jeudi 13 février 2020

Emmanuel Macron : « Votre problème, c’est que vous croyez qu’un père est forcément un mâle » (m-à-j)

 Le président français Macron avant déclaré à la fin janvier 2020 (voir le billet ci-dessous) : « Je comprends. Votre problème, c’est que vous croyez qu’un père est forcément un mâle. Tous les psychanalystes vous diront le contraire. »

Nous avions déjà mis en doute cette affirmation. Tous les psychanalystes ? Elle nous semblait très exagérée. Voici qu’un psychanalyste s’insurge contre les propos à l’emporte-pièce du président Macron.  Il s’agit de Christian Flavigny, pédopsychiatre et psychanalyste. Il est intéressant de noter que selon M. Flavigny l’idée exprimée par M. Macron n’est pas tant celle de tous les psychanalystes, mais d’un seul psychiatre pour adultes : Boris Cyrulnik.

Extraits de son article dans Valeurs actuelles de ce jeudi :

Oui, Monsieur le Président, le père est « forcément » un homme.

Usurper le sens des mots pour défendre une loi qui viole les besoins fondamentaux de l’enfant est plus qu’une faute, c’est une forfaiture.

Valeurs actuelles a rapporté sur son site Internet que vous contestez, Monsieur le président, que « le père soit forcément un mâle », vous appuyant sur les propos réducteurs du psychiatre pour adultes Boris Cyrulnik ; permettez-moi de vous expliquer votre erreur, qui porte sur le sens des mots. Le père est nécessairement un homme et, de plus, un homme qui a été un garçon dans son enfance. Cette condition d’« être un homme » n’est pas suffisante, mais elle est nécessaire ; toute personne qui se prétendrait être « le père » sans répondre à ces critères le serait à faux, dès lors que l’approche s’accorde à privilégier le regard de l’enfant sur ce qu’est pour lui « un père », ce qui est essentiel.

La fonction de père, au sens humain du terme, est de transmettre à ses enfants le principe de la paternité. Ce principe ne peut être résumé à un rôle social, celui de partager sa vie avec la mère (ainsi le beau-père, s’il peut jouer un rôle éducatif auprès de l’enfant, n’est pas son père), ni au rôle biologique (le père peut être le géniteur, mais le géniteur ne fait pas le père ; en témoigne l’adoption), ni au fait de porter sur sa carte d’identité l’identification au sexe masculin (une personne née fille, mais ayant obtenu un changement de sexe ne peut être père au sens psychique, même si elle peut jouer pour un enfant le rôle de tuteur).

Être le père, au regard de l’enfant, comporte deux conditions. La première : avoir partagé avec la mère le pouvoir procréateur, qui résulte du don d’incomplétude fait d’un sexe à l’autre, don qui porte la venue de l’enfant et que celui-ci aspire à incarner ; autrement dit, être celui qui avec la mère a fondé pour l’enfant son originaire. La deuxième : transmettre à son enfant d’avoir été le fils de son propre père, déléguant à son enfant le temps de l’enfance, affrontement à la finitude personnelle ; cette transmission est essentielle, car elle instaure le principe de régulation du lien parent-enfant, ce que l’on appelle les interdits familiaux de l’inceste et du meurtre.

[...]

L’actuelle loi est donc fallacieuse, car elle est sans signification accessible pour une psyché d’enfant ; pour lui, il n’y a « sa mère » que s’il y a « son père » : les places symboliques s’interdéfinissent mutuellement. Les considérations sociales (absence fréquente des pères, femmes élevant seules les enfants, etc.) sont certainement à prendre en considération et à accompagner ; le faire en usurpant le sens des mots est une insigne violence à l’égard de l’enfance et de ses besoins fondamentaux, c’est une tromperie à l’égard des générations à venir. Déconstruisant les fondamentaux, préparant une société déstabilisée, la loi de bioéthique n’est pas progressiste, mais profondément délétère.

Christian Flavigny est pédopsychiatre, psychanalyste, membre du groupe de travail « famille » de l’Institut Thomas-More et auteur du « Débat confisqué, PMA, GPA, bioéthique, “genre : # MeToo... “(Salvator).





Billet originel du 29 janvier

Invitée à l’Élysée pour fêter les trente ans de la ratification de la Convention des droits de l’enfant, la présidente des Associations familiales catholiques (AFC) a pu discuter avec Emmanuel Macron de la ‘PMA pour toutes’. Une discussion surréaliste.


Emmanuel Macron avec Pascale de la Morinière, présidente des associations familiales catholiques. Pour le président de la République française, le rôle du papa n’est pas forcément assumé par un homme.


L’Élysée était plein d’enfants venus à l’invitation du couple présidentiel. À 17 heures, dimanche dernier, de nombreux acteurs de la protection de l’enfance étaient rassemblés pour fêter les 30 ans de la ratification de la Convention internationale des droits de l’enfant. Aucun discours, mais de longs échanges d’Emmanuel Macron avec ces jeunes. Avant que le chef de l’État convie les seuls présidents d’associations à un cocktail plus restreint. Parmi eux, Pascale Morinière, présidente des Associations familiales catholiques (AFC), qui avait décidé de ‘tenter sa chance’ en recevant le carton, trois jours plus tôt.

Il est absurde de fêter la ratification de la convention sur les droits de l’enfant tout en acceptant la PMA sans père !

Tenter sa chance ? C’est-à-dire parler au chef de l’État de son opposition au projet de loi de bioéthique actuellement discuté par le Sénat, en appuyant son propos sur… la convention des droits de l’enfant justement ! ‘Nous avons souvent brandi l’article 7 de cette convention qui stipule qu’un enfant a le droit, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux, confie-t-elle aujourd’hui. Il est absurde de fêter la ratification de cette convention tout en acceptant la PMA sans père’.

Concrètement, Pascale Morinière a commencé par discuter avec Brigitte Macron qui a botté en touche, faisant probablement attention à rester en dehors des discussions politiques en cours. Mais c’est ensuite Emmanuel Macron lui-même que la présidente des AFC a croisé. Ça tombait bien, elle avait apporté un livre pour lui, dans lequel elle avait glissé une lettre dont elle a pu exposer le contenu de vive voix au président de la République : sa demande de retrait du projet de loi de bioéthique, au nom du droit de l’enfant.

Un livre ‘non militant, exposant simplement la beauté de la paternité’, précise-t-elle. Ses références ? Paternité, rédigé par Fabrice Hadjadj, illustré par François-Xavier de Boissoudy, et éditée par De Corvelour. Après l’avoir feuilleté, Emmanuel Macron a demandé à ce qu’on le mette sur son bureau. S’en est suivi une conversation étonnante, en présence du secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance Aurélien Taquet et du sénateur LREM Martin Lévrier, qui a récemment voté contre la PMA.

Votre problème, c’est que vous croyez qu’un père est forcément un mâle.

Pascale Morinière a tenu à la rendre publique. Lorsque cette dernière explique qu’il est incohérent de célébrer les 30 ans de cette convention tout en défendant la ‘PMA sans père’, le président de la République répond que la paternité se divise en deux fonctions : l’une génétique et l’autre symbolique. Pour la partie génétique, poursuit-il, les enfants auront la possibilité de connaître leur géniteur. ‘Nous veillerons à ce que ça revienne à l’Assemblée’, a même précisé le Président, faisant référence à la restriction, par le Sénat, de l’accès aux origines pour les enfants nés de PMA. Et pour la partie symbolique ? ‘Il n’y a pas de problème’, enchaîne-t-il.

Pascale Morinière insiste, et le Président répond alors : ‘Je comprends. Votre problème, c’est que vous croyez qu’un père est forcément un mâle. Tous les psychanalystes vous diront le contraire.’ [Tous ?] Des mots que l’intéressée jure gravés dans sa mémoire. Présent lors de l’échange auquel il n’a pas participé, le sénateur LREM Martin Lévrier, contacté par Valeurs actuelles, n’a pas souhaité faire de commentaire. Jusqu’à présent, la ministre Agnès Buzyn avait été la seule à déclarer de façon assez stupéfiante qu’un père pouvait être une grand-mère. Elle a désormais l’appui du chef de l’État.

Dans les quelques secondes qui lui restaient, la présidente des AFC a abordé la question financière, précisant que tous les pays qui avaient élargi l’accès à la PMA avaient été obligés d’acheter du sperme ou de rétribuer les donneurs. Emmanuel Macron lui a assuré que cette question serait sécurisée dans le texte de loi. La présidente des AFC a insisté, s’étonnant que le Président accepte alors de créer des frustrations. Emmanuel Macron s’est alors fendu d’une réponse ironique : ‘les lois ne sont pas là pour répondre à tous les désirs’. Exactement l’argument qu’invoquent les opposants au projet de loi de bioéthique, donc.

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