusieurs hivers ; ainsi celui de 1794-1795, pendant lequel la cavalerie française menée par Charles Pichegru s’empara de la flotte hollandaise, prise dans les glaces. Lors de l’hiver de 1780, la zone fluviale de New York devint solide : on marchait entre Manhattan et Staten Island ; les liaisons de commerce par voie maritime sont bloquées. 

La place du Palais à Saint-Pétersbourg à Noël 2019