mardi 9 juin 2009

Collège Loyola devant le tribunal : « Nous voulons l'enseigner comme des catholiques »

Pour commencer cette première journée du procès de Loyola contre le Monopole de l'Éducation du Québec, les avocats de Loyola ont déposé plusieurs nouveaux documents au sujet du projet éducatif, des exigences de l'école et de son caractère confessionnel.

Les deux témoins « ordinaires » de Loyola ont été entendus en interrogatoire et contre-interrogatoire, à savoir Paul Donovan directeur de Loyola High School, et John Zucchi, parent d'un élève de l'école.

M. Donovan a expliqué en détail ce qui caractérise une école catholique jésuite et comment le programme pédagogique en entier est investi de ce caractère et de ces valeurs.

Il a aussi fait valoir comment son école concrétise déjà depuis longtemps, dans les enseignements et dans la vie et les projets scolaires, les deux grands objectifs du programme ECR : la reconnaissance de l'autre et la poursuite du bien commun.

Le programme éducatif de Loyola vise aussi depuis longtemps les mêmes « compétences » que le programme ECR : la compréhension du phénomène religieux, la réflexion éthique et le dialogue.

Il a aussi expliqué comment l'enseignement des religions du monde à Loyola inclut la dimension de foi et les implications dans la vie personnelle pour chaque religion, contrairement au programme ECR, qui, a-t-il dit, ne s'attache qu'à l'expression extérieure des religions. À cet effet, il a dit trouvé plus approprié, pour parler du judaïsme, par exemple, d'inviter un rabbin pour en parler. M. Donovan a rappelé que le collège Loyola offre un cours des religions du monde depuis 25 ans. L'école invite depuis plusieurs années des imans et des rabbins pour qu'ils expliquent leur religion a précisé M. Donovan.

Toujours lors de son témoignage, M. Donovan a dit que le cours ECR est incompatible avec la perspective catholique. Au cœur de cette incompatibilité : la position « neutre » requise de l'enseignant d'ECR. Pour M. Donovan, l'enseignant à Loyola, doit recevoir, et même faire ressortir, toutes les positions dans un questionnement éthique, mais doit s'engager lui-même dans un vrai dialogue, et surtout, exprimer et énoncer la perspective catholique.

M. Donovan a soumis que le programme de Loyola est « équivalent » au programme ÉCR, et demande que son école puisse continuer de rejoindre les objectifs du programme ministériel, mais selon la mission propre de l'école et avec la perspective jésuite catholique.

Quand Paul Donovan a participé aux séances de formation pour le nouveau cours obligatoire du gouvernement intitulé éthique et culture religieuse, le directeur du collège Loyola a été découragé par l'attitude exprimée par d'autres enseignants quant à la présence de la religion à l'école.

« Il semblait y avoir cette attitude qu'ils allaient se débarrasser de la religion » a déclaré M. Donovan au juge Gérard Dugré de la Cour supérieure du Québec alors qu'il expliquait pourquoi son école s'opposait à mise en place du nouveau cours ECR de façon « neutre ».

Gérard Dugré est un juge récemment nommé qui aurait pris connaissance du dossier la semaine passée. Toutefois, il a montré une bonne possession des enjeux et a tenu à ce que les deux partis présentent au tribunal les tenants et aboutissants dans une introduction liminaire. Quand Me Jobin lui a dit que le ministère reprochait à Loyola d'enseigner un programme qui ne favorisait pas le dialogue, le juge Dugré a demandé si le principe « Aimez-vous les uns les autres » n'impliquait pas automatiquement un dialogue. Cette question n'a pas suscité de réponse de la part des deux procureurs, Me Jobin et Me Jacob.

M. Donovan a déclaré qu'il n'était pas raisonnable de s'attendre à ce qu'une école privée jésuite comme Loyola enseigne un programme sans permettre à ses enseignants de préciser la relation entre le contenu du cours et leur foi catholique.

« Nous voulons le faire à la manière catholique » a-t-il déclaré hier devant le juge. « Nous ne voulons pas séparer notre foi de ces questions. »

En tant qu'école catholique, il est essentiel que les enseignants de Loyola puissent parler des « éléments de la foi » quand il donne ce cours a-t-il ajouté. « Sinon, c'est réduire la religion à de simples manifestations culturelles ». « Nous ne voulons pas apprendre que certaines personnes ne mangent pas de viande contenant du sang, sans dire pourquoi » a expliqué le directeur de Loyola devant le juge Dugré.

Me Benoît Boucher, procureur du ministère, a affirmé que jamais le ministère ne permettrait un cours d'inspiration catholique ou religieuse obligatoire, car cela contreviendrait à la charte, puisque tous les étudiants à Loyola ne sont pas catholiques.

Me Boucher a aussi souligné le peu de renseignements fournis par Loyola à la ministre, lors d'échanges précédents (mai 2008 à novembre 2008) au sujet de l'équivalence possible du programme Loyola avec ECR quand Loyola avait fourni une table des matières de son programme ECR « équivalent ».

Celle-ci a déjà en août 2008 refusé l'exemption à Loyola avec une réponse de non-équivalence en 6 points, où la perspective jésuite catholique du programme de l'école était essentiellement mise en cause.

Me Boucher a aussi interrogé M. Donovan au sujet de la position d'autres autorités jésuites sur l'obligation de donner le cours ECR dans une école jésuite, position qui s'est révélée effectivement divisée.

John Zucchi a ensuite témoigné. Professeur d'histoire à l'Université McGill, il a dit qu'il s'est joint à la requête contre le ministère parce qu'il est opposé au fait que les enseignants doivent rester « neutres » quand ils donnent ce cours. Fort de ses plus de 20 ans en tant que professeur d'université, M. Zucchi a affirmé que, selon lui, il est impossible d'enseigner un tel programme de façon neutre, de façon objective oui, mais pas neutre. Si cette neutralité signifie l'absence de religion dans la partie culture religieuse ou de morale en éthique, alors, nous sommes en présence d'un point de vue en soi.

Il a surtout exprimé ses attentes que Loyola puisse continuer d'être l'école catholique jésuite cohérente dans tous ses enseignements et valeurs, telle qu'il l'avait choisie pour son fils, Thomas. Celui-ci devrait suivre le cours ECR au collège Loyola l'année prochaine (2009/2010). « Je ne veux pas qu'il doive laisser de côté sa foi pendant un cours ou qu'un enseignant d'une école catholique doive abandonner sa perspective [catholique] » de préciser Zucchi.

Interrogé par CTV quant à la possibilité de donner le cours ECR séparément du cours de religion, M. Donovan a déclaré qu'il est un peu ridicule (« silly ») de demander aux élèves qui posent une question qui pourrait toucher à la morale dans le cours d'ECR d'attendre le lendemain pour avoir une réponse dans le cours de religion.

La déconfessionnalition comme prétexte à l'imposition du cours aux écoles confessionnelles...

Les journalistes (et les politiciens) semblent utiliser la déconfessionnalisation du réseau scolaire public pour justifier l'imposition du cours d'éthique et de culture religieuse aux écoles privées... C'est curieux, mais c'est ainsi.

Écoutez la fin de ce reportage sur le premier jour du procès de Loyola :

« du côté du ministère on refuse cette exemption, car celle reviendrait à autoriser un cours de religion obligatoire ce qui va à l'encontre de la déconfessionnalisation des écoles en vigueur au Québec depuis l'an 2000. »

Loyola est une école privée confessionnelle, catholique en l'occurrence, comment peut-elle être déconfessionnalisée ? Elle offre déjà un cours de religion catholique, ce qui n'est pas interdit... En quoi refuser d'enseigner le programme ECR supprimerait-il ce cours de religion catholique (le cours de religion obligatoire on suppose...) déjà enseigné ? Mystères.


Le critique du Parti québécois en matière d'éducation franchissait allègrement le même pas au sujet des écoles privées confessionnelles juives, cette fois, qui refusent d'enseigner le cours gouvernemental d'ECR :
« On a éradiqué en principe la religion de notre système d'enseignement public, cela ne se peut pas que, par la porte d'en arrière, on la réintroduise. »
Une nouvelle fois, on dit qu'on a éradiqué (sympa !) la religion de l'école publique (ce qui reste à voir) pour justifier l'imposition du cours ECR dans des écoles privées confessionnelles... Allez comprendre !

Dans un article de l'édition de fin de semaine du Devoir, Clairandrée Cauchy, toujours au sujet des écoles juives orthodoxes, écrivait :
« Le problème équivaut à tenter de résoudre la quadrature du cercle. Comment arriver à un compromis qui ne fera pas vaciller le processus de laïcisation du système scolaire québécois, alors que le nouveau cours d'éthique et culture religieuse est soumis au test des tribunaux ? »
À nouveau la laïcisation du système scolaire en parlant d'écoles privées confessionnelles juives... Quel rapport ?

Ces gens se passent-ils le mot ?

Dix ans de réforme, y a pas de quoi fêter !

Le 8 juin 1999, Québec présentait les grandes lignes de sa réforme de l'éducation. Dix ans plus tard, la Fédération autonome de l'enseignement et la Coalition Stoppons la réforme dénoncent « les nombreux dérapages et l'échec évident » de cette réforme.

La réforme de l'éducation, qui fête donc ses dix ans lundi, a sacrifié une cohorte complète d'élèves. Un véritable « choc social » s'annonce alors que les premiers jeunes cobayes feront prochainement leur entrée au cégep, dénonce Pierre St-Germain, président de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), qui refuse d'être « complice du désastre ».



« La réforme, c'est comme un écrasement d'avion, explique-t-il. C'est un bilan très négatif. Déjà dans la première année, on était critique. Il y avait des cafouillages, mais on se disait qu'il fallait laisser la chance au coureur. »

Les élèves qui ont subi la réforme ont de moins bons résultats que leurs prédécesseurs, affirme le président de la FAE, enquêtes internationales récentes à l'appui. « Les élèves ne maîtrisent pas les fondements des matières. Ils n'ont pas de bagage de connaissances, ils ne sont pas autonomes », affirme M. St-Germain.

Le président de la FAE est très critique envers les fonctionnaires du ministère de l'Éducation qui ont mis de l'avant le « renouveau pédagogique ».

Mission de l'école — instruire ou socialiser ?

« Les ministres se sont fait rouler dans la farine par les technocrates du ministère de l'Éducation. L'appareil bureaucratique croit à la réforme comme un dogme. Ils ne se désavoueront jamais eux-mêmes », lance Pierre St-Germain.
« Nous croyons que les politiques éducatives et sociales récemment adoptées ne permettront pas à l'école de remplir sa mission première, celle d'instruire. »

Extrait du manifeste de Stoppons la réforme


À comparer avec la priorité de ceux qui veulent créer une nouvelle « culture publique commune » au Québec :
« Le rôle de l’école, c’est de socialiser les jeunes. »

Denis Watters
LCN, entretien avec Jean-Luc Mongrain
le 8 juin 2009