mercredi 4 juin 2025

2350 étudiants étrangers ont demandé l’asile au Québec depuis le début de 2025

Le nombre d’étudiants étrangers qui prétendent être des réfugiés continue de grimper. Malgré des contrôles plus stricts imposés par Québec et Ottawa, les écoles québécoises sont toujours massivement utilisées comme tremplins d’immigration pour obtenir un statut de réfugié par des ressortissants arrivés au pays grâce à un permis d'études.

Selon les données obtenues auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), 2350 étudiants étrangers ont demandé l’asile au Québec au cours des quatre premiers mois de l’année. C’est la moitié du nombre de requêtes enregistrées en 2024, et autant que pour l’année 2023 en entier.


Si la tendance se maintient au cours des prochains mois, un nouveau record de ressortissants admis dans un établissement d’enseignement québécois et ayant requis un statut de réfugié pourrait donc être fracassé.

Selon le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, le résultat du resserrement des règles tarde à se faire sentir parce que les permis d’études octroyés dans le passé sont encore valides.

"Les permis d’études sont généralement valables pour la durée du programme d’études, qui s’étend souvent sur plusieurs années. En guise d’exemple, une personne ayant demandé l’asile en 2024 peut l’avoir fait avec un permis d’études approuvé en 2022", explique la porte-parole du ministère, Isabelle Dubois.

Dans les dernières années, l’augmentation du nombre de visas de résident temporaire octroyés par Ottawa s'est accompagnée d'une hausse majeure du nombre de demandeurs d'asile.

Face à de nombreux abus du système, des mesures ont été prises pour améliorer l’intégrité des processus d’immigration, dont celui destiné aux étudiants étrangers.

Près de 12 000 étudiants ont demandé l’asile depuis 2020

Le nombre d’étudiants étrangers devenus demandeurs d’asile a explosé depuis cinq ans au Québec, passant de 340 personnes en 2020 à 5535 personnes en 2024.


Pour l’ensemble de la province, ce sont 11 865 étudiants étrangers qui ont fait une requête pour obtenir un statut de réfugié, à ce jour.

Selon Ottawa, un demandeur d’asile est une personne qui demande la protection du Canada parce qu'elle ne se sent pas en sécurité dans son pays pour diverses raisons comme une menace à sa vie ou un risque de torture.

"Le nombre de demandes d'asile ne reflète pas la qualité ou la rigueur de l'évaluation préalable d'un visa, d'un permis d'études ou d'un permis de travail. Au moment de la demande, tous les demandeurs de statut de résident temporaire doivent convaincre un agent qu'ils ont des liens suffisants avec leur pays d'origine, notamment en ce qui concerne leur situation familiale et économique, et qu'ils quitteront le Canada à l'expiration de leur statut", souligne la responsable des relations avec les médias d’IRCC, Isabelle Dubois.

"Certains résidents temporaires viennent au Canada en tant que véritables visiteurs, étudiants ou travailleurs et choisissent ensuite de demander l'asile en raison de l'évolution [prétendue] de la situation dans leur pays d'origine", précise-t-elle.

L’UQAC toujours au sommet du classement

L’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) remporte la palme dans la province avec 1145 ressortissants étudiants qui ont demandé l’asile depuis 2020. Elle est suivie de près par l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui compte 1005 demandes pour la même période.

Entre janvier et avril 2025, 190 personnes admises dans un des programmes de l’UQAC ont d’ailleurs demandé la protection du gouvernement canadien. Seul le campus Trois-Rivières du Collège Ellis a coiffé l’université saguenéenne à ce chapitre avec 215 demandes d’asile depuis le début de l’année.

La direction de l’UQAC assure qu’elle ignorait que la problématique continue de prendre de l’ampleur. L'établissement a refusé la demande d’entrevue de Radio-Canada.

"Il s’agit d’une situation préoccupante, mais pour laquelle nous n’avons malheureusement aucun contrôle", indique par écrit la porte-parole de l’université, Marie-France Audet.

"Nous ne sommes pas en mesure de connaître les intentions des étudiants internationaux au moment de leur admission. Nous les sélectionnons en fonction de leur dossier académique. C’est la première étape de leur démarche. Par la suite, chacun fait ses demandes de permis auprès des gouvernements, ce volet ne dépend pas de nous. Ceux qui entrent au Canada et qui prennent un autre chemin, nous n’avons aucun moyen de le savoir", ajoute-t-elle.

Appât du gain des établissements

L’université a été montrée du doigt récemment concernant son laxisme dans la sélection de la clientèle internationale. Des sources ont indiqué qu’il s’agit d’une "passoire" et que l’établissement qui accueille un très grand nombre d’étudiants étrangers a été aveuglé par l’appât du gain.

La population étudiante étrangère a quintuplé dans les 10 dernières années à l’UQAC. Actuellement, un étudiant sur trois provient de l’international.

Une enquête de Radio-Canada avait révélé en avril qu’un réseau d’organisations africaines malveillantes offrait de fausses lettres d’admission de l’université à de futurs étudiants africains ou permettait de demander l’asile sans même fréquenter l’établissement scolaire.

Long délai de traitement des demandes 

Depuis décembre 2012, 280 825 demandes d’asile déférées n’ont pas encore été réglées au Canada d’après la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada.

Selon l’avocat spécialiste en immigration Richard Kurland, qui s’intéresse depuis longtemps au commerce lucratif entourant les permis d’études, si quelqu’un dépose une demande d’asile aujourd’hui, il n’y a pas d’audience avant 2029 pour la traiter.

"À moins qu’Ottawa n’augmente les ressources pour accélérer le processus, c’est devenu une cible facile pour les abus", affirme l’avocat. [Une autre solution consisterait à refuser en bloc des demandes de prime abord fantaisistes provenant d'étudiants de pays où la situation n'a pas changé dramatiquement depuis la demande de visa étudiant.]

Selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, lorsqu’un demandeur d’asile est en attente d’une décision, il peut bénéficier de l’aide sociale, de l’éducation, des services de santé, de l’hébergement d’urgence et de l’aide juridique.

Richard Kurland croit que la solution est de diminuer le nombre de visas délivrés. Selon lui, Ottawa doit encore hausser le montant des ressources financières requises pour étudier au Canada.

Le gouvernement devrait "exiger la preuve que la personne possède suffisamment d’argent en banque pour couvrir toute la durée des études au Canada".

"Cela réduira le nombre total de permis d’études. De plus, comme les personnes [qui obtiennent le permis] seront riches, elles bénéficieront d’un niveau de vie extrêmement élevé dans leur pays d’origine, ce qui les incitera moins à demander le statut de réfugié", soutient-il.

Selon l’avocat spécialiste en immigration Richard Kurland, les demandes d'asile liées aux permis d'étude sont « une cible facile pour les abus ». 

Québec a déjà annoncé vouloir revoir ses exigences financières pour les étudiants étrangers.

L’avocat Richard Kurland croit qu’on doit apprendre des erreurs de nos voisins du sud.

"On a déjà vu ce rodéo. Aux États-Unis, il fallait attendre 30 ans pour obtenir une audience sur le statut de réfugié, et c’est ainsi que les Américains se sont retrouvés avec 11 millions de clandestins… et le président Trump."

Plus de 1200 demandeurs d’asile au Saguenay-Lac-Saint-Jean

L’UQAC n’est pas le seul établissement scolaire de sa région à voir ses étudiants étrangers se transformer en demandeurs d’asile.

Neuf autres écoles font partie des statistiques du ministère. Le pavillon Oasis du centre de formation professionnelle du Grand-Fjord cumule 25 requêtes de statut de réfugié depuis 2020.

Les cégeps de Jonquière et de Chicoutimi suivent de près avec respectivement 20 et 15 demandes d’asile.

Au total, les établissements du Saguenay–Lac-Saint-Jean ont cumulé un peu plus de 1200 demandes d’asile dans les cinq dernières années. Cela représente 10 % du nombre total des demandes d’immigrants temporaires arrivés au Québec avec un permis d’études.

Récemment, Radio-Canada a d'ailleurs révélé que, tout comme les universités, les cégeps ont pâti du recrutement d’étudiants africains par des agences malveillantes.


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