vendredi 27 janvier 2023

« Les blancs se sont suicidés et ils veulent qu’on se suicide avec eux » (m à j)

Houria Bouteldja à la librairie L'Atelier le mardi 24 janvier 2023 vers 20 h (au 2bis de la rue du Jourdain, 75020 Paris) pour la sortie de son livre Beaufs et barbares: Le pari du nous. Houria Bouteldja a écrit Nous sommes les Indigènes de la République (avec Sadri Khiari, Amsterdam, 2012) et Les Blancs, les Juifs et nous. Vers une politique de l’amour révolutionnaire (La Fabrique, 2016).

Elle déclare à la fin de l'extrait ci-dessous « On est nous et on ne veut pas être vous. Vous voulez que l'on devienne vides comme vous. Qu'on se vide comme vous, qu'on soit comme vous. Les blancs se sont suicidés et ils veulent qu’on se suicide avec eux ». 


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Chronique d'Eugénie Bastié sur ce livre.

Dans la tête d’une révolutionnaire racialiste

La militante décoloniale Houria Bouteldja veut allier les « Indigènes » et les « petits Blancs » pour faire la révolution. Alain Soral a malheureusement fait école.

On parle souvent d’américanisation de la vie intellectuelle française pour qualifier la nouvelle obsession de la race dans le débat public. Mais la lecture du dernier livre d’houria Bouteldja nous prouve que la France n’a rien à envier aux États-unis en matière de penseurs racialistes. La militante décoloniale, fondatrice du Parti des Indigènes de la République est connue pour ses prises de position radicales. Pour son précédent livre, Les Blancs, les Juifs et nous (La Fabrique), où elle invitait les Juifs à se délivrer de leur «blanchité» et à renoncer à Israël, elle avait été très critiquée, mais aussi soutenue, notamment par une dizaine d’intellectuels, parmi lesquels Annie Ernaux qualifiant dans Le Monde sa pensée « d’en avance sur son temps ».

Son dernier ouvrage, Beaufs et barbares. Le pari du nous, commence par ces mots de l’apocalypse de saint Jean :

Voici le moment de détruire ceux qui détruisent la terre.

Le ton eschatologique se poursuit à longueur de pages : la fin du monde est proche, et l’oracle Bouteldja, hybridation de Karl Marx et de Mahomet, invite les Blancs à se convertir avant qu’il ne soit trop tard. 

Houria Bouteldja semble avoir, en apparence, progressé dans la tolérance : elle ne déteste plus tous les Blancs, mais seulement « les grands ».

«Les affects des Blancs sont chargés de négativité », écrit-elle, «Ils sont produits par cinq cents ans de domination occidentale, militaire, économique, éthique et philosophique. Aussi, chez les petits Blancs, ce qui reste de positivité, de solidarité et de générosité ce n’est pas tant dans le Blanc qu’il faut les chercher mais dans le petit.» Les «beaufs» et les «barbares» doivent s’allier contre un ennemi commun : le «grand Blanc» capitaliste et «l’état racial». C’est l’alliance du «gilet jaune» et de la djellaba, de la faucille et du Coran, de la lutte des races et de la lutte des classes. Il y a comme un air de déjà-vu dans cette convergence des luttes entre les cités et le «prolo»: c’était le programme d’Alain Soral et de son mouvement Égalité et réconciliation. «Il faut reconnaître à Alain Soral le mérite d’avoir su toucher simultanément les âmes de deux groupes aux intérêts contradictoires et d’avoir envisagé avant tout le monde une politique des beaufs et des barbares», reconnaît-elle, dans un hommage appuyé à son maître. Elle oublie de le dire, mais elle le sait très bien : cette convergence des luttes était cimentée par l’antisémitisme.

À l’instar de nombreux penseurs décoloniaux, Bouteldja se livre à une lecture téléologique de l’histoire dont la race serait le moteur. D’après elle, la race est consubstantielle à la formation des États modernes. Elle juge que la controverse de Valladolid, où les Occidentaux ont débattu en 1550 de savoir si les indigènes avaient une âme, n’est pas un moment de tempérance de la colonisation, mais l’essence même d’une civilisation qui se débat entre «le racisme assumé» et l’«humanisme paternaliste», le second n’étant que le prolongement adouci du premier.

La matrice de l’Occident, c’est le racisme. La fin de la colonisation n’a rien changé. Ainsi, nous dit Bouteldja, « l’Allemagne nazie peut être vue comme un anachronisme » au XXIe siècle. « À l’issue de cette ultime fièvre d’un nationalisme effréné et d’un racisme débridé, le nazisme capitule face à des adversaires tout aussi racistes mais moins fanatiques et beaucoup plus pragmatiques ». La démocratie libérale ne vaut pas mieux que les nazis !

Pour appuyer ses dires, elle cite l’intellectuel américain controversé Noam Chomsky, qui affirme qu’il y aurait eu 50 à 55 millions de morts causés par le colonialisme et le néocolonialisme occidentaux après la Seconde Guerre mondiale. Ce chiffre, largement exagéré, compile les morts des guerres américaines, depuis Hiroshima à l’invasion de l’Irak, en passant par la guerre des drones. Bouteldja, qui combat l’essentialisation de l’indigène, qu’on tient selon elle comptable de tous les crimes, du Bataclan au fait divers, tient les Français comptables des crimes de l’Amérique. « L’occident » est réifié dans un amalgame décomplexé comme l’orient l’était jadis par les romantiques.

Et puis, s’il faut compter les morts, pourquoi n’évoque-t-elle pas ceux du communisme (65 à 85 millions) ? Elle préfère louer la « clairvoyance politique » de Lénine car il était internationaliste et décolonial.

Pour Bouteldja, comme pour tous les postcoloniaux, le racisme n’est pas un préjugé présent dans toutes les cultures qu’il faut combattre par la raison, mais un système, un complot qui organise la société, et même, elle l’écrit, « un deal » : pour obtenir le consentement des masses populaires au capitalisme, l’État racial occidental met en œuvre la préférence nationale. Selon elle, le conflit de race est entretenu par les élites pour faire taire les revendications sociales.

Non sans lucidité, elle attaque vertement l’hypocrisie de la gauche morale, qui se sert des immigrés pour se donner bonne conscience. On ne pourra pas lui donner tort lorsqu’elle juge que l’antiracisme moral a été utilisé comme une arme idéologique qui « a détourné la colère contre l’État envers le FN et les beaufs » : «à ces derniers l’obligation d’avaler les couleuvres et le devoir de tolérer leur basané prochain - un devoir qui, il va sans dire, ne s’impose nullement à la gauche caviar qui s’en sait dispensée grâce au fossé social qui l’en sépare ».

Elle a conscience aussi de l’insécurité culturelle des « petits Blancs » dont le monde disparaît. «Les cafés ferment, les églises aussi quand elles ne sont pas tout bonnement réduites à devenir des lieux touristiques. (…) Les carnavals, les orchestres, les festivités locales disparaissent ainsi que les formes singulières d’autochtonie », note-t-elle. Mais l’avenir des « petits Blancs» n’intéresse pas la gauche : « la banlieue fascine le bobo, les milieux chics, le cinéma et la mode ».

« Qui est déraciné déracine » : elle cite à raison Simone Weil. Mais que fait-elle à part déraciner les Français de «souche» en leur présentant leur histoire dont ils pourraient être fiers comme une succession de massacres? Certains voudraient faire taire Houria Bouteldja. Il faut la lire au contraire, car sa pensée racialiste est en train de gagner les esprits. D’ailleurs, elle-même se vante du «butin de guerre» que constitue Mélenchon, acquis à la pensée indigéniste. La gauche est en train de faire le pari de l’islamo-marxisme dont elle est la prêtresse.

Beaufs et barbares,
par Houria Bouteldja,
aux éditions La Fabrique,
363p.,
13 euros.

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