vendredi 3 novembre 2023

Supercherie: la chanteuse oscarisée Buffy Sainte-Marie se serait inventé des origines autochtones

Buffy Sainte-Marie, compagne de l’Ordre du Canada est une interprète, musicienne, compositrice, éducatrice, pacifiste et activiste sociale américano-canadienne.

Son répertoire aborde également les thèmes de l’amour, de la guerre, de la religion et du mysticisme. Elle a été reconnue, récompensée et honorée pour sa musique ainsi que pour son travail dans le domaine de l’éducation et de l’activisme social. En 1983, sa chanson Up Where We Belong, coécrite pour le film Officier et Gentleman, a remporté l’Oscar de la meilleure chanson originale lors de la 55e cérémonie des Oscars. La même année, la chanson a également remporté le Golden Globe Award de la meilleure chanson originale.

Dès le début de sa carrière de musicienne, Sainte-Marie a prétendu être Indienne. En 1963, à l’âge de 22 ans, elle s’est revendiquée d’abord Algonquine, puis Micmaque avant de se contenter d’être une Crie née au Canada. Trois tribus qui traversent la moitié du continent en un an… Par la suite, elle a usé de son « origine indienne » pendant toute sa carrière.
 
En 1977, Buffy Sainte-Marie est invitée par le Premier ministre Pierre Trudeau à se produire devant la Reine Elizabeth lors d’un concert au Centre national des arts d’Ottawa.

En 2022, la chaîne publique canadienne, la CBC, a diffusé un concert organisé en son honneur au Centre national des arts d’Ottawa, au cours duquel la musicienne anichinabée ShoShona Kish s’est adressée au public : « Buffy Sainte-Marie a ouvert la voie à la musique indigène sur cette belle terre depuis son premier album ».

Cependant, près de 50 ans après être apparue à la très populaire émission enfantine américaine Sésame Steet, les affirmations de l’auteur-interprète sur son ascendance autochtone sont contredites par des membres de sa propre famille et par une enquête approfondie de la chaîne CBC.

À la fin de l’année dernière, la CBC a été informée que Mme Sainte-Marie n’était pas d’origine crie, mais qu’elle avait en fait des racines européennes. Elle est la dernière personnalité publique de premier plan dont la prétendue ascendance autochtone a été contredite par des documents généalogiques, y compris son propre acte de naissance, des recherches historiques et des récits personnels. On désigne parfois ces faux indiens sous le terme de « prétendiens ».

Le certificat de naissance de Sainte-Marie indique qu’elle est née le 20 février 1941 au New England Sanatorium and Hospital à Stoneham, Massachusetts. Ses parents, Albert et Winifred Santamaria, sont tous deux de race blanche.

Une enquête menée en 2023 par la CBC a révélé que Sainte-Marie était née au New England Sanitarium and Hospital à Stoneham, dans le Massachusetts, de parents biologiques Albert et Winifred Santamaria Les Santamaria, par qui elle a prétendu avoir été adoptée. Les parents de son père Albert sont nés en Italie, tandis que sa mère Winifred est majoritairement d’origine anglaise. Sa famille a changé son nom de famille de Santamaria à Sainte-Marie en raison d’un « sentiment anti-italien » pendant la Seconde Guerre mondiale.

Des universitaires autochtones comme Kim TallBear, professeur d’études autochtones à l’université de l’Alberta à Edmonton et membre de la « nation » Oyate Sisseton-Wahpeton, estiment qu’il est inacceptable que des non-autochtones parlent au nom des autochtones et s’approprient des distinctions qui leur sont réservées.

« C’est un vol de débouchés, de ressources. Du vol de nos histoires », a-t-elle déclaré.

Pendant de nombreuses années, Mme Sainte-Marie a prétendu être née dans la Première nation Piapot, près de Regina. C’est ainsi que, dans le Buffy Sainte-Marie Songbook de 1971, qu’elle a écrit et illustré, Sainte-Marie dit : « Lorsque je rentre chez moi, sur la réserve crie au Canada où je suis née, je passe généralement quelques heures par jour à enseigner la langue crie. » Dans une interview accordée en 1986 au Los Angeles Times Magazine, elle a déclaré : « Je suis née dans la réserve crie de Piapot, près de Craven, en Saskatchewan. »

Puis, selon ce récit, elle aurait été adoptée par un couple du Massachusetts, Albert et Winifred Santamaria, qui l’ont élevée près de Boston.

Elle a déclaré que plus tard dans sa vie, elle a retrouvé sa famille Piapot et a été adoptée par la communauté.

Sainte-Marie, dont la carrière musicale a décollé dans le Greenwich Village de New York au début des années 1960, a même écrit une chanson sur ses liens avec la Saskatchewan.

« Take me back to where my heart belongs—Qu’Appelle Valley, Saskatchewan » (Ramenez-moi là où mon cœur appartient — La vallée Qu’Appelle, Saskatchewan), dit la chanson.

Mais certains membres de la famille de Sainte-Marie pensent que ce récit est une véritable supercherie.

« Elle n’est pas née au Canada.... Elle est clairement née aux États-Unis », a déclaré Heidi St. Marie, fille d’Alan, le frère aîné de Sainte-Marie. « Il est clair qu’elle n’est ni indigène ni amérindienne. » Cette affirmation est étayée par des documents obtenus par la CBC, notamment l’acte de naissance de Sainte-Marie à Stoneham, dans le Massachusetts. L’enquête montre également que le récit qu’elle fait de son ascendance est changeant, plein d’incohérences et d’inexactitudes.

Dans un courriel envoyé le 18 septembre à la CBC, l’avocate de Mme Sainte-Marie, Josephine de Whytell, basée en Ontario, a déclaré : « À aucun moment Buffy Sainte-Marie n’a personnellement déformé son ascendance ou des détails de son histoire personnelle auprès du public. »

Toute incohérence perçue par la CBC dans l’histoire de Mme Sainte-Marie, a déclaré Mme de Whytell, « peut être expliquée par la vérité ».

Mme Sainte-Marie a décliné les demandes d’interview de CBC.

Mais dans une déclaration vidéo publiée sur Facebook jeudi, elle a réitéré qu’elle est « un membre fier de la communauté autochtone avec des racines profondes au Canada » et a dit qu’il y a beaucoup de choses qu’elle ne sait pas au sujet de son ascendance. Mme Sainte-Marie n’a pas proposé un test ADN pour prouver qu’elle n’est pas liée génétiquement à sa parenté adoptive…

L’enquête de CBC a révélé de nombreuses déclarations contradictoires de la part de la chanteuse au fil des ans concernant son histoire personnelle.

Une icône autochtone depuis 60 ans

Sainte-Marie s’est fait connaître au début des années 1960. Elle a lancé sa carrière aux côtés d’artistes folk comme Bob Dylan, Leonard Cohen et Joni Mitchell. Ses chansons ont été reprises par Elvis, Barbra Streisand et Glen Campbell, pour n’en citer que quelques-uns.

Un article du New York Times datant de 1963 décrivait Sainte-Marie comme « une fille indienne » qui était « l’un des nouveaux talents les plus prometteurs de la scène folk d’aujourd’hui ».

L’année suivante, elle est nommée meilleure nouvelle artiste de l’année par le magazine Billboard. Le Brantford Expositor l’a citée en ces termes : « Mon principal objectif est d’être un jour la meilleure chanteuse indienne au monde. »

Elle est considérée comme la première personne autochtone à avoir remporté un Oscar, qu’elle a reçu en 1983, pour avoir coécrit Up Where We Belong pour le film Officier et gentleman. Elle a également reçu de nombreux prix musicaux autochtones, dont quatre Canadian Aboriginal Music Awards, deux Aboriginal Peoples' Choice Music Awards, quatre Junos décernés à des autochtones et quatre Indigenous Life Achievement Awards.

Sainte-Marie a été nommée compagne de l’Ordre du Canada, la plus haute distinction civile du pays. En outre, son site web indique qu’elle a reçu des doctorats honorifiques d’au moins une douzaine d’universités.

Récemment, Sainte-Marie a fait l’objet d’un regain d’intérêt. En 2021, elle est apparue sur un timbre canadien.

Postes Canada a commémoré la contribution de Sainte-Marie, l’une des « auteures-compositrices-interprètes les plus populaires du pays », en émettant un timbre en 2021.

L’année dernière, elle a fait l’objet d’une exposition itinérante au Centre national des arts d’Ottawa. Elle a également fait l’objet d’un balado en cinq parties sur la CBC, consacré à sa vie et à son héritage, et d’un concert d’une heure télévisé sur la CBC, qui célébrait son rôle de chef de file dans le domaine de la musique autochtone.

Toujours en 2022, le radiodiffuseur américain PBS et le service canadien de diffusion en continu Crave ont diffusé Buffy Sainte-Marie : Carry It On, un documentaire qui se penchait sur l’influence de Buffy Sainte-Marie en tant que championne des peuples autochtones et de leurs droits. Il s’agit de la seule production canadienne à avoir été sélectionnée pour un Emmy international en 2023.

Au début de l’année, Mme Sainte-Marie, âgée de 82 ans, a annoncé qu’elle se retirait des représentations publiques en raison, selon elle, de problèmes de santé, notamment des mains arthritiques et une récente blessure à l’épaule.

Des biographies contradictoires

Buffy Sainte-Marie : An Authorized Biography, écrite par Andrea Warner, productrice associée de CBC Music, en collaboration avec Mme Sainte-Marie en 2018, décrit une diversité d’histoires que Mme Sainte-Marie dit avoir entendues lorsqu’elle était enfant.

« Elle ne savait pas qui elle était ni d’où elle venait », peut-on lire dans la biographie.

« On m’a dit que j’avais été adoptée. On m’a dit que j’étais simplement née “du mauvais côté de la couverture”. En d’autres termes, l’un de mes parents était mon parent et l’autre non. On m’a dit que nous étions en partie indiens, mais personne n’en savait rien », aurait-elle déclaré.

Dans sa biographie, elle poursuit en suggérant que ce type d’incertitude est courant chez les peuples indigènes.

« Beaucoup d’entre nous ont été emmenés dans des pensionnats, ou dans d’autres écoles, ou ont été adoptés, ou se sont perdus dans le système, ou ont été “blanchis” d’une manière ou d’une autre », a-t-elle déclaré.

La biographie de Mme Sainte-Marie, publiée en 2012, suggère qu’elle a été proposée à l’adoption après le décès de sa mère biologique peu de temps après l’avoir mise au monde, près de la Première nation de Piapot.

Le site Britannica indique que sa mère crie a été tuée dans un accident de voiture.

En 2022, la chaîne PBS a rapporté qu’elle avait été enlevée à sa famille contre son gré, dans le cadre d’une pratique « cruelle et raciste » connue au Canada sous le nom de « Sixties Scoop » (rafle des années soixante).

Sainte-Marie a affirmé la même chose dans une interview accordée en 2018 à la National Public Radio aux États-Unis, lorsqu’on lui a demandé de décrire sa propre adoption.

 « Au Canada, il y a eu ce que l’on a parfois appelé un peu plus tard la “Grande Rafle”, qui consistait à retirer les enfants autochtones de leur foyer », a-t-elle déclaré. « On leur attribue une date de naissance. On leur attribue une sorte de biographie. Ainsi, dans de nombreux cas, les personnes qui adoptent un enfant ne savent pas vraiment quelle est la véritable histoire ».

Il est pourtant généralement admis que la « Rafle des années 60 » a été lancée en 1951. Sainte-Marie est née en 1941.

Bien que Sainte-Marie ait affirmé qu’elle est crie, née dans la Première nation Piapot, la CBC n’a trouvé aucune mention où elle indique directement ses parents biologiques.

Dans un article paru dans le Ottawa Citizen en 1966, elle est citée comme ayant dit : « Ma vraie mère n’était pas en mesure de me garder, mais j’ai toujours su qui elle était et que je pouvais retourner au lieu de ma naissance quand je le souhaitais. »

Pourtant, l’année suivante, la Gazette de Montréal l’a citée en ces termes : « Je ne sais pas qui était ma vraie mère ».

Mme Teillet trouve ce changement de récit suspect. S’il n’est pas rare que les gens confondent certains faits de leur vie, Mme Teillet estime que « l’histoire n’est généralement pas complètement incohérente, du genre à la fois “J’ai connu mes parents” et “Je n’ai jamais connu mes parents”. »

« Ce sont deux choses qui ne peuvent pas coexister ».

Lors d’une conversation téléphonique en septembre avec la sœur cadette de Sainte-Marie, Lainey, 75 ans, la CBC lui a demandé si elle se souvenait que ses parents avaient déjà suggéré que sa sœur avait été adoptée. Elle a répondu par la négative, ajoutant que la première fois qu’elle avait entendu cette affirmation, c’était lorsque Sainte-Marie était dans la vingtaine.

CBC n’a trouvé aucune indication qu’Albert ou Winifred St. Marie, qui sont tous deux décédés, aient jamais commenté publiquement les affirmations de Sainte-Marie sur son origine ethnique.

Sainte-Marie, née Beverly Santamaria, est diplômée de l'école secondaire de Wakefield (Massachusetts) en 1958. (Annuaire de l'école secondaire de Wakefield de 1958)

« Pas de sang indien en elle »

La première mention publiée de l’ascendance autochtone revendiquée par Mme Sainte-Marie que la CBC soit parvenue à localiser se trouve dans l’édition du 19 mars 1961 du Springfield Republican, un journal de Springfield, dans le Massachusetts. Il y est question d’un concert à venir auquel participerait « Miss Buffy Sainte-Marie, une jeune fille amérindienne ».

En novembre 1963, le Wakefield Daily Item citait Sainte-Marie, elle y déclarait qu’elle était « à moitié micmaque de naissance ». Il s’agit de la plus ancienne référence découverte par CBC dans laquelle elle a été directement citée revendiquant une ascendance autochtone.

Un profil paru dans le magazine Look en décembre 1964 indiquait que Sainte-Marie était « née de parents indiens cris » et avait été adoptée par Albert et Winifred Santamaria.

Cette référence a attiré l’attention d’Arthur Santamaria, l’oncle paternel de Sainte-Marie.

En 1964, l’oncle de Sainte-Marie, Arthur, a déclaré à un journal local qu’elle n’avait pas de sang indien, alors qu’un article paru dans le magazine Look affirmait qu’elle était d’origine crie.

« Après avoir lu l’histoire », a-t-il déclaré au Wakefield Daily Item dans un article paru le 4 décembre 1964, « j’ai pensé qu’il fallait que je vienne vous dire la vérité sur Buffy. Dans cet article, elle ne ressemble pas à la fille qui a grandi ici ».

Il déclare au journal que, contrairement à ce qu’affirme l’article de Look, Sainte-Marie « n’a pas de sang indien en elle » et « pas une goutte » d’héritage cri.

En 1964, l’oncle de Sainte-Marie, Arthur, a déclaré à un journal local qu’elle n’avait pas de sang indien, alors qu’un article paru dans le magazine Look affirmait qu’elle avait des origines cries. (The Wakefield Daily Item)

Lors d’une entrevue accordée à la CBC au début de l’année dans sa maison de Phoenix, en Arizona, Heidi Sainte-Marie a déclaré que le reste de la famille ne croyait pas qu’elle était autochtone.

« Personne, à l’exception de Buffy, n’a jamais parlé de l’adoption de Buffy », a déclaré Sainte-Marie, âgée de 58 ans.

Bruce Santamaria a déclaré que sa famille lui avait dit que l’affirmation de Sainte-Marie selon laquelle elle avait été adoptée était incorrecte.

« On nous a carrément dit qu’elle était l’enfant de mon oncle Albert », a-t-il déclaré.

Malgré les inquiétudes de la famille, ses oncles et tantes ont suivi la carrière de Sainte-Marie avec passion et étaient fiers d’elle, a déclaré Bruce Santamaria, 61 ans.

« C’était une musicienne très talentueuse », a-t-il déclaré. « Elle soutenait aussi les Amérindiens de manière authentique. Elle se souciait vraiment d’eux. Elle était leur porte-parole. »

Il a ajouté que la famille pensait que sa revendication d’une ascendance indigène était une sorte de coup de publicité.

Des rumeurs ont commencé à circuler selon lesquelles Mme Sainte-Marie aurait menacé des membres de sa famille, y compris son propre frère, de poursuites judiciaires, voire pire, s’ils remettaient publiquement en question ses affirmations sur son ascendance.

« Je me souviens de ces histoires quand j’étais enfant… N’en parlez pas. Nous ne voulons pas de problèmes.... Laissez-la faire ce qu’elle veut parce que nous ne voulons pas perdre notre maison. Nous ne voulons pas que des avocats viennent nous poursuivre pour diffamation », a déclaré M. Santamaria.

Une identité indienne très lucrative

Kim Tallbear est professeure d’études autochtones et titulaire de la chaire de recherche du Canada à l’université de l’Alberta. Elle est membre de l’Oyate Sisseton-Wahpeton (une tribu sioux).

Pour Mme Tallbear, Buffy Sainte-Marie « est en quelque sorte l’image représentative d’une chanteuse amérindienne et d’une chanteuse Folk. Je suis sûre que cette représentation a grandement favorisé sa carrière et sa visibilité à une époque où les autochtones commençaient à être connus du grand public ».

Le succès de Buffy a éclipsé nombre de ses contemporains.

Un article du Chicago Tribune de 1966 note que les chanteurs folk coûtent environ 50 dollars pour 3 heures, alors que Buffy Sainte-Marie, une chanteuse folk crie, perçoit 2 000 dollars par représentation.


Un acte de naissance apparaît

Une simple recherche sur Google montre que pratiquement toutes les sources disponibles sur Internet indiquent que Sainte-Marie est née dans la Première nation Piapot, en Saskatchewan.

Mais cette information a été contredite à la fin de l’année dernière lorsqu’un informateur a fourni à la CBC une copie de ce qui semblait être l’acte de naissance de Sainte-Marie, obtenu auprès d’une petite mairie du Massachusetts.

Ce document indique que Beverly Jean Santamaria, qui a commencé à se faire appeler Buffy Sainte-Marie au début de sa carrière musicale, est née en 1941 à Stoneham (Massachusetts), au nord de Boston, d’Albert et de Winifred Santamaria — le couple qui, selon Mme Sainte-Marie, l’aurait adoptée.

La mère, le père et le bébé étaient tous deux inscrits comme de race blanche.

Le certificat de naissance de Sainte-Marie indique qu’elle est née le 20 février 1941 au New England Sanatorium and Hospital à Stoneham, au Massachusetts.

L’histoire de Sainte-Marie s’inscrit dans un schéma bien trop familier, selon l’avocate métisse Jean Teillet, de Vancouver. Mme Teillet est une descendance de Louis Riel.

Selon elle, depuis des décennies, des personnes non autochtones revendiquent à tort une ascendance autochtone et s’en servent pour s’approprier des débouchés et des honneurs qui ont été créés pour les véritables Indiens, les Métis et les Esquimaux.

Elle cite des exemples très médiatisés tels que l’auteur Joseph Boyden, l’ancienne juge Mary Ellen Turpel-Lafond et la professeure Carrie Bourassa.

Compte tenu des doutes jetés sur son ascendance par l’acte de naissance, CBC a décidé d’enquêter sur les allégations d’ascendance de Sainte-Marie.

Cette enquête, qui a porté sur des documents généalogiques et des articles de presse, ainsi que sur des entretiens avec certains membres de sa famille, a confirmé les faits présentés dans l’acte de naissance de Sainte-Marie.

Lettres menaçantes envers les membres de la femme par Buffy et son avocat

Cette enquête a également permis de découvrir une lettre qui, selon certains membres de la famille, montre jusqu’où Sainte-Marie est prête à aller pour faire taire ceux qui remettent en cause son histoire.

Heidi St. Marie se souvient du moment où son père, le frère aîné de Sainte-Marie, a reçu une lettre de menaces de la part de sa sœur et de son puissant avocat de Los Angeles.

« Cela a bouleversé tout mon univers », a déclaré Heidi St-Marie à la CBC.

En 1975, alors que le père de Heidi St. Marie, Alan, devenu pilote ligne, accueillait les passagers après l’atterrissage d’un avion à New York, il fut surpris de découvrir que sa sœur était dans l’avion.

 

Alan St. Marie a été pilote à l’étranger dans l’armée de l’air américaine avant de revenir aux États-Unis pour travailler comme pilote de ligne au début des années 1970.

Tous deux étaient ravis de cette rencontre et qu’« à ce stade, il n’y avait aucune animosité entre eux ». Sainte-Marie a présenté Alan à un homme qui voyageait avec elle, un producteur de la chaîne de télévision PBS.

Des semaines plus tard, ce producteur de PBS a appelé Alan pour confirmer qu’il était en fait le frère biologique de Sainte-Marie.

Heidi Sainte-Marie a déclaré que le producteur avait dit à son père qu’il ne semblait pas être un Indien avec ses cheveux clairs.

Alan a dit au producteur que Sainte-Marie et lui étaient blancs et avaient les mêmes parents. Marie dit que son père n’a plus pensé à cet appel jusqu’au 7 novembre 1975, date à laquelle une lettre d’un cabinet d’avocats de Los Angeles est arrivée dans sa boîte aux lettres.

« Ce cabinet représente Buffy Sainte-Marie », disait la lettre d’un avocat qui avait représenté des artistes comme les Rolling Stones et les Beach Boys. 

« Nous avons été informés que vous avez, sans provocation, dénigré et peut-être diffamé Buffy et que vous avez malicieusement compromis avec ses possibilités d’emploi », indique la lettre. Celle-ci ajoute que si Alan continuait, Buffy « ne reculera devant aucune dépense pour exercer tous ses recours légaux ».

Dans la lettre du cabinet d’avocats se trouvait une enveloppe adressée à Alan — une lettre manuscrite de Sainte-Marie.

« Alan, vous vous souvenez sans doute des sévices sexuels que vous n’avez cessé de me faire subir tout au long de mon enfance », écrit-elle. « D’après mes souvenirs et les journaux intimes de mon enfance, tu n’es rien d’autre qu’un pédophile et un sadique. »

Elle fait ensuite ce qui semble être une référence à Sesame Street.

« La culpabilité vous a poussé à essayer de me blesser par le biais d’une émission pour enfants », dit-elle. « Si vous essayez à nouveau de me faire du mal, j’expliquerai les racines de votre maladie à vos employeurs et à votre femme, et j’enverrai la police à vos trousses. »

Dans une lettre à sa mère, Alan décrit sa réaction.

« En rentrant du travail, j’ai trouvé la lettre la plus ignoble que j’aie jamais lue », écrit-il. « Sa colère est liée à une conversation que j’ai eue avec un homme de PBS à New York, au cours de laquelle j’ai nié qu’elle était indienne. »

Pour vérifier que Sainte-Marie a bien écrit la lettre, CBC a fait appel à Docufraud Canada, une société spécialisée dans l’analyse de l’écriture manuscrite. Elle a confirmé que la lettre correspondait à d’autres échantillons de l’écriture de Sainte-Marie, y compris des lettres soumises par des membres de la famille et une note de carnet de croquis dont on sait qu’elle a été écrite par Sainte-Marie.

Allégations de sévices

L’une des premières références que CBC a pu trouver sur Sainte-Marie alléguant qu’elle avait été agressée sexuellement se trouve dans une entrevue de 1994 avec l’auteure June Callwood, dans son livre National Treasures (Trésors nationaux).

Plus tard, dans sa biographie de 2018, Mme Sainte-Marie accusait directement son frère Alan, affirmant que son intimidation s’est transformée en « abus physique et sexuel ».

 

Heidi St. Marie tient la lettre que son père aurait reçue en 1975 de la part d’un avocat qui représentait sa sœur, Buffy Sainte-Marie.

Heidi St. Marie a déclaré que jusqu’à la rencontre fortuite dans l’avion, les relations de son père avec Sainte-Marie étaient bonnes. Dans des lettres, elle invitait Alan et la famille à lui rendre visite à Hawaï et parlait de lui avec affection.

Selon elle, il est intéressant de noter que Mme Sainte-Marie n’a commencé à formuler explicitement et publiquement ses allégations à l’encontre d’Alan qu’après la mort de ce dernier en mai 2011.

Heidi St. Marie a déclaré qu’elle pensait que Sainte-Marie essayait de faire taire Alan par ses allégations. Et, selon elle, cela a fonctionné.

Dans une lettre adressée à son père peu après avoir reçu la lettre de Sainte-Marie, Alan a déclaré qu’il avait décidé de faire marche arrière. « Si je continue à faire éclater la vérité », écrit-il, « elle possède de grosses sommes d’argent et pourrait faire traîner un procès pendant longtemps ».

Marie affirme que son père, Alan St. Marie, a reçu en novembre 1975 une lettre manuscrite de sa sœur Buffy alléguant qu’il avait abusé d’elle sexuellement lorsqu’ils étaient enfants et que la culpabilité l’avait incité à la blesser « par le biais d’un spectacle pour enfants ».

Algonquine, micmaque ou crie ?

En ce qui concerne l’ascendance autochtone revendiquée par Sainte-Marie, les références des journaux et des magazines révèlent une histoire pleine d’incohérences et de contradictions.

Au début de sa carrière, elle était qualifiée de façon générique d’« Indienne d’Amérique ».

Mais au fil du temps, les références sont devenues plus précises.

En mars 1963, le Fort Lauderdale News de Floride a déclaré qu’elle était « une Indienne algonquine de plein sang ». En août de la même année, un article du New York Times la qualifie de « jeune Indienne algonquine ».

Puis, en octobre, le Detroit Free Press a rapporté que « Buffy est née Indienne Micmaque (Mi’kmaq) dans le Maine », ajoutant que « son nom Micmac est Tsankapasa ou Faon foncé ».

Plus tard, le même mois, le Boston Herald a déclaré qu’elle se considérait comme « à moitié micmaque de naissance ».

La première référence à Sainte-Marie comme étant crie que CBC ait pu trouver remonte à décembre 1963, lorsque le Vancouver Sun a parlé de la « chanteuse folklorique indienne crie Buffy St. Marie ».

En l’espace de dix mois, elle a été qualifiée d’Algonquine, d’Algonquine de plein sang, de Micmaque, de demi-Micmaque et de Crie.

« C’est immédiatement problématique quand on voit quelque chose comme ça », a déclaré M. Teillet.

Sa biographie : « Elle n’avait pas d’acte de naissance »

La recherche des faits sur l’histoire des origines de Sainte-Marie s’est heurtée à une difficulté majeure : trouver une documentation claire.

Sur la première page de sa biographie de 2012 consacrée à Sainte-Marie, l’auteur Blair Stonechild écrit : « Il a été impossible de trouver des informations définitives sur les premiers jours de Buffy Sainte-Marie ».

La pièce manquante la plus flagrante : « Elle n’avait pas d’acte de naissance ».

Lors d’une interview avec le Rogue Folk Club en janvier 2017, Sainte-Marie a déclaré qu’elle avait demandé à un ami avocat cri de trouver son certificat de naissance. Bien que la recherche ait été infructueuse, Sainte-Marie a déclaré qu’ils ont appris « que six années de dossiers de naissance ont été détruites à l’hôpital qui aurait desservi la réserve Piapot à l’époque à Craven. »

Selon le gouvernement de la Saskatchewan, il n’existe « aucune trace d’un hôpital fonctionnant à Craven, en Saskatchewan, dans les années 1940 ou depuis ». Le gouvernement a également indiqué que depuis les années 1920, les registres de naissance étaient conservés dans des installations gouvernementales sécurisées, et non dans les mairies ou les réserves.

« Nous n’avons pas non plus connaissance de dossiers détruits par le feu ou les inondations, ou disparus pour toute autre raison », a déclaré la province dans un courriel adressé à la CBC.

Dans son courriel à la CBC, l’avocate de Mme Sainte-Marie a déclaré que de nombreux dossiers d’adoption avaient été détruits par les gouvernements canadiens.

La CBC a demandé au gouvernement de la Saskatchewan si des dossiers d’adoption, remontant aux années 1920, avaient disparu.

« Toutes les adoptions qui ont eu lieu dans la province de Saskatchewan comportent un dossier d’adoption auprès du ministère des Services sociaux », a déclaré le gouvernement.

Lors d’une interview réalisée en 2022, Mme Sainte-Marie a déclaré à Tom Power, animateur de la chaîne CBC Q, que ses dossiers d’adoption étaient inaccessibles.

« Les dossiers sont scellés. On ne peut rien y découvrir ».

Cependant, le ministère des Services sociaux de la Saskatchewan a déclaré à CBC que depuis 2017, les adoptés adultes peuvent facilement accéder à leurs dossiers de naissance.

Selon Kim TallBear, il est très courant que les imposteurs prétendent « qu’il n’y avait pas de documents. Les documents ont tous brûlé dans l’incendie d’un palais de justice ou dans l’incendie d’une maison. »

Cependant, Mme TallBear a déclaré que les enfants autochtones étaient, en fait, souvent mieux documentés que les enfants non autochtones en raison des règles onéreuses qui leur étaient imposées.

« Nous devons être bien documentés pour que l’État colonial puisse gérer… les affaires indiennes, pour qu’il puisse gérer les attributions de terres, pour qu’il puisse gérer les pensionnats », a-t-elle déclaré.

Une certitude à 100 % qu’il s’agit de l’acte de naissance original

La CBC s’est rendue à Stoneham, dans le Massachusetts, à trois kilomètres de la maison d’enfance de Sainte-Marie, pour voir l’acte de naissance qu’elle prétend depuis des années ne pas exister.

La secrétaire municipale Maria Sagarino a montré à CBC la chambre forte sécurisée qui contient tous les actes de naissance de Stoneham.

Elle a feuilleté un classeur de 1941 jusqu’à ce qu’elle atteigne le 20 février — le certificat n° 49.

Elle a sorti l’acte de naissance original et manuscrit de Sainte-Marie de sa pochette en plastique transparent. Il est signé par le docteur Herbert Land, celui-là même qui a mis au monde la sœur de Sainte-Marie, Lainey, en 1948. Il certifie que Sainte-Marie est née à 3 h 15 du matin d’Albert et de Winifred Santamaria.

« C’est l’original qui provient de l’hôpital », a déclaré M. Sagarino, qui travaille à la mairie de Stoneham depuis plus de 20 ans. « Il n’y a pas de réfutation possible parce qu’il est sous ma garde, dans mes dossiers, dans ma chambre forte. »

Dans son courriel à CBC, l’avocat de Sainte-Marie a déclaré : « Des recherches ont également révélé que les enfants adoptés par des parents du Massachusetts se voyaient souvent délivrer de nouveaux certificats de naissance du Massachusetts portant le nom de leurs parents adoptifs. »

CBC a demandé à Sagarino si cela s’était produit dans ce cas.

Elle a répondu par la négative.

« Il ne semble pas qu’elle ait été adoptée d’une manière ou d’une autre », a déclaré Mme Sagarino.

Selon elle, si Mme Sainte-Marie avait vraiment été adoptée en Saskatchewan, le dossier contiendrait ses documents d’adoption légaux et la preuve qu’elle est entrée aux États-Unis.

Au lieu de cela, son dossier ne contient qu’un acte de naissance original de Stoneham.

« Si vous regardiez tous les autres dans le registre, vous verriez la même chose », dit-elle. « Ils sont tous présentés de la même manière, avec les mêmes informations, car il s’agit d’un modèle. »

De plus, chaque certificat est enregistré, reçoit un numéro et est classé dans l’ordre chronologique.

Ainsi, si Sainte-Marie est vraiment née en Saskatchewan le 20 février, comme l’indique sa biographie de 2018, et qu’elle a été adoptée quelques semaines ou quelques mois plus tard dans le Massachusetts, il serait difficile d’expliquer comment l’acte de naissance n° 49 se situe entre le bébé 48 né le 18 février et le bébé 50, né le 24 février.

« Je peux affirmer avec une certitude absolue qu’il s’agit de l’acte de naissance original. Beverly Jean Santamaria est née à Stoneham, dans le Massachusetts, au New England Sanatorium and Hospital, le 20 février 1941 », a déclaré M. Sagarino.

Cela correspond à plusieurs autres documents obtenus par CBC.

Dans une police d’assurance-vie souscrite pour elle en 1945, sa mère a juré que Sainte-Marie était née à Stoneham en 1941.

Le recensement américain de 1950 indique que Beverly, âgée de neuf ans, était une fille blanche, née dans le Massachusetts chez les Sainte-Marie.

Lorsque le frère aîné de Sainte-Marie, Alan, s’est engagé dans l’armée en 1956, il a déposé une déclaration d’antécédents personnels dans laquelle il certifiait, sous peine d’amende ou d’emprisonnement, que sa sœur était née à Stoneham, dans le Massachusetts, en février 1941.

Sainte-Marie elle-même a confirmé qu’elle était née aux États-Unis.

Certificat de mariage de Buffy Sainte-Marie, signé de sa main, où il est indiqué qu’elle est née au Massachussetts

En mars 1982, elle signe un acte de mariage officialisant son union avec le compositeur hollywoodien Jack Nitzsche. Sur le certificat, obtenu auprès du comté de Los Angeles, Sainte-Marie certifie qu’elle est née le 20 février 1941 dans le Massachusetts d’Albert et de Winifred St.

Dans un courriel, la CBC a demandé à Mme Sainte-Marie de lui accorder une interview au sujet de ces documents.<

« Mme Sainte-Marie a droit à un respect légitime de sa vie privée en ce qui concerne son histoire généalogique et familiale », a déclaré son avocat dans une lettre adressée à la CBC.

 

L’enquête de la CBC (sous-titrage en français disponible, cliquer sur la molette) 


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