jeudi 31 janvier 2019

« Il ne peut pas y avoir d’un côté l’éducation familiale et de l’autre l’éducation scolaire »

Au Québec, le commentariat salarié qui officie dans les médias subventionnés dit souvent aux parents qui ne sont pas contents des matières obligatoires « offertes » (imposées) par le programme pédagogique gouvernemental, notamment en éthique et culture religieuse ou en éducation à la sexualité, « Vous n’avez qu’à enseigner vous-mêmes votre vision du monde, ce n’est pas à l’école de le faire ! » Cette vision n’est pas celle du directeur d’une école privée prestigieuse à Paris. François-Xavier Clément, directeur de Saint-Jean de Passy, plaide pour une éducation « unifiée » : il ne peut pas y avoir d’un côté l’éducation familiale et de l’autre l’éducation scolaire. On notera que, alors que les « élites » québécoises se félicitent de la laïcisation croissante de l’enseignement au Québec, il existe un engouement pour les écoles catholiques en France, il est vrai que c’est rarement pour des raisons uniquement religieuses. En 2016, le lycée Saint-Jean de Passy fut classé 7e de France par Le Figaro Étudiant à raison du nombre de mentions « Très bien » obtenues par ses élèves à l’examen du baccalauréat11. En 2017, 98 % des élèves du lycée obtiennent une mention au baccalauréat, selon ce critère Saint-Jean de Passy fut alors classé 6e meilleur lycée de France devant notamment Henri-IV ou Louis-le-Grand,

Comment expliquez-vous l’engouement de plus en plus fort pour les écoles catholiques en France ?

— Vous me permettrez de nuancer légèrement le présupposé de votre question ! Certes, les effectifs de l’enseignement catholique ont globalement augmenté depuis plusieurs décennies, mais un état des lieux plus précis permettrait de constater des disparités très contrastées selon les territoires. La progression des effectifs répond à deux logiques très différentes : des parents, nombreux, cherchent à fuir l’établissement public dans lequel leurs enfants devraient être affectés — selon les critères administratifs volontairement organisés pour développer une mixité sociale quand il n’y en a pas —, d’autres souhaitent réellement l’enseignement catholique pour des raisons éducatives. Certains, plus rares, choisissent nos établissements pour des motifs religieux. Le projet d’éducation intégrale est désiré par tous les parents qui souhaitent que les professeurs soient des éducateurs ; ils attendent alors que ceux-ci soient exigeants par leur exemplarité et qu’ils donnent un sens à la vie de leurs enfants.

Quelles sont les valeurs portées par votre établissement ? Comment ont-elles évolué depuis sa création en 1839 ?

— Saint-Jean de Passy a été fondé par les Frères lasalliens en 1839. Après l’expulsion des congrégations en 1905, l’établissement a été refondé par le diocèse sous l’impulsion du cardinal Verdier, archevêque de Paris. Dès l’origine, l’éducation a été basée sur une conception intégrale de la personne et sur l’idée que l’on ne peut pas éduquer la jeunesse en compartiments. Il n’y a pas une éducation familiale d’un côté et de l’autre une éducation scolaire, du scoutisme, du sport, etc. Tous ces moments de la vie d’un enfant ont besoin d’être unifiés. Ces orientations nous conduisent à affirmer que les parents sont les premiers éducateurs des enfants, au sens où ils sont le principe de l’éducation. L’autre conséquence importante, c’est le profil de nos éducateurs et l’accompagnement spécifique de nos professeurs.

C’est ainsi que les préfets, c’est-à-dire les responsables de niveau, partagent cette vision intégrale de l’éducation et les professeurs recherchent en permanence l’excellence personnelle de chaque élève. Ils sont ainsi le point d’unification de l’éducation intégrale. Je crois pouvoir dire que ces principes sont ceux que nous vivons actuellement dans le respect de notre devise : « Labor et dilectio » (« le travail et l’amour »).

Finalement, qu’est-ce qu’une éducation réussie ?

— C’est une éducation qui conduit un enfant à rechercher dans tous les domaines de sa vie ce qu’il y a de plus excellent, ce qu’il y a de meilleur pour lui, pour les autres et pour le monde. Une éducation réussie permet à un enfant de distinguer l’important de l’essentiel, et l’essentiel du sacré. D’une certaine manière, la réussite de l’éducation se mesure par l’espérance et le désir d’engagement que l’on donne à la jeunesse. Cela me rappelle la phrase de Baden Powell à chacun de ses scouts : « Fais-en sorte de laisser le monde un peu meilleur que tu ne l’as trouvé. »




Source : Valeurs actuelles

Aucun commentaire: