vendredi 14 février 2020

Québec — la fin de la lune de miel en éducation pour la CAQ ?

Texte paru dans Le Devoir le 12 février 2020

Ajoutons que pour ce carnet, le ministre Roberge ne se distingue pas des ministres de l’Éducation précédents : il concentre les pouvoirs de plus en plus à Québec. Il lance des réformes de structures centralisatrices, se lance dans un projet coûteux et inutile (lire ci-dessous le manque de personnel pour ses maternelles), réforme le cours ECR plutôt que de l’abolir et le remplacera par un autre cours idéologique, serre la vis aux parents qui instruisent leurs parents à la maison. Mais il ne fait rien pour relever le niveau de culture générale des écoliers, garantir une plus grande liberté pédagogique des écoles, ne met pas en place un système (chèque scolaire ou déduction fiscale) qui permettrait aux enfants de familles moins nanties de fréquenter une école privée de leur choix et ne fait rien dans le domaine de la défense du français dans l’enseignement.

« La semaine dernière était la Semaine des enseignantes et des enseignants. Il s’agit d’une période devant servir à valoriser celles et ceux qui travaillent à pied d’œuvre afin d’éduquer les enfants et les adultes québécois. Disons que la Coalition avenir Québec de François Legault et de Jean-François Roberge a une drôle de conception du terme “valoriser”.

Depuis des années, cette profession est en crise. C’est une longue traversée du désert qui a débuté sous le règne des libéraux. Quand on constate le piteux état des écoles, les conditions de travail qui s’alourdissent année après année et les salaires risibles quand on les compare à ceux des autres provinces canadiennes, on en arrive à ce qui se passe actuellement : un exode des enseignantes. Les jeunes ne choisissent pas cette profession et les plus âgées fuient avant d’avoir atteint l’âge de la retraite.

Lors de son passage dans l’opposition, Jean-François Roberge était inspirant. C’était bon de voir un confrère parler avec passion de notre profession. De plus, lors de la dernière campagne électorale, François Legault promettait de faire de l’éducation une priorité nationale. Se laissant berner par ces grands espoirs, plusieurs enseignantes ont voté pour eux. Force est de constater, après deux ans de règne, qu’il s’agissait d’un mirage.

Les gifles en plein visage se multiplient depuis leur arrivée au pouvoir. Dans la dernière année, par exemple, le dépôt patronal en vue du renouvellement de la convention collective démontrait très bien le mépris de Jean-François Roberge et de la CAQ envers les enseignantes. Plus d’heures de travail, plus d’élèves par classe à certains niveaux, la possibilité de nous imposer des mesures disciplinaires si les élèves ne réussissent pas, etc. Le tout en nous appauvrissant, car ils n’offrent même pas une augmentation salariale qui suit l’inflation. Les enseignantes québécoises sont déjà les moins bien payées au Canada, faut-il les appauvrir davantage ?

Rebondissements

Cette année, la Semaine des enseignantes et des enseignants a été marquée de plusieurs rebondissements. Tout d’abord, le ministre était fier d’annoncer 350 nouvelles classes de maternelle 4 ans. Sait-il que de nombreuses classes actuelles, faute de suppléantes, n’ont même pas d’enseignantes et que de nombreuses enseignantes à temps plein doivent utiliser leur temps de planification et de correction pour remplacer des collègues absents ou malades ? La pénurie actuelle représente déjà un surplus de travail pour l’ensemble des enseignantes et le ministre est fier d’annoncer qu’il y en aura davantage.

De plus, le ministre, dans un mégaprojet de loi de 312 articles, vient d’adopter sous bâillon, et sans adéquatement consulter les enseignantes, une loi qui va modifier leurs conditions de travail. Par exemple, 15 heures de formation seront obligatoires chaque année. Ce qui est encore plus insultant avec cette décision, c’est que le ministre utilise une loi sur l’abolition des élections scolaires pour modifier la tâche des enseignantes. Le ministre ignorait-il qu’une négociation pour le renouvellement de la convention collective est en cours et qu’une telle loi bafoue le processus légitime de négociation ?

Finalement, pour clore en beauté la Semaine des enseignantes et des enseignants, le Premier ministre a indiqué que la formation des enseignantes se ferait pendant leurs vingt jours de congé. Avec ses paroles, le Premier ministre vient d’illustrer avec éloquence son manque de compréhension de cette profession si importante pour les jeunes Québécois.

Rappelons au passage qu’il a été ministre de l’Éducation sous le Parti québécois. On peut se questionner sur ce qu’il en a retenu, car les vingt jours de “congé” sont dans les faits des journées pédagogiques qui servent à planifier des cours, à corriger des évaluations, à rencontrer la direction ou des parents, à remettre des bulletins et aussi [déjà] à se former.

Enfin, si le ministre Roberge, qui disait au début de l’année souhaiter faire de la lutte contre la pénurie d’enseignantes sa priorité, pense qu’il est sur la bonne voie, il est dans l’erreur. Pendant que les enseignantes traversent le désert, lui, il marche dans les nuages. »

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