samedi 21 mars 2015

Ce n'est pas aux législateurs de décider ce qui est bon pour les enfants, c'est aux parents

Pour Derek James, avocat auprès de la Canadian Constitution Foundation (CCF), qui revient sur l’arrêt Loyola de la Cour suprême dans les colonnes du Huffington Post, ce n’est pas aux législateurs de décider ce qui bon pour les enfants, c’est aux parents.

Rappelons que la Cour suprême du Canada (CSC) a jugé que Loyola doit enseigner, au sein d’un programme d’ECR équivalent, les autres religions et les autres positions éthiques d’un point de vue neutre, mais pourra enseigner la religion et l’éthique catholiques dans une perspective catholique. Quatre des sept membres du tribunal qui a entendu l’appel ont déclaré que l’école devait présenter une nouvelle demande d'équivalence de programme au gouvernement du Québec, trois juges sont allés plus loin et désiraient accorder l’équivalence de programme sans réexamen de la demande par l’État québécois.

Derek James se demande « de se mettre dans la peau d’un parent qui a décidé que son enfant doit bénéficier d’une éducation religieuse dans une école privée si la décision avait été différente. Même si l’école privée peut être coûteuse, les croyances religieuses de ces parents sont d’une telle importance fondamentale pour ces parents qu'ils ont décidé de faire ce sacrifice. Comment réagiriez-vous si le gouvernement forçait vos enfants d’apprendre précisément ce que vous cherchez à éviter en sortant votre enfant du système public ? »

« On peut dire la même chose au nom de parents non religieux : si votre conscience vous oblige à protéger votre enfant de toute éducation religieuse, le gouvernement devrait-il être en mesure de faire complètement abstraction de vos souhaits ? », poursuit le juriste.

Notons que, comme le signale Brian Liley, la Cour suprême du Canada impose quand même l’exposition respectueuse à de nombreuses religions et positions éthiques/morales, à la limite dès six ans. Ce que certains parents pourraient très bien ne pas vouloir. (Il est vrai que Loyola est une école secondaire et que la question de la précocité de l’exposition à cette « diversité » de valeurs y est moins aiguë.)

Me James rappelle l’opinion de John Stuart Mill (ci-contre) dans son célèbre ouvrage De la Liberté sur l’ingérence de l’État dans l’éducation :
« Les objections qu’on oppose avec raison à l’éducation publique ne portent pas sur le fait que l’État impose l’éducation, mais sur ce qu’il se charge de la diriger, ce qui est tout différent. Je réprouve autant que quiconque l’idée de laisser partiellement ou totalement l’éducation aux mains de l’État. Tout ce que j’ai dit de l’importance de l’individualité du caractère, ainsi que de la diversité des opinions et des modes de vie, implique tout autant la diversité de l’éducation. Une éducation générale dispensée par l’État ne peut être qu’un dispositif visant à façonner des gens sur un même modèle ; et comme le moule dans lequel on les coulerait serait celui qui satisfait le pouvoir dominant au sein du gouvernement — prêtres, aristocratie ou majorité de la génération actuelle —, plus cette éducation serait efficace, plus elle établirait un despotisme sur l’esprit, qui ne manquerait pas de gagner le corps. »

Pour l’avocat de la CCF, ce façonnage, s’il réussit, « établit un despotisme sur l’esprit des élèves ». Comparons l’avertissement de John Stuart Mill à l’objectif déclaré du Québec qui prétend ainsi développer une société dans laquelle différentes valeurs et les croyances religieuses peuvent coexister sans conflit. Les moyens choisis par le gouvernement québécois pour y parvenir sont, entre autres, d’enseigner aux enfants que toutes les religions sont des options toutes aussi bonnes les unes que les autres. Pour Derek James, c’est façonner l’esprit des élèves pour qu’ils acceptent explicitement une proposition rejetée par de nombreux parents.

Pour le juriste, « évincer les droits individuels pour atteindre un objectif gouvernemental n’est guère louable. En fait, c’est la pente suivie lors des violations les plus atroces de l’histoire des droits de l’homme. Et, si l’on ne peut pas faire confiance aux parents quand ils décident ce qui est bon pour leurs enfants, pourquoi faire confiance aux législateurs ? »

Derek James poursuit : « Ces législateurs pensent qu’ils constituent l’élite [voir trois anciens législateurs discuter du cas Loyola à la SRC, édifiant et pitoyable] et qu’ils savent ce qui est bon » pour le commun des mortels. Leur attitude élitiste leur permet d’ignorer les vœux des parents. Pour l’avocat de la CCF, il « n’y a guère d’exemple plus éloquent d’ingérence de l’État dans les droits parentaux, la liberté de choix de l’école et la liberté religieuse des parents que le cours ÉCR. La Charte n’a-t-elle pas été adoptée, en partie, pour éviter que la majorité n’opprime les points de vue minoritaires par le biais du pouvoir du gouvernemental ? »



« Forcer les parents à soumettre leurs enfants à ce qu’ils réprouvent profondément est immoral, même si la plupart d’entre nous croient que les objectifs de l’État sont justes et sages. Et comme Mill nous avertissait, l’éducation peut être le véhicule parfait d’un État autoritaire pour endoctriner sa jeunesse, et le cours ÉCR du Québec — comme il a été mis en œuvre — cherche précisément à faire cela », d’ajouter Derek James. « Les objectifs du Québec peuvent sembler anodin à la plupart d’entre nous, mais le principe est troublant : le gouvernement sait mieux que quiconque ce qui est bon et il lui est permis de façonner les générations à venir pour qu’ils se conforment, sans égards aux libertés individuelles », conclut l’avocat de la Canadian Constitution Foundation.





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