mercredi 21 novembre 2012

Qu'est-ce qui leur donne envie aux enfants d'apprendre ?

Si le désir de connaissance et d'apprentissage est naturel à l'enfant, il ne peut fleurir qu'à certaines conditions.

« Il y a quinze ans, quand un élève me disait qu'il n'avait aucune envie de se lancer dans les 100 mètres de course à pied qu'il avait consigne de faire avec sa classe, je le houspillais et lui disais: “Tu le fais quand même!”, avoue Charles Martin-Krumm, enseignant chercheur à l'IUFM [institut universitaire de formation des mâitres] de Bretagne et ancien professeur d'éducation physique dans un collège. Il y a dix ans, poursuit-il, j'utilisais le système récompense-punition : “ Si tu ne cours pas, tu vas avoir zéro !” » Par la suite, échaudé par l'inefficacité de ces méthodes, le professeur a fait autrement : « Je dis à ce garçon que je le comprends, que ça n'est pas marrant de courir sous la pluie, mais que cela, s'il le fait à son rythme, va l'aider à être en forme toute la journée, et bien en phase avec ses copains. »

Empathie, autonomisation et proximité sociale. Telles sont les ressources qu'empruntait donc cet enseignant pour favoriser la motivation de ses élèves. Des stratégies très éloignées de la traditionnelle politique du « bâton et de la carotte » et explorées notamment dans les recherches en psychologie positive, notamment celles réalisées dans l'équipe du professeur Philippe Sarrazin, chercheur de l'université Joseph-Fourier, à Grenoble, qui constate dans l'un des chapitres du Traité de psychologie positive (dirigé par Charles Martin-Krumm et Cyril Tarquinio aux Éditions de Boeck) : « Quand un individu intrinsèquement motivé reçoit des récompenses pour réaliser l'activité, il a progressivement tendance à dissocier ces deux incitateurs du comportement et à considérer la raison externe comme plus prégnante que la raison interne. Autrement dit, il perçoit progressivement qu'il n'est plus “ à l'origine ” de ses actes et que ce qui cause ou régule son comportement est à l'extérieur de lui-même. » Résultat : l'enfant apprend seulement pour recevoir des bons points et non plus pour satisfaire sa curiosité. Celle-ci risque alors de s'épuiser.

Pour « les 5 élèves sur 25 » qui ne marchent plus dans le système punition/récompense, il faut aussi pointer l'utilité de certaines matières dans la vie personnelle des adultes qu'ils deviendront, estime Charles Martin-Krumm : « En philosophie, par exemple, on peut les encourager à faire des choix parmi des romans ou des essais qui leur serviront quand ils auront quitté le lycée. » Autre facteur réellement motivant : changer de regard sur leurs erreurs et leurs échecs. « Pour satisfaire le besoin d'autonomie d'un élève, on lui demandera de trouver lui-même des pistes de correction concernant ses ratages, explique ce professeur. Et on valorisera le processus d'apprentissage par essais/erreurs. » Des méthodes qui vont dans le sens des découvertes de Frédérique Autin ou Jean-Claude Croizet, de l'université de Poitiers et du Cerca (Centre de recherches sur la cognition et l'apprentissage), qui viennent de montrer qu'en permettant à l'enfant d'échouer, on lui évite de se sentir mal face à l'échec et l'on renforce ainsi en lui esprit d'initiative et envie de progresser.

Éviter la compétition qui isole

Il semble désormais évident que la motivation, à la fois puissante source d'efforts et moteur fragile, souvent susceptible de se gripper, ne peut s'épanouir que dans un environnement satisfaisant certains besoins psychologiques de l'enfant. Quels sont ces besoins? Fabien Fenouillet, professeur en psychologie cognitive de l'université de Nanterre Paris Ouest et auteur de Motivation et réussite scolaire(Éd. Dunod), en dénombre notamment trois. En premier lieu, l'autodétermination: «L'intérêt est plus facile à venir lorsque l'enfant a une marge de liberté dans ce qu'il a à accomplir et a l'impression que c'est lui qui a choisi», explique-t-il. Parfois, il faut ainsi en passer d'abord par une motivation extrinsèque (les parents inscrivent leur petit à un cours de piano) avant de déclencher la motivation intrinsèque (le petit pratique le solfège, car il rêve de devenir un jour le pianiste d'un grand orchestre).

Nécessaire aussi, « la conviction chez l'enfant qu'il est en mesure d'affronter avec ses compétences de nouveaux défis et difficultés », ajoute le chercheur. Entendez: si la barre est trop haute, ou si l'on dénigre trop souvent le travail accompli, tout l'intérêt retombe car il faut toujours pouvoir envisager un avenir à son apprentissage. Enfin, troisième donnée incontournable selon Fabien Fenouillet, le fait de se sentir bien dans son groupe.

« L'enfant a besoin de partager ses valeurs dans un réseau amical, explique-t-il. Même s'il y a de la compétition dans l'air, il pourra évoluer avec d'autres petits compétiteurs. » À éviter donc, la compétition qui isole. D'autant plus regrettable qu'elle est l'une des bases du système scolaire actuel.

Source




Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)