mardi 18 novembre 2025

France — 59 % des jeunes musulmans souhaitent l'application de la charia, selon un sondage

Contexte : en France, 30 % des musulmans auraient entre 15 et 24 ans alors que 3 % auraient plus de 65 ans. (IFOP)

 Les jeunes musulmans de plus en plus rigoristes en France.

Selon un sondage IFOP, 57 % des musulmans âgés de 15 à 24 ans pensent que les lois françaises passent après les règles de l’islam. Et 42 % éprouvent de la sympathie pour une mouvance islamiste. 

Non-mixité, port du voile, fréquentation assidue de la mosquée, respect strict du ramadan, préférence marquée pour la charia plutôt que pour les lois de la République… Un sondage de l’IFOP pour la revue Écran de veille tend à démontrer que la pratique d’un islam rigoriste et la bienveillance pour certaines de ses mouvances radicales gagnent du terrain auprès de la jeune génération musulmane. Ainsi, 42 % des moins de 25 ans éprouvent de la sympathie pour l’islamisme, alors que 33 % de l’ensemble des musulmans voient les radicaux d’un bon œil. « Cette enquête dessine très nettement le portrait d’une population musulmane traversée par un processus de réislamisation, structurée autour de normes rigoristes et tentée de plus en plus par un projet politique islamiste », analyse François Kraus, directeur du pôle politique et actualité de l’IFOP.

« De plus en plus radicalisés, les jeunes musulmans constituent un vivier électoral pour La France insoumise autour de normes religieuses rigoristes et tentés de plus en plus par un projet politique islamiste », selon François Kraus.

L’art du sondage en matière religieuse est délicat. Les croyants ne livrent pas forcément aux sondeurs ce qu’ils ont de plus intime. Mais les résultats sont parfois sans appel. Ainsi du sondage de l’IFOP pour la revue Écran de veille, publié ce mardi 18 novembre, qui tend à démontrer que la pratique stricte de l’islam et la sympathie pour sa forme radicale ont gagné près de la moitié de la jeune génération musulmane depuis 1989.

François Kraus, directeur du pôle politique et actualité de cet institut de sondage, insiste sur le comportement notable « des plus jeunes musulmans », pour qui cette « forte réaffirmation identitaire » s’exprime en trois points : « L’intensification des pratiques cultuelles, la rigidification des rapports de genre, l’adhésion croissante aux thèses islamistes. »

Quelques chiffres significatifs appuient son propos : en 36 ans, la fréquentation de la mosquée par les moins de 25 ans est passée de 7 % à 40 %. Dans cette classe d’âge, le respect strict du ramadan a bondi, grimpant de 51 % à 83 %. Quant au port du voile, il a progressé de 16 % à 45 % chez les filles de cette génération, soit trois fois plus qu’en 2003, une année de fortes polémiques sur le sujet.

Les Frères musulmans recueillent le plus de soutien


L’étude constate non seulement cette progression des règles religieuses chez les jeunes musulmans, mais elle observe aussi chez eux la diffusion d’une culture de la radicalité : 42 % éprouvent de la sympathie pour l’islamisme quand 33 % de l’ensemble des musulmans voient les radicaux d’un bon œil. En 1998, la proportion de cette bienveillance pour les intégristes était de 19 %, tous âges confondus.

Autre marqueur observé ces dernières années via des faits de société à répétition, le rejet de la mixité. 45 % des hommes de moins de 35 ans et 57 % des femmes du même âge refusent au moins une forme de contact, comme celui de serrer la main, de se faire soigner par une personne de l’autre sexe, de fréquenter une piscine mixte. Un jeune musulman de moins de 25 ans sur deux (47 %) refuserait par exemple de faire la bise à une personne de l’autre sexe.

Cette tendance au rigorisme touche également le respect des lois françaises : 57 % des 15-24 ans interrogés pensent que les lois de la République passent après les règles de l’islam, la législation française étant « moins importante » que la charia. Alors que 49 % des musulmans, tous âges confondus, choisiraient le respect des lois françaises (contre 62 % en 1995). Une évolution encore plus visible dans le champ scientifique. Si 65 % des musulmans pensent que la religion surpasse la science sur la question de la création du monde (19 % en moyenne chez l’ensemble des Français), ils sont 82 % de jeunes à le penser.

Autre élément notable de ce nouveau sondage, l’analyse détaillée de l’attirance des musulmans pour les différentes sensibilités de l’islamisme. L’enquête retient six mouvements, mais ce sont les Frères musulmans qui recueillent le plus de soutien, avec un quart chez les musulmans dans leur ensemble et un tiers chez les moins de 25 ans. En France, ce mouvement — fondé en Égypte en 1928, notamment en réaction à « l’emprise laïque occidentale » — a longtemps été incarné par l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), débaptisée en 2017 pour s’appeler Musulmans de France. Cette mouvance est fortement investie dans la formation des imams et la création de collèges et de lycées. Elle prône un islam très orthodoxe, et sait s’insérer dans les sociétés occidentales en respectant ses lois tout en ne faisant aucun compromis sur la religion. Un mouvement qui a ardemment défendu le voile lorsque les débats sur son port faisaient rage.

Le capital « sympathie » pour les autres mouvances rigoristes s’exprime ainsi : le salafisme (9 %), qui revendique une approche intégriste, le wahhabisme (8 %), incarné par l’Arabie saoudite, le tabligh (8 %), très rigoriste, d’origine indienne, le takfir (8 %), qui considère tout non-musulman comme un apostat à cibler, le djihadisme (3 %), qui légitime la violence armée pour gagner le pouvoir. Ce dernier recueille 52 % d’opinion hostile de la part des musulmans (24 % sont indifférents, 13 % disent ne pas le connaître et 8 % ne se prononcent pas). Le salafisme est rejeté à 28 % et les Frères musulmans à 24 %.

Globalement, 38 % des musulmans partagent tout ou partie de ces mouvances islamistes, ils n’étaient que 19 % à les soutenir en 1998. Quant aux jeunes de moins de 25 ans, c’est l’un des chocs de l’étude : ils sont 42 % à ressentir de la bienveillance pour les islamistes, alors qu’ils étaient 29 % en 1998. Même chose chez les 25-34 ans, qui passent de 22 % en 1998 à 43 % en 2025, selon l’IFOP.

Dans son commentaire, l’institut de sondage juge « préoccupante » cette « progression de l’adhésion aux thèses islamistes », parce qu’elle est « loin des discours convenus sur une sécularisation qui serait à l’œuvre chez les musulmans français » et que le résultat de l’enquête « dépasse même les estimations les plus pessimistes ».

Le port du voile nettement plus bas chez les plus de 50 ans 

La fascination de cette jeunesse pour le radicalisme confirme au passage son désintérêt pour les grandes fédérations musulmanes qui représentent officiellement l’islam de France et qui tentent de combattre, de l’intérieur, ces tendances intégristes.

En s’appuyant sur ce panorama, François Kraus émet cette hypothèse pour le futur : « Loin de s’atténuer avec le temps, le processus de réislamisation et de radicalisation va au contraire s’amplifier au fil du renouvellement des générations. » Il pourrait d’ailleurs être irréversible : « L’enquête suggère que, à ce stade, rien ne semble enrayer ce processus. Au contraire, tous les indicateurs convergent vers un renforcement de ces tendances dans les années à venir. »

D’autant que seulement 12 % des musulmans âgés de 15 à 24 ans souhaitent, en 2025, que « l’islam se modernise ». Cette question de l’adaptation de l’islam, posée à cette même tranche d’âge en 1998, recueillait pourtant l’assentiment de 41 % des jeunes. Cette proportion favorable à une réforme a donc été presque divisée par quatre. Et par deux pour l’ensemble des musulmans : 48 % souhaitaient une réforme en 1998, ils ne sont plus que 21 % aujourd’hui.

Cette analyse sans appel est toutefois pondérée par deux observations mises en évidence dans l’étude.

D’une part, cette exigence religieuse des jeunes générations est aussi constatée depuis une dizaine d’années dans toutes les religions, même si c’est dans l’islam qu’elle se montre la plus spectaculaire. Aussi l’Église catholique de France s’est-elle étonnée au printemps dernier de constater une résurgence de la pratique ascétique du carême chez les jeunes. Beaucoup reconnaissaient d’ailleurs avoir été comme « provoqués » dans leur foi chrétienne par la religiosité de leurs confrères musulmans, notamment dans le milieu scolaire. Mais, à ce propos, l’IFOP observe que « la religiosité » est « largement supérieure chez les musulmans que dans les autres religions »  : 80 % se déclarent religieux, contre 48 % en moyenne dans les autres religions. 67 % des musulmans âgés de moins de 25 ans « reconnaissent prier au moins une fois par jour » en 2025, ils n’étaient que 26 % en 1989. Là aussi, l’augmentation est spectaculaire.

Ce même sondage démontre que, en France, les vieux fidèles musulmans sont moins religieux que leurs cadets. Ainsi du port du voile, qui serait en chute chez les musulmanes de plus de 50 ans. Si 31 % des femmes se voilent en 2025, elles étaient 19 % en 2003. En revanche, les femmes de 50 ans et plus, elles, ne seraient plus que 16 % à porter le voile aujourd’hui. Un phénomène similaire se produit pour la fréquentation — essentiellement masculine — de la mosquée : 40 % des jeunes musulmans la fréquentent, contre moins d’un quart des 50 ans et plus (24 %).

Le sondage n’explique toutefois pas les causes de cette baisse de la religiosité après 50 ans, si elle correspond à cette génération plus marquée par l’influence de la sécularisation occidentale ou si c’est l’âge qui entame la vigueur religieuse.

Sur ces différences, François Kraus conclut : « Ce qui frappe dans ces résultats, c’est surtout la constance du gradient générationnel : sur presque tous les indicateurs (religiosité, pratiques cultuelles, voile, refus de la mixité, rejet de la science, primauté de la loi religieuse, adhésion à l’islamisme), les jeunes musulmans se montrent systématiquement plus rigoristes et plus radicaux que leurs aînés. »

La société française perçue comme hostile

Un point de bascule historique, qui se lit sur plusieurs statistiques, se situe entre les années 2016 et 2019. Ainsi de la fréquentation de la mosquée chez les 15-25 ans : elle était de 51 % en 1989, progresse à 74 % en 2001, se maintient en plateau jusqu’à 2019, puis baisse à 64 % avant de bondir à 84 % en 2025. Idem pour le port du voile chez les filles de moins de 25 ans : il est de 16 % en 2003, double en 2016 et passe à 45 % en 2025. On retrouve le même phénomène, autour de 2016, avec la prière personnelle. Jusqu’en 2007, 40 % des musulmans prient au moins une fois individuellement chaque jour. Ils passent à 60 % en 2016.

De même, après avoir été stable sur plusieurs années, c’est à partir de 2016 que la pratique du jeûne chez les 15-25 ans, pour le ramadan, décolle, passant de 70 % à 82 %. Quant à la consommation d’alcool, elle est passée d’environ 30 % pour les moins de 25 ans, en 2011, à 12 % en 2025. L’arrivée d’une forte classe d’âge à l’adolescence à cette période pourrait expliquer ces regains de religiosité, mais la séquence 2016-2019 correspond aussi à l’épopée Daech, qui a eu beaucoup d’impact en France.

L’IFOP assure enfin que 7 % des Français interrogés se déclarent musulmans quand 43 % se disent catholiques, 37,5 % sans religion, 4 % protestants ou évangéliques, 1 % juifs, 1 % orthodoxes, 1 % bouddhistes. Les musulmans composaient moins de 1 % de la population française il y a 40 ans, en 1985, alors que 83 % des Français se déclaraient catholiques. 

Note : ce sondage a été réalisé du 8 août au 2 septembre sur un échantillon de 1 005 personnes de religion musulmane (extrait d’un échantillon national représentatif de 14 244 personnes âgées de 15 ans et plus résidant en France métropolitaine). 


Source : Le Figaro

1 commentaire:

Raoul a dit…

Quasiment tous ces jeunes musulmans ont été formés, éduqués par l'école laïque de la République française. Comme quoi le tribalisme, le désir de vengeance, le sentiment de supériorité sur les décadents Gaulois prévaut.