jeudi 13 mai 2021

Covid — New York Times affirme que le CDC a grandement exagéré le risque de contamination à l'extérieur

Un officier de Miami Beach confrontant un homme sans masque l’année dernière. Depuis, la Floride a levé toutes les restrictions sans augmentation des cas.

Lorsque les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies américains (CDC) ont publié de nouvelles directives le mois dernier pour le port du masque, ils ont annoncé que « moins de 10 pour cent » de la transmission de Covid-19 se produisait à l’extérieur. Les médias de grand chemin (voir ci-dessous pour RFI) ont répété la statistique, et elle est rapidement devenue une description standard de la fréquence de transmission à l’extérieur.

Mais le nombre est presque certainement trompeur.

Il semble basé en partie sur une classification erronée de certaines transmissions Covid qui ont en fait eu lieu dans des espaces clos (comme expliqué ci-dessous). Les fonctionnaires de la CDC ont choisi un point de référence — 10 pour cent — si élevé que personne ne pouvait raisonnablement le contester.

Ce point de référence « semble être une énorme exagération », a déclaré le Dr Muge Cevik, virologue à l’Université de St Andrews. En vérité, la part de la transmission qui s’est produite à l’extérieur semble être inférieure à 1 pour cent et peut être inférieure à 0,1 pour cent, ont affirmé plusieurs épidémiologistes au journaliste du New York Times. Les rares transmissions extérieures qui se sont produites semblent presque toutes avoir eu lieu dans des endroits bondés ou lors de conversations très proches.

Dire que moins de 10 % de la transmission de Covid se produit à l’extérieur revient à dire que les requins attaquent moins de 20 000 nageurs par an. (Le nombre réel dans le monde est d’environ 150.) C’est à la fois vrai et trompeur.

Ce n’est pas seulement une erreur de calcul. C’est un exemple de la façon dont le CDC a du mal à communiquer efficacement et laisse de nombreuses personnes perplexes quant à ce qui est vraiment risqué. Les responsables de la CDC ont accordé une telle priorité à la prudence que de nombreux Américains sont déconcertés par la longue liste de recommandations de l’agence.

Le CDC continue de traiter la transmission à l’extérieur comme un risque majeur. L’agence affirme que les personnes non vaccinées devraient porter des masques dans la plupart des environnements extérieurs et que les personnes vaccinées devraient les porter dans les « grandes réunions publiques » ; les camps d’été (des types de colonies de vacances) devraient obliger les enfants à porter des masques pratiquement « tout le temps ».

Ces recommandations seraient davantage fondées sur la science si près de 10 % de la transmission de Covid se produisait à l’extérieur. Mais ce n’est pas. Il n’y a pas une seule infection à Covid documentée dans le monde en raison d’interactions occasionnelles en plein air, comme croiser quelqu’un dans une rue ou manger à une table proche d’une autre table.

Le mystère de Singapour

Si vous lisez les recherches universitaires que le CDC a citées en défense de la référence de 10 pour cent, vous remarquerez quelque chose d’étrange. Une très grande partie des cas supposés de transmission à l’extérieur se sont produits dans un seul cadre : les chantiers de construction à Singapour.

Dans une étude, 95 des 10 926 cas de transmission dans le monde sont classés comme ayant eu lieu à l’extérieur ; tous les 95 sont des chantiers de construction de Singapour. Dans une autre étude, quatre des 103 occurrences sont classées comme ayant eu lieu à l’extérieur ; encore une fois, tous les quatre proviennent de chantiers de construction de Singapour.

Cela n’a évidemment pas beaucoup de sens. Il semble plutôt s’agir d’un malentendu.

Les données de Singapour proviennent à l’origine d’une base de données gouvernementale de la ville-État. Cette base de données ne classe pas les cas sur les chantiers de construction comme transmission extérieure, a déclaré Yap Wei Qiang, un porte-parole du ministère de la Santé. « Nous ne les avons pas classés selon qu’ils se sont produits à l’extérieur ou à l’intérieur », a déclaré Yap au correspondant du New York Times. « Cela aurait pu être une transmission à l’air libre sur le chantier ou cela aurait pu se produire à l’intérieur des bâtiments de construction. »

Le correspondant du New York Times a poussé ses recherches, il a découvert des raisons de penser que bon nombre des infections pouvaient s’être produites à l’intérieur. Sur certains des chantiers de construction où Covid s’est répandu — comme un complexe pour la société financière UBS et un projet de gratte-ciel appelé Project Glory — les enveloppes en béton des bâtiments ont été en grande partie achevées avant le début de la pandémie. (Cette vidéo de Project Glory a été tournée plus de quatre mois avant que le premier cas de Covid ne soit signalé à Singapour.)

Singapour est chaud toute l’année, aussi les travailleurs auraient cherché l’ombre des espaces clos pour tenir des réunions et déjeuner ensemble, a déclaré Alex Au de Transient Workers Count Too, un groupe de défense des droits des travailleurs temporaires. Les électriciens et les plombiers auraient travaillé en contact particulièrement étroit.

Les écoles sont-elles à l’extérieur ?

Pourquoi, alors, les cas de Singapour ont-ils été classés comme ils l’ont été ?

Quand les chercheurs ont commencé à collecter des données Covid du monde entier, beaucoup ont choisi de définir les espaces extérieurs de manière très large. Ils ont estimé que presque tous les lieux qui étaient un mélange de l’extérieur et de l’intérieur étaient à l’extérieur.

« Nous avons dû nous contenter d’une classification pour les chantiers », de déclarer Quentin Leclerc, chercheur français et co-auteur de l’un des articles analysant Singapour, « et nous avons finalement opté pour une définition extérieure large. » Un autre article, publié dans le Journal of Infection and Public Health, ne classait que deux lieux comme étant à l’intérieur : « les logements de masse et les établissements résidentiels ». Tous ces lieux furent considérés comme étant à l’extérieur : « bureau, soins de santé, éducation, événements sociaux, voyages, restauration, loisirs et achats ».

On peut comprendre pourquoi les chercheurs ont préféré une définition large. Ils voulaient éviter de manquer des cas de transmission à l’extérieur et de suggérer ainsi, à tort, que l’extérieur était plus sûr qu’il ne l’était en réalité. Mais ce choix avait un gros inconvénient : les chercheurs ont compté de nombreux cas de transmission à l’intérieur comme ayant eu lieu à l’extérieur.

Et pourtant, même avec cette approche, ils ont constaté qu’une infime partie de la transmission totale avait eu lieu à l’extérieur. Dans le document contenant 95 cas s’étant prétendument produits à l’extérieur à Singapour, ces cas représentaient néanmoins moins de 1 pour cent du total. Une étude irlandaise, qui semble avoir été plus précise sur la définition du plein air, a estimé la part de cette transmission à 0,1 %. Une étude de 7 324 cas en Chine a révélé un seul cas de transmission en plein air, lors d’une conversation entre deux personnes.

« Je suis sûr qu’il est possible que la transmission se produise à l’extérieur dans les circonstances appropriées », de dire le Dr Aaron Richterman de l’Université de Pennsylvanie, « mais si on devait chiffrer ce risque, je dirais beaucoup moins de 1 %. . »

L’approche scientifique britannique

Le journal du New York Times a demandé au CDC. comment cela pourrait justifier le taux de référence de 10 %. Un responsable a envoyé cette déclaration :

Les données sur la transmission à l’extérieur sont rares. Les données dont nous disposons soutiennent l’hypothèse selon laquelle le risque de transmission à l’extérieur est faible. 10 pour cent est une estimation prudente d’une récente étude systématique d’articles évalués par des pairs. Le CDC ne peut pas fournir le niveau de risque spécifique pour chaque activité dans chaque communauté et pèche par prudence lorsqu’il s’agit de recommander des mesures pour protéger la santé. Il est important que les personnes et les communautés tiennent compte de leurs propres situations et risques et prennent les mesures appropriées pour protéger leur santé.

Pécher par prudence — en exagérant les risques de transmission à l’extérieur — peut sembler avoir peu d’inconvénients. Mais cela a contribué à la confusion générale du public sur ce qui compte vraiment. Certains Américains ignorent les directives élaborées du CDC et abandonnent leurs masques, même à l’intérieur, tandis que d’autres continuent de harceler les gens qui se promènent à l’extérieur sans masque. C'est aussi la raison pour laquelle les masques ont été imposés lors de compétitions athlétiques.

Pendant tout ce temps, les preuves scientifiques pointent vers une conclusion qui est beaucoup plus simple que le message du CDC : les masques sont importants à l’intérieur, mais importent peu à l’extérieur.

Les autorités sanitaires britanniques, notamment, semblent l’avoir compris. Alors qu’elles ont été draconiennes pour ce qui est des mesures imposées dans les lieux clos, à l’extérieur, cependant, les masques restent très rares en Grande-Bretagne.

Cela ne semble certainement pas poser de problèmes. Depuis janvier, les décès quotidiens de Covid en Grande-Bretagne ont diminué de plus de 99 %.

Source : New York Times.

Voir aussi
 
  
 
 
 

Aucun commentaire: