dimanche 9 septembre 2018

Fable — « Demain, on mange gratis »

Les anciennes classes proposaient aux élèves du primaire des maximes et morales qui servaient aussi de livre de lecture et de récitation. Nous proposons une récitation tirée d’un manuel de 1903 qui peut être utile en cette époque de campagne électorale.

Il s’agit de « L’enseigne du Cabaret » de Pierre Lachambeaudie qui reprend à son compte l’histoire plus ancienne du barbier malicieux qui avait inscrit sur son enseigne : « demain on rase pour rien… » gratis donc. La fable se voit adjoindre en haut de page une morale :


« Bien des gens font ainsi de belles promesses qu’ils ne tiennent jamais. C’est pour demain qu’ils promettent ; et beaucoup de lendemains passent ainsi, jusqu’à ce qu’on leur dise : Nous vous connaissons, vous ne nous y prendrez plus… »



L’Enseigne du cabaret 

Devant un cabaret ces mots étaient écrits :

« Aujourd’hui vous payerez le pain, le vin, la viande ;
Demain vous mangerez gratis. »

Janot que l’enseigne affriande,
Dit : « Aujourd’hui je n’entre pas :
« Demain, vous mangerez gratis ».
Janot, en voyant cette enseigne,
se dit : « J’irai demain. »
Il faudrait payer la dépense ;
Mais demain je vais faire un si fameux repas
Que le cabaretier s’en souviendra, je pense. »

Le lendemain, on voit entrer Janot
Qui va se mettre à table et s’écrie aussitôt :
« Servez vite, maître Grégoire !
Servez ! jusqu’à la nuit je veux manger et boire !
Apportez du meilleur ; je suis de vos amis ! »

À peine le couvert est mis
Qu’il faut voir mon Janot des dents faire merveilles,
Et vider bel et bien les plats et les bouteilles.

S’étant lesté la panse, il se lève gaîment,
Et sans cérémonie il regagne la porte.

Mais Grégoire l’appelle et lui dit brusquement :
« Mon brave ! il faut payer avant que l’on ne sorte !
— Vous riez, dit Janot, vraiment,
Et la plaisanterie est forte ;
Vous deviez aujourd’hui, si je m’en souviens bien
Nous servir à dîner pour rien ..
— Oh ! répond l’hôtelier, votre erreur est extrême,
Car je dis aujourd’hui ce qu’hier je disais :,
Regardez, tous les jours mon enseigne est la même.
— Vous ne m’y prendrez plus, dit l’autre, désormais,
Et vous ne m’eussiez pas leurré par un vain conte,
Si j’avais su qu’à votre compte
Demain signifiât jamais. »








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