lundi 20 novembre 2023

Qui détruit la masculinité, récolte le masculinisme

Mathieu-Bock-Côté réagit à une série d’articles sur le masculinisme dans les écoles québécoises. (À quel point est-ce en partie le résultat d’un apport important de jeunes immigrés venus de pays latinos, arabes, africains ou même d’Europe orientale plus machos, plus virils, que le Québec ? Voir leur rôle dans la contestation contre la propagande LGBTQ2SAI+ dans les écoles, dans la vidéo vers 14 min 50 s)

La Presse a voulu lancer un signal d’alarme : le masculinisme serait en vogue dans les écoles québécoises. Plus encore, un influenceur peu recommandable, Andrew Tate, y aurait un grand succès auprès des adolescents.  

La Presse est perplexe : comment expliquer sa popularité ? Comment expliquer que de jeunes hommes trouvent en lui une source d’inspiration ?

Je le dis d’entrée de jeu, au cas où certains voudraient me faire un mauvais procès : je n’ai aucune sympathie, mais vraiment aucune sympathie, pour ce Andrew Tate, qui offre une version dégradée et caricaturale de la virilité, et qui, en plus de cela, se comporte comme un rustre, une brute et un parvenu — et cela, sans même mentionner ses problèmes avec la loi. Son discours de revalorisation de la masculinité traditionnelle s’accompagne d’un discours de dévalorisation des femmes qui est objectivement répugnant. Il laisse même croire que le premier est indissociable de la seconde, ce qui n’est pas la moindre des choses qu’on peut lui reprocher.

Garçon en jupe !

Mais une fois cela dit, il n’est pas très compliqué de comprendre pourquoi tant de jeunes hommes se tournent vers un semblable « modèle ». 

Ceux qui se contentent de se dire « déprimés » en lisant cela passent à côté de l’essentiel.

Il suffit de lire les trois articles de La Presse pour comprendre. 
 


Je cite le premier des trois articles. 

« Félix étudie dans une école privée de la Rive-Sud. Il a des parents progressistes. Une grande sœur féministe. Avant de découvrir Andrew Tate, il était un adolescent aux opinions modérées, le genre à porter une jupe à l’école pour dénoncer le sexisme ». 

Drapeau rouge ! La journaliste se rend-elle compte qu’elle assimile ici au registre des opinions « modérées » le fait de porter une jupe à l’école pour marquer son adhésion au féminisme idéologique ? Se rend-elle compte qu’elle normalise ici, et plus encore, qu’elle valorise, ce que des générations et des générations d’hommes et de femmes auraient assimilé à un comportement dégradant pour un homme, qui devient au mieux ici une bête de carnaval ? Se rend-elle compte qu’elle s’enthousiasme pour ceux qui ont voulu détruire la masculinité chez les garçons ? Se rend-elle compte que l’idéologie qu’elle professe est en bonne partie responsable de la détresse et de l’exaspération qui en poussent plusieurs vers Andrew Tate ?

La journaliste en dit davantage sur le parcours du jeune dénommé Félix.

« Sophie sourit encore en repensant à ces quatre mots, inscrits au feutre sur les cuisses frêles de son petit frère. C’était il y a trois ans. Un peu partout au Québec, des garçons se présentaient à l’école en jupe pour dénoncer les codes vestimentaires stricts imposés aux filles. Sophie n’a même pas eu besoin de convaincre son frère de se joindre à la cause. “Il a mis ma jupe. Il en a passé d’autres à ses amis. Il a même écrit ‘Mes cuisses te dérangent ?’ sur ses jambes”, raconte-t-elle. Assise en tailleur sur son lit, l’adolescente de 17 ans baisse la tête. […] Aujourd’hui, son petit frère — nous l’appellerons Félix — pense que la place de la femme est à la maison. Que son devoir est d’élever les enfants, de bien faire à manger. Que celui de l’homme est de pourvoir à sa famille, de la protéger. Que s’est-il passé en l’espace de 3 ans ? Deux mots : Andrew Tate ». 

Ce passage est lunaire, et pourtant, il n’a rien de surprenant. Il en dit beaucoup sur la morale dominante de nos sociétés, et sur son angle mort. 

Les garçons évoluent dans un environnement où, sous la pression du néoféminisme et de la théorie du genre, on cherche à déconstruire sans cesse leur identité et leur masculinité. On leur écrit même des slogans néoféministes sur les cuisses !

On veut déviriliser les garçons, on leur explique sans cesse que la masculinité est toxique, on célèbre les garçons qui affirment ne plus en être, et qui croient s’émanciper de leur anatomie et de leur vérité biologique en embrassant la non-binarité, on les pousse à adopter tous les symboles et les signes du féminin, et à assimiler à l’horreur la plus atroce ceux traditionnellement associés à la masculinité… et on se surprend vraiment qu’un jour, certains se révoltent, en se tournant vers les discours et les figures qui dénoncent ouvertement l’entreprise de déconstruction et de rééducation à laquelle on a voulu les soumettre ? 

Ce sont les mêmes, je devine, qui n’ont pas compris que c’est lorsque les partis conservateurs s’effondrent et tiennent un discours qui relève de la gauche pâle que les partis populistes émergent.

La nature n’est pas une fiction idéologique, et quand on la réprime, elle se révolte. Est-ce si difficile à comprendre ? 

La diabolisation du masculin et la célébration névrotique des hommes aux cheveux bleus qui portent du vernis à ongles fuchsia relèvent d’une opération de déstabilisation psychique des jeunes générations, transformées en générations cobayes d’une vision nouvelle de l’homme nouveau, censé s’affranchir tout à la fois de la nature et des traditions, pour devenir un individu à l’identité liquide, insaisissable, conforme aux exigences du gauchisme culturel et du capitalisme mondialisé. 

Autrement dit, si vous détruisez la masculinité et la virilité, vous aurez à terme le masculinisme, c’est-à-dire une revendication identitaire masculine terriblement dégradée. 

Quand les jeunes hommes se reconnaissent en Andrew Tate, ils entendent un discours plaidant pour une reconstruction décomplexée de leur masculinité, et qui prétend que la virilité n’est pas une pathologie. C’est ce qu’ils entendent et ce qui les allume au-delà des provocations et horreurs qui accompagnent ce discours. 

Si nous déconstruisons la masculinité construite, civilisée, nous retrouverons, au final, la masculinité primitive la plus dégradée, qui se confond souvent avec le culte de la force brute et une fascination morbide de la violence. Andrew Tate, pour y revenir, est l’enfant inattendu du néoféminisme et de la théorie du genre.

Il faudra, dans ce monde qui n’aime pas la masculinité et, surtout, qui trouve détestable l’homme occidental, reconstruire une masculinité forte et légitime. Il s’agit de renouer avec une tradition en la réinventant et en la conjuguant avec les exigences de l’égalité entre les sexes.

Il n’y a rien de dégradant pour un homme à vouloir protéger sa famille et en prendre soin, il n’y a rien de dégradant à vouloir s’accomplir dans des épreuves d’exception, il n’y a rien de dégradant pour un garçon à aimer les activités de « gars ». 

Et si la virilité avait ses droits ?

Il faudra reconstruire la figure de l’homme sûr de lui, responsable, courtois, élégant, sachant retenir ses larmes, et ne croyant pas que c’est en s’épanchant publiquement qu’il sera authentique. Il faudra reconstruire la figure du gentleman [homme du monde], comme le propose un Hugo Jacomet, dont les conseils dépassent les exigences de l’élégance masculine, et relèvent en fait d’un plaidoyer pour la reconstruction d’une masculinité civilisée. Ce n’est pas sans raison que ses vidéos ont un tel succès. 

L’homme qui refuse de se laisser déconstruire, et qui a peut-être entrepris de se reconstruire, peut être un sportif, un politique, un homme manuel, un intellectuel, un scientifique, un artiste ou bien d’autres choses : il ne vient pas dans un seul modèle. Il peut être urbain, de la banlieue ou des campagnes. J’ajoute que chaque pays a aussi élaboré au fil de l’histoire sa propre version de l’homme viril.

Mais une chose est certaine, cela présuppose de renouer avec une idée simple : l’homme n’est pas une femme, qui n’est pas un homme, et cette différence, qui n’est pas une pure construction sociale, est fondatrice pour toute civilisation. 

Écrivant cela, j’ai l’impression de rappeler une évidence absolue. Mais il s’agit d’une évidence perdue.

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