jeudi 31 janvier 2019

Les enfants québécois surmédicamentés, selon des pédiatres

Un groupe de 48 pédiatres et chercheurs lance une sérieuse mise en garde contre la forte croissance des diagnostics de trouble déficitaire d’attention/hyperactivité (TDAH) et la consommation de médicaments pour les traiter chez les enfants québécois.

Ils appellent à une remise en question collective des parents, enseignants, psychologues et médecins qui sont tous impliqués dans le processus décisionnel de médicamenter ou non un enfant qui présente des problèmes de comportement.

Dans leur lettre ouverte, les spécialistes de la santé déplorent que toute la société « se retourne trop facilement vers une pilule pour traiter tous les maux ».

Pour soutenir leur cri d’alarme, les spécialistes de la santé s’appuient notamment sur des données de l’Institut national d’excellence en santé et service sociaux (INESSS) qui démontrent que les taux de prévalence de la consommation de médicaments pour traiter un TDAH sont beaucoup plus élevés au Québec que dans le reste du Canada.

Chez les 10-12 ans, on compte 13,97 pour cent de jeunes qui consomment des médicaments psychostimulants au Québec. Un taux qui grimpe à 14,5 pour cent chez les 13-17 ans. Dans le reste du pays, les taux pour ces mêmes groupes d’âge sont d’à peine 5,08 pour cent et 4,3 pour cent respectivement.


Pour le pédiatre Dr Guy Falardeau, le danger de prescrire à tout vent est de vouloir corriger le comportement d’un enfant par la médication plutôt que de prendre le temps de chercher d’autres causes liées à la santé mentale, aux émotions de l’enfant ou à son environnement social.

« L’enfant a un problème de comportement, on aime mieux appeler ça un TDAH et lui donner des médicaments que de se demander pourquoi il agit comme ça », dénonce-t-il en soulignant que l’anxiété gagne beaucoup de terrain dans notre société, autant chez les adultes que chez les enfants.


« Le danger, c’est que dans certains cas on traite un TDAH réel, mais dans d’autres cas, on masque un problème de santé mentale », insiste celui qui traite de nombreux adolescents aux prises avec ces problèmes.

Le Dr Falardeau prévient qu’en masquant ces troubles anxieux ou autre par un psychostimulant, on ne fait que repousser le moment de l’explosion du problème. Et bien souvent, il devient beaucoup plus difficile d’agir quand la maladie mentale a eu le temps de progresser.



« Ce qu’on veut, c’est que les enfants soient évalués comme il faut. Ceux qui ont des problèmes affectifs, émotionnels, sociaux, il faut régler ces problèmes-là et non changer le comportement de l’enfant avec des médicaments », réclame le pédiatre établi à Québec.

« Pression scolaire »

Des parents consultés par La Presse canadienne ont tous soutenu que la médication des enfants est d’abord « une affaire d’école ».

Dès son entrée à l’école, le fils d’Éric ne tenait pas en place. Rapidement, les parents ont été mis au fait du problème et on leur a suggéré de penser à la médication.

« On ne nous mettait pas de pression, mais on sentait qu’il fallait qu’on fasse quelque chose », se souvient-il.

Après quelques consultations, le diagnostic de TDAH est tombé et le traitement a suivi. Sans cette solution, l’enfant n’aurait sans doute pas pu réintégrer pleinement l’école. Des parents dénoncent la pression exercée dans le réseau scolaire afin que leur enfant ait recours à la médication. Le Journal de Québec a reçu plusieurs témoignages de parents, à la suite de la publication d’une lettre ouverte signée par une cinquantaine de pédiatres qui déplorent le recours trop facile aux médicaments pour traiter des symptômes s’apparentant au trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) chez les petits Québécois.


Et après l’école ?

Toutefois, le médicament ne fait effet que pour la durée d’une journée d’école. Le soir et les fins de semaine, l’enfant ne prend pas de médication et fonctionne assez bien.

« C’est sûr qu’il faut s’adapter, mais il bouge, il fait du sport », explique le père qui remet plutôt en question le fait que les enfants ne dépensent pas assez d’énergie à l’école.




Même son de cloche du côté de Claudia, dont la fille a reçu un diagnostic de trouble de l’attention sans hyperactivité. Dans le cas de sa fille, une légère médication sous la dose minimale a suffi à améliorer sa concentration en classe et ses notes ont bondi.

La jeune mère s’étonne toutefois de la facilité à laquelle on peut avoir accès à la médication. Elle se désole aussi de voir le système scolaire brimer les enfants qui ont besoin de bouger.

« Ils sont 27 dans la classe de cinquième année de ma fille, dont un enfant qui est isolé face au mur », partage-t-elle en ajoutant qu’elle ne comprend pas comment on peut s’attendre à ce que les enfants apprennent dans ces conditions.

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