mardi 14 mars 2023

Italie — Le gouvernement Meloni pourrait accueillir 500 000 immigrants légaux cette année (m à j)

Le ministre italien de la Défense, Guido Crosetto (ci-contre), a déclaré que le nombre record et croissant de migrants traversant la Méditerranée faisait partie d’une « guerre hybride » menée par la Russie, qui utilise des mercenaires comme armes contre les pays qui soutiennent l’Ukraine.
 
Quelque 20 000 personnes sont arrivées en Italie depuis le début de l’année, contre 6 100 au cours de la même période en 2022, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, et la question de l’immigration fait monter la pression sur le gouvernement de droite.

Selon d’autres sources, l’augmentation des départs de migrants depuis la Cyrénaïque, dans l’est de la Libye, au cours de l’année écoulée est en réalité supervisée par le clan Haftar, il s’agit d’une des nombreuses activités commerciales illicites juteuses dirigées par la famille Haftar et son armée.

Ironiquement, peu avant les élections qui ont porté le parti de Guido Crosetto, Fratelli d’Italia, au pouvoir, la presse de gauche, notamment La Repubblica, considérait que les vagues d’immigrants venant de Libye étaient utilisées pour influer sur le vote et porter la droite anti-immigration illégale au pouvoir… Voir la reproduction de cet article du 29 juillet 2022 dont le titre se lit « L’arme des migrants sur le vote. Les bateaux poussés vers l’Italie par les mercenaires de Wagner ».


Billet du 11 mars

Lorsque Giorgia Meloni et sa coalition de droite ont pris le pouvoir, cela a suscité un grand enthousiasme et de l’espoir, même en dehors de l’Italie. Enfin, une droite qui ne se sentait plus gênée de déclarer son patriotisme et son désir de souveraineté avait atteint les plus hauts niveaux du gouvernement d’un des pays fondateurs de l’Europe. La fameuse « union des droites » avait finalement réussi quelque part ! Les gens étaient impatients de voir comment les questions de sécurité et d’immigration seraient enfin traitées par une « vraie droite ».

Sévèrement rappelé à l’ordre par les instances européennes, le nouveau gouvernement s’est contenté de quelques mesures symboliques conservatrices — comme rebaptiser les ministères (« ministère de la Souveraineté alimentaire », « ministère de la Famille et de la Natalité »…) — et a surtout brillé par sa timidité d’action et la multiplication des génuflexions face aux diktats de Bruxelles.

Il faut dire que Bruxelles tient le gros bout du bâton. En effet, l’Italie est le deuxième bénéficiaire du plan de relance européen post-covid « NextGenerationEU » (l’anglomanie est omniprésente à Brussels). Au total, elle est éligible à près de 192 milliards d’euros de subventions et de prêts jusqu’en 2026.

C’est d’ailleurs dans la capitale belge que Francesco Lollobrigida, le ministre de l’Agriculture, à l’occasion d’un point presse en marge d’une rencontre avec leurs eurodéputés, a donc expliqué que l’exécutif italien n’était pas « opposé à l’immigration », mais souhaitait simplement en gérer plus efficacement les flux. Les électeurs de base de Fratelli d’Italia et de la Lega apprécieront.

Vive l’immigration légale

Pour Francesco Lollobrigida, il faut mieux organiser l’immigration « pour donner la possibilité à ceux qui viennent en Italie d’avoir une offre de travail décent ». Les Italiens, confrontés à un chômage important et à une précarité économique croissante, seront sans doute ravis de tant de sollicitude pour les futurs arrivants. Le taux de chômage en Italie était stable en novembre 2022 par rapport au mois précédent, à 7,8 %, un chiffre quasi double du chômage au Québec. Le taux de chômage des jeunes de 15-24 ans s’établissait à 23 %, un niveau très élevé. Le taux d’emploi général de la population active en Italie avait baissé de 0,1 point à 60,3 % alors que le nombre de personnes à la recherche d’un travail avait diminué de 0,8 % en novembre par rapport au mois précédent, soit 16 000 demandeurs d’emploi en moins.

Le ministre — très proche de Giorgia Meloni dont il a épousé la sœur — a poursuivi en annonçant que « cette année, nous travaillerons pour faire entrer légalement près de 500 000 immigrés, notamment en mettant en place des mécanismes bilatéraux ou multilatéraux avec d’autres nations. Nous avons accueilli plus que tout autre pays, nous continuerons à le faire. » Il s’est ensuite félicité du fait que cette politique migratoire allait faire taire ceux qui prétendaient que le gouvernement Meloni était contre l’immigration alors qu’il n’est en réalité opposé qu’à sa forme illégale. [Sources : la RAI, Corriere della Sera, L’Humanité qui extrapole et prétend que cela signifie ½ million d’immigrants chrétiens]

Former à l’étranger les immigrants à nos coutumes

Le ministre a en tête quelques différences par rapport au passé : « Je pense qu’il est inacceptable de laisser les gens rejoindre une entreprise et ensuite se désintéresser de ce qu’ils font. L’immigration est un phénomène physiologique, mais pour donner une dignité égale, nous devons encourager l’intégration. Pour cela, il faut garantir une formation sur place dans les pays de départ. Formation professionnelle, mais aussi par rapport à certains éléments culturels qui permettent à l’immigré qui arrive de Tunisie ou du Bangladesh d’être formé sur nos normes, sur nos coutumes ».

Considérant qu’il existe actuellement en Italie 660 000 allocataires du revenu de base définis comme « employables » et qu’ils ont signé un pacte pour le travail, le gouvernement pourrait immédiatement les former pour pourvoir ces postes vacants, mais, pour le moment, malgré la fin toute proche de leur allocation, les cours obligatoires pour ces Italiens n’ont pas encore commencé.

Dissensions au sein de l’alliance au pouvoir

Notons, cependant, que plusieurs chiffres circulent au sein même de l’alliance au pouvoir. Le ministre de l’Intérieur Piantedosi, membre de la Ligue, autre parti de la coalition, prépare le nouveau décret sur les flux, c’est-à-dire la disposition grâce à laquelle les immigrants non européens immédiatement embauchés pourront entrer régulièrement en Italie. Le quota fixé par Piantedosi est de 82 705 « visas » : le nombre le plus élevé depuis 2007, mais nettement inférieur à celui supposé par Lollobrigida. En outre, le palais du Viminale, siège du ministre de l’Intérieur, a l’intention de mettre un frein supplémentaire : l’embauche d’étrangers ne sera autorisée qu’après constatation de l’indisponibilité de résidents en Italie à occuper l’emploi particulier convoité par l’étrange extra communautaire.

« Trahisons » dès le début du mandat ?

Dans certains cercles, ce revirement sur le front de l’immigration n’étonne pas. Dès octobre 2022, peu après l’élection de Meloni, Le Courier du Soir se demandait : « L’Union des Droites Italiennes a-t-elle mené ses électeurs en bateau avec l’unique but d’arriver au pouvoir ? La question se pose moins d’un mois seulement après une élection qui aura tenu toute l’Europe en haleine en raison des positions très dures (et parfois anti-Europe) défendues par Giorgia Meloni tout au long de la campagne. »

Face à la presse, Meloni a mis fin au débat en faisant clairement savoir que son gouvernement est pro-OTAN, pro-Bruxelles et pro-Kiev. Un alignement complet sur les gouvernements italiens précédents.

Une nomination très controversée avait déjà mis les électeurs de Fratelli d’Italia dans une colère noire. Il s’agissait de la nomination de Orazio Schillaci, ministre de la Santé, très favorable au passeport sanitaire. Un choix d’autant plus étrange que durant la campagne, les membres de la coalition de Droite avaient menacé d’abroger le passeport sanitaire et l’obligation vaccinale.

Pour le journal romain La Notizia, Giorgia Meloni a remporté l’élection grâce à son opposition déclarée au gouvernement des Meilleurs, de l’Élite, mais son programme est identique à l’agenda de Mario Draghi, le technocrate bien sous tous rapports pour Bruxelles et Washington et précédent président du Conseil des ministres italien

Le journal ajoute : « Après avoir joué les grandes gueules avec le ministre de l’Intérieur Mattéo Piantedosi, Meloni a dû capituler face aux coups de boutoir de la France et aux leçons de solidarité de Bruxelles. Elle a dû ouvrir, il y a quelques jours, les ports italiens à certaines ONG [pro-immigration]. Et les électeurs qui avaient cru à la devise de Meloni : “une Italie libre, forte et souveraine” auront été déçus, comme le leur a fait remarquer le leader du Mouvement 5 étoiles (M5S), Giuseppe Conte, face à “la soumission à Washington” ».

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