mercredi 11 août 2021

Arguments contre l'imposition des masques aux enfants

Lettre ouverte des docteurs Marty Makary et H. Cody Meissner parue le 8 août 2021 dans le Wall Street Journal. Le Dr Makary est professeur à la Johns Hopkins School of Medicine, rédacteur en chef de Medpage Today et auteur de « The Price We Pay ». Le Dr Meissner est chef des maladies infectieuses pédiatriques au Tufts Children’s Hospital et a siégé au comité consultatif externe de la Food and Drug Administration pour les vaccins Covid-19.

Les masques réduisent-ils la transmission du Covid chez les enfants ? Croyez-le ou non, nous n’avons pu trouver qu’une seule étude rétrospective sur la question, et ses résultats n’ont pas été concluants. Pourtant, il y a deux semaines, les Centres pour le Contrôle et la Prévention des maladies (CDC) ont décrété de manière draconienne que 56 millions d’enfants et d’adolescents américains, vaccinés ou non, devraient se couvrir le visage, quelle que soit la prévalence de l’infection dans leur communauté. Les autorités de nombreux endroits ont pris le parti d’imposer de telles obligations dans les écoles et ailleurs, sur la base de la théorie selon laquelle les masques ne peuvent faire aucun mal.

Ce n’est pas vrai. Certains enfants supportent bien un masque, mais ce n’est pas vrai pour d’autres. Ceux qui souffrent de myopie peuvent avoir des difficultés à voir, car le masque embue leurs lunettes. (Cela a longtemps été un problème pour les étudiants en médecine dans la salle d’opération.) Les masques peuvent causer de l’acné grave et d’autres problèmes de peau. L’inconfort d’un masque distrait certains enfants de l’apprentissage. En augmentant la résistance des voies respiratoires pendant l’expiration, les masques peuvent entraîner une augmentation des niveaux de dioxyde de carbone dans le sang. Et les masques peuvent être des vecteurs d’agents pathogènes s’ils deviennent humides ou s’ils sont utilisés trop longtemps.

En mars, le ministère irlandais de la Santé a annoncé qu’il n’exigerait pas de masques dans les écoles, car ils « pourraient exacerber l’anxiété ou les difficultés respiratoires de certains élèves ». Certains enfants compensent ces difficultés en respirant par la bouche. La respiration buccale chronique et prolongée peut altérer le développement du visage. Il est bien documenté que les enfants qui respirent par la bouche -- en raison de végétations adénoïdes qui bloquent leurs voies respiratoires nasales -- peuvent développer une déformation de la bouche et un visage allongé.

Les dommages psychologiques possibles du port du masque généralisé sont encore plus préoccupants. Les expressions faciales font partie intégrante de la communication humaine, en particulier pour les jeunes enfants, qui commencent à signaler la peur, la confusion et le bonheur. Couvrir le visage d’un enfant met en sourdine ces formes de communication non verbales et peut entraîner des interactions robotiques et sans émotion, de l’anxiété et de la dépression. Voir les gens parler est un élément constitutif du développement phonétique. Il est particulièrement important pour les enfants atteints de handicaps tels que les troubles auditifs.

Les effets néfastes sur le développement de l’obligation de porter des masques pendant quelques semaines sont probablement mineurs. Mais nous ne pouvons pas affirmer la même chose lorsque cette pratique s’étend sur des mois ou des années.

Qu’en est-il des risques liés à la Covid que cette obligation de port de masque est censée atténuer ? Le CDC rapporte que pour la semaine du 31 juillet, le taux d’hospitalisation avec Covid pour les enfants de 5 à 17 ans était de 0,5 pour 100 000, ce qui représenterait environ 250 patients. Le CDC reconnaît que tous ces enfants n’étaient pas à l’hôpital à cause de la Covid : les tests viraux à l’admission sont systématiques, même pour les patients qui ne présentent aucun symptôme de la Covid. Les enfants qui développent des symptômes de Covid courent un risque minime de « long Covid », selon une étude du Lancet publiée le 3 août : « Presque tous les enfants ont eu une résolution des symptômes en 8 semaines, ce qui rassure sur les résultats à long terme. »

On sait que les enfants transmettent la Covid, mais beaucoup moins souvent que les adultes. Une étude menée en Caroline du Nord avant que les vaccins ne soient disponibles n’a trouvé aucun cas de transmission d’élève à enseignant lorsque 90 000 élèves étaient à l’école. La variante Delta à propagation plus rapide est apparue depuis, mais de nombreux enseignants, parents et enfants de 12 ans et plus ont également été vaccinés [ou immunisés parce qu’ils ont attrapé le virus entretemps].

Les décrets sur les masques du CDC sont de façon perverse permissifs et inutilement stricts. Les masques en tissu ne sont pas aussi efficaces que les respirateurs N95, mais les directives du CDC ignorent la distinction. « Beaucoup de masques en tissu que les gens portent ne réduisent pas de manière très efficace l’inhalation ou l’exhalation du virus », a déclaré à CNN l’épidémiologiste Michael Osterholm, qui a fait partie du groupe de travail Covid de l’équipe de transition de Biden, la semaine dernière. En juillet, après avoir été attaqué pour des commentaires similaires, M. Osterholm a écrit une clarification de 5 000 mots cherchant à dissiper « l’idée selon laquelle je suis “anti-masque” ».

Nous encourageons les Américains à porter des masques depuis le début de la pandémie. Mais une attention particulière doit être accordée aux nombreux enfants qui ont des difficultés à porter un masque. Les responsables de la santé publique prétendent fonder leurs décisions et leurs conseils sur la science, mais il n’y a pas de science derrière les décrets imposant le port de masques pour les enfants. Une nouvelle étude de recherche menée par l’un d’entre nous (le Dr Makary) et ses collègues de Johns Hopkins a révélé que sur les 42 milliards de dollars que les National Institutes of Health ont dépensés pour la recherche l’année dernière, moins de 2 % sont allés à la recherche clinique de la Covid et pas une seule subvention n’a été consacrée à l’étude des masques chez les enfants.

En l’absence de données, l’obligation du port de masques a déclenché une guerre culturelle. Pourtant, si les masques réduisent la transmission asymptomatique chez les enfants, il ne s’agit probablement pas d’une des quatre premières stratégies d’atténuation de la transmission que les écoles peuvent adopter, après la ventilation, la distanciation et la division des élèves en petits groupes appelés cellules. La vaccination obligatoire de tous les enseignants et autres adultes dépourvus d’immunité naturelle — à laquelle les syndicats d’enseignants se sont vigoureusement opposés — serait également utile.

Tout enfant qui souhaite porter un masque doit être libre de le faire. Mais les forcer à faire des sacrifices personnels, de santé et de développement pour le bien des adultes qui refusent de se faire vacciner est abusif. Avant d’ordonner le port obligatoire du masque à 56 millions d’Américains qui sont trop jeunes pour voter et n’ont pas de lobby, voyons les données qui démontrent les avantages de cette mesure et pesons-les contre les dommages à long terme.

Voir aussi 

Alliance des professeurs de Montréal a fait pression pour l’imposition du port du masque à l’école

Covid-19 — La Suède est-elle un contre-exemple ? (les enfants n’ont jamais été obligé de porter un masque)

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