Lettre de Christian Rioux (ci-contre) où il explique son congédiement du Devoir :
Vous êtes nombreux à vouloir connaître le détail de mon congédiement, car il s’agit bien d’un congédiement.
Vous vous doutez que depuis le changement de direction, je n’étais pas dans les grâces de la nouvelle équipe. Cela s’est rapidement manifesté par de petits signes qui ne trompaient pas.
Des papiers qui normalement faisaient la une se retrouvaient dans le fond du journal, mes grandes entrevues n’intéressaient plus la rédaction («Toi et tes intellectuels français ! », dixit la rédactrice en chef Marie-Andrée Chouinard). [Très mal, les intellectuels... ]
Il y a trois ou quatre ans, pour la première fois, on me refuse de couvrir les élections britanniques et allemandes comme je l’avais pourtant fait sans discontinuer depuis les années 1990. C’est à cette époque que la rédactrice en chef a décidé de resserrer son contrôle sur les chroniqueurs.
On m’a par exemple refusé une chronique sur le changement de nom des Dix petits nègres d’Agatha Christie. C’était un mois exactement avant que ce débat n’éclate au Québec avec la suspension de Verushka Lieutenant-Duval à l’Université d’Ottawa.
Il y a deux ans, ce contrôle s’est encore resserré virant en une sorte de guérilla permanente. Il me fallait dorénavant justifier chaque mot. Impossible d’évoquer un « baiser volé » dans un texte sous peine de se voir accusé de justifier les agressions sexuelles.
Impossible de rappeler que dans de nombreux pensionnats autochtones, les religieuses enseignaient les langues autochtones sans devoir tout justifier.
Le Devoir se montre alors plus sensible aux petits groupes de militants qui me harcèlent sur les réseaux sociaux qu’à soutenir son journaliste. Ce harcèlement me vaudra trois poursuites devant le Conseil de presse en un peu plus d’un an (que j’ai toutes gagnées) alors que je n’en avais jamais eu une seule depuis que je suis journaliste.
Lors de la dernière, alors qu’on m’accuse d’entretenir des préjugés (racistes), Le Devoir a refusé de me soutenir en appel et j’ai donc dû me défendre seul contrairement à la tradition qui veut qu’un journal défende toujours son journaliste. J’ai heureusement gagné.
C’est le même genre de censure qui explique le départ en catastrophe de Normand Baillargeon à qui on avait demandé de réécrire de manière plus « politiquement correcte » une de ses chroniques sur la théorie du genre et les trans.
Ce harcèlement s’est accentué avec la mise en place d’un groupe de « fact checking » qui est aussi en partie un comité de censure destiné à remettre les chroniqueurs dans la droite ligne. Comme par hasard, sous prétexte d’éthique, ce « fact checking » s’exerce minutieusement sur tous les textes qui concernent l’islam, l’immigration ou le genre, mais à peu près pas sur ceux qui concernent la politique française, la culture ou l’Union européenne.
Depuis un an, je suis convaincu qu’on n’attendait qu’une chose, que je claque la porte moi aussi. Et on a tout fait pour. À commencer par m’interdire de couvrir les dernières législatives françaises.
Pour l’anniversaire de l’attentat du Bataclan, on a commandé dans mon dos un article à un pigiste sans m’en informer. Il y a un mois, je décroche une entrevue exceptionnelle avec l’ex-otage israélien Eli Sharabi qui a passé 18 mois dans les tunnels du Hamas, on me la refuse ! Elle ne cadrait pas dans la politique pro-Hamas du journal.
À quelques reprises, on s’est même permis de faire des corrections majeures dans ma chronique sans m’en avertir, y introduisant même parfois des erreurs.
Last but not least, depuis trente ans, tel que convenu avec l’ancien directeur Bernard Descôteaux, ma rémunération avait toujours suivi grosso modo celle des journalistes du Devoir. À chaque nouvelle convention, on me versait donc une rétro comme à mes collègues. Cette année, on a supprimé unilatéralement ces versements sans la moindre explication.
Je réalise aujourd’hui que l’annonce de la décision de me congédier n’attendait probablement que la reconduction de Brian Mile à la direction du journal pour cinq ans et la fin de la campagne de financement qui vient de se clore.
Une semaine avant Noël, c’est aussi pas mal pour étouffer l’affaire.
On me l’a donc annoncée mardi en prétextant mes «mauvais rapports avec les correcteurs». Comme si un journaliste était en plus tenu d’avoir de bons rapports avec ses censeurs !
Lors de cette rencontre, on m’a proposé d’acheter mon silence en échange de deux mois de rémunération et de la signature d’un contrat dans lequel je m’engagerais à ne rien dire sur le Devoir. Moi qui n’ai jamais signé le moindre contrat avec Le Devoir en trente ans, tellement la confiance entre nous était forte !
Vous êtes nombreux à vouloir connaître le détail de mon congédiement, car il s’agit bien d’un congédiement.
Vous vous doutez que depuis le changement de direction, je n’étais pas dans les grâces de la nouvelle équipe. Cela s’est rapidement manifesté par de petits signes qui ne trompaient pas.
Des papiers qui normalement faisaient la une se retrouvaient dans le fond du journal, mes grandes entrevues n’intéressaient plus la rédaction («Toi et tes intellectuels français ! », dixit la rédactrice en chef Marie-Andrée Chouinard). [Très mal, les intellectuels... ]
Il y a trois ou quatre ans, pour la première fois, on me refuse de couvrir les élections britanniques et allemandes comme je l’avais pourtant fait sans discontinuer depuis les années 1990. C’est à cette époque que la rédactrice en chef a décidé de resserrer son contrôle sur les chroniqueurs.
On m’a par exemple refusé une chronique sur le changement de nom des Dix petits nègres d’Agatha Christie. C’était un mois exactement avant que ce débat n’éclate au Québec avec la suspension de Verushka Lieutenant-Duval à l’Université d’Ottawa.
Il y a deux ans, ce contrôle s’est encore resserré virant en une sorte de guérilla permanente. Il me fallait dorénavant justifier chaque mot. Impossible d’évoquer un « baiser volé » dans un texte sous peine de se voir accusé de justifier les agressions sexuelles.
Impossible de rappeler que dans de nombreux pensionnats autochtones, les religieuses enseignaient les langues autochtones sans devoir tout justifier.
Le Devoir se montre alors plus sensible aux petits groupes de militants qui me harcèlent sur les réseaux sociaux qu’à soutenir son journaliste. Ce harcèlement me vaudra trois poursuites devant le Conseil de presse en un peu plus d’un an (que j’ai toutes gagnées) alors que je n’en avais jamais eu une seule depuis que je suis journaliste.
Lors de la dernière, alors qu’on m’accuse d’entretenir des préjugés (racistes), Le Devoir a refusé de me soutenir en appel et j’ai donc dû me défendre seul contrairement à la tradition qui veut qu’un journal défende toujours son journaliste. J’ai heureusement gagné.
C’est le même genre de censure qui explique le départ en catastrophe de Normand Baillargeon à qui on avait demandé de réécrire de manière plus « politiquement correcte » une de ses chroniques sur la théorie du genre et les trans.
Ce harcèlement s’est accentué avec la mise en place d’un groupe de « fact checking » qui est aussi en partie un comité de censure destiné à remettre les chroniqueurs dans la droite ligne. Comme par hasard, sous prétexte d’éthique, ce « fact checking » s’exerce minutieusement sur tous les textes qui concernent l’islam, l’immigration ou le genre, mais à peu près pas sur ceux qui concernent la politique française, la culture ou l’Union européenne.
Depuis un an, je suis convaincu qu’on n’attendait qu’une chose, que je claque la porte moi aussi. Et on a tout fait pour. À commencer par m’interdire de couvrir les dernières législatives françaises.
Pour l’anniversaire de l’attentat du Bataclan, on a commandé dans mon dos un article à un pigiste sans m’en informer. Il y a un mois, je décroche une entrevue exceptionnelle avec l’ex-otage israélien Eli Sharabi qui a passé 18 mois dans les tunnels du Hamas, on me la refuse ! Elle ne cadrait pas dans la politique pro-Hamas du journal.
À quelques reprises, on s’est même permis de faire des corrections majeures dans ma chronique sans m’en avertir, y introduisant même parfois des erreurs.
Last but not least, depuis trente ans, tel que convenu avec l’ancien directeur Bernard Descôteaux, ma rémunération avait toujours suivi grosso modo celle des journalistes du Devoir. À chaque nouvelle convention, on me versait donc une rétro comme à mes collègues. Cette année, on a supprimé unilatéralement ces versements sans la moindre explication.
Je réalise aujourd’hui que l’annonce de la décision de me congédier n’attendait probablement que la reconduction de Brian Mile à la direction du journal pour cinq ans et la fin de la campagne de financement qui vient de se clore.
Une semaine avant Noël, c’est aussi pas mal pour étouffer l’affaire.
On me l’a donc annoncée mardi en prétextant mes «mauvais rapports avec les correcteurs». Comme si un journaliste était en plus tenu d’avoir de bons rapports avec ses censeurs !
Lors de cette rencontre, on m’a proposé d’acheter mon silence en échange de deux mois de rémunération et de la signature d’un contrat dans lequel je m’engagerais à ne rien dire sur le Devoir. Moi qui n’ai jamais signé le moindre contrat avec Le Devoir en trente ans, tellement la confiance entre nous était forte !


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