lundi 25 janvier 2016

Québec — L'école « intégrée » et plus « inclusive » serait un cauchemard au quotidien pour certains enseignants

Selon le Journal de Québec, la proportion d’élèves en difficulté intégrés dans les classes ordinaires n’a jamais été aussi élevée dans les écoles du Québec, a appris Le Journal. En classe, enseigner devient « un cauchemar au quotidien » pour certains profs.

Selon des données provenant du ministère de l’Éducation, 61 % de ces élèves étaient en classe régulière en 2003-2004, plutôt que dans une classe spéciale, alors que dix ans plus tard, ce chiffre grimpe à 69 %.

L’augmentation est particulièrement marquée au secondaire, où la proportion d’élèves intégrés est passée de 42 % à 57 % en dix ans. Mais il reste que c’est au primaire où ils sont le plus présents en classe ordinaire.

La diminution graduelle des classes spéciales a commencé au Québec en 1999, par l’adoption d’une politique de l’adaptation scolaire qui prône l’intégration des élèves handicapés ou en difficulté dans les classes ordinaires, pour une école plus inclusive.

Au fil des ans, les syndicats d’enseignants ont toutefois dénoncé à maintes reprises le manque de services pour ces élèves, ce qui a mené à de « l’intégration sauvage » au détriment des enfants intégrés et des autres élèves de la classe, affirment-ils.

« Cauchemar quotidien »

Quinze ans plus tard, rien n’est réglé. « C’est un cauchemar au quotidien », affirme Chantal Arsenault, qui enseigne au primaire depuis 28 ans. « Il y a une pression incroyable sur le dos des enseignants qui doivent trouver des formules magiques afin que tous réussissent sans ressources, avec une aide minimale ou inexistante » affirme celle qui a récemment écrit au premier ministre Philippe Couillard, pour dénoncer la situation. Mais même en classe spéciale, des enseignants se sentent parfois tout aussi démunis.

Les autres élèves de la classe écopent, ajoute Mme Arsenault. « On ne les stimule pas assez. J’ai honte de dire qu’ils ne reçoivent pas tout le contenu qu’ils sont en droit de recevoir », lance-t-elle.

De son côté, la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) réclame davantage de ressources et l’ouverture de nouvelles classes spécialisées. Récemment, les compressions ont plutôt poussé certaines commissions scolaires à en fermer. La difficulté d’obtenir une place dans une classe spéciale a même poussé des parents d’un enfant autiste à poursuivre une commission scolaire de Québec, parce que leur fils n’a pas reçu les services appropriés, allèguent-ils. Une autre poursuite du même genre sera déposée sous peu par d’autres parents de Lévis.

Pour Égide Royer, spécialiste en adaptation scolaire, « Si cette augmentation avait été accompagnée d’une augmentation du taux de réussite, ç’aurait été une bonne nouvelle. Est-ce que ce sont vraiment les éducateurs qui se sont dit que le meilleur endroit pour le jeune est la classe ordinaire ou si les compressions budgétaires ont joué en cours de route ? »

Il y a quelques semaines, des policiers ont dû se rendre dans une école primaire pour maîtriser un enfant autiste de six ans en crise. Alors que la directrice tentait de le maîtriser, l’élève lui a « fracassé la tête dans un casier », raconte l’enseignante Chantal Arsenault. Une autre employée qui a voulu intervenir s’est fait arracher des cheveux, « lui laissant une plaque grosse comme un 2 $ sur la tête ». Une partie de l’étage de l’école a dû être évacuée jusqu’à ce que l’élève soit maîtrisé. L’enfant a été suspendu pendant une semaine. Il est revenu à l’école quelques jours plus tard.

Depuis quatre ans, le taux de prévalence de l’autisme a doublé, ajoute Mme Plourde, directrice générale d’Autisme Québec. Cette augmentation subite pose toutefois de nombreuses questions. Voir Troubles de l’attention : une pilule qui passe mal (m-à-j) et Nombre d’élèves en difficulté a près de doublé en 10 ans, coût : 2,3 milliards par an.

Coups de poing et menaces de mort dans une classe spéciale

Coup de poing dans le ventre. Coup de crâne en plein visage. Mena­ces de mort. Le passage de Stéphanie Kerouac comme enseignante dans une classe spécialisée n’a vraiment pas été de tout repos.

Devant elle, six à huit élèves autistes ou avec un trouble psychopathologique. La violence est fréquente. Un élève a déjà « pris en otage » la technicienne en éducation spécialisée qui l’accompagnait dans un local, en débranchant le téléphone et en se plantant devant la porte avec une paire de ciseaux et le téléphone en main pour qu’elle n’appelle pas à l’aide.

Après avoir reçu des menaces de mort, Stéphanie a terminé l’année avec un garde du corps qui s’est fait passer pour un stagiaire.

« Le jeune me disait qu’il allait me planter son crayon dans ma veine jugulaire et que j’allais mourir au bout de mon sang. Je ne comprenais pas pourquoi nous n’avions pas plus d’aide. Une technicienne en éducation spécialisée et un prof pour tout ce beau monde, ça ne suffit pas », lance Stéphanie.

Un autre élève avait l’habitude de se « désorganiser », comme on dit dans le jargon scolaire. Il tentait de se faire vomir en classe, criait qu’il voulait mourir, lançait des objets, se cognait la tête contre les murs... « L’enfer ! raconte l’enseignante. Il faisait peur aux petits nouveaux qui, à leur tour, se désorganisaient. J’avais une classe pop-corn. J’ai fini par crasher [sic]. »

L’enseignante est actuellement en congé de maladie. Elle raconte avoir été « sidérée et éberluée » de constater le manque de ressources pour ces enfants « meurtris de l’intérieur », même en classes spécialisées. « On n’est pas mieux équipé de l’autre côté », lance-t-elle.


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