mardi 1 mars 2011

Écosse — Au royaume des écoles indépendantes...

Pourquoi les écoles indépendantes représentent-elles, en Écosse, la référence éducative incontestée ? Pourquoi sont-elles si chères ? Qu’y recherchent les parents aujourd’hui ? Autant de questions qu’Anne Coffinier, DG de la Fondation pour l’école, est allée poser à son homologue écossais, Sir John Edward, chairman du SCIS (Scottish Council of Independent Schools)

Quelle est l’origine des écoles indépendantes écossaises ?

Merchiston, école pour garçons
Il y a, en Écosse, une très grande variété d’écoles indépen­dantes (appelées public schools). Chacune a sa propre histoire. Citons la High School of Dundee, qui a ouvert ses portes en 1239, ou Hamilton College, créé il y a vingt-huit ans. Les écoles les plus anciennes ont été fondées par l’Église. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, plusieurs négo­ciants écossais ont ouvert des collèges caritatifs comme George Heriot’s School, à Édim­bourg. Le XIXe siècle a vu la création d’une grande partie des écoles indépen­dantes en Écosse, quand la révo­lution indus­trielle a permis l’émer­gence d’une classe moyenne qui a voulu donner à ses enfants une éducation classique et formelle. La dernière vague de créations remonte aux années 1970. À cela s’ajoutent 20 écoles spécialisées pour les enfants handicapés ou à besoins spécifiques.

En quoi se différencient-elles des autres écoles écossaises ?

Par leur autonomie ! Elles choisissent leurs programmes, les sports pratiqués, les examens présentés, leur façon d’enseigner la musique (qui occupe toujours une place importante) ou d’organiser les activités extrascolaires. Les écoles indépendantes sont aussi libres de leur recrutement et de leur politique d’investissement. L’une des conséquences est qu’elles ont un lien très fort avec les familles, qui s’investissent beaucoup, mais attendent aussi beaucoup en retour en matière de discipline et d’exigence académique.
Pourquoi sont-elles si chères, et comment les familles parviennent-elles à payer les scolarités ?

Vitraux de Fettes College
Les coûts corres­pondent seulement aux frais de fonc­tion­­nement et d’entretien (d’autant que nombre d’écoles sont logées dans des bâti­ments histo­riques classés), et certai­ne­ment pas à une recherche de profit. Toutes ces écoles sont des charities à but non lucratif. Ce sont les parents ou grands-parents qui paient les frais de scola­rité, même si plus de 36 millions d’euros de bourses privées (couvrant de 10 % à 100 % de la scolarité) sont octroyés chaque année aux enfants des écoles indé­pen­dantes, soit en moyenne 1 125 euros par enfant et par an. À noter que les enfants de pasteurs et de militaires ont des scolarités à prix réduit. De nom­breux produits d’épargne sont également proposés dès la nais­sance de l’enfant pour aider les familles à s’organiser finan­ciè­rement.

Qu’est-ce qui fait l’excellence de votre modèle éducatif ?

De toute évidence, les excellents résultats aux examens et l’aide à l’orientation proposée, mais aussi l’attention pour chaque élève qui découle du fort ratio professeurs/élèves et la grande palette de matières d’étude et d’activités extrascolaires possibles. De même, l’abondance du corps professoral permet d’offrir quasiment en temps réel une aide aux enfants qui en ont besoin, de sorte que chaque enfant peut vraiment réussir, quelles que soient ses capacités individuelles. Les fortes traditions extrascolaires des écoles indépendantes attirent aussi beaucoup : le rugby, les cadets des forces armées, et d’autres formes de volontariat comme les pompiers, les sauveteurs de montagne ou les gardes-côtes à Gordonstoun School. Autant de forces qui découlent de notre autonomie, qui nous en donne les moyens.

Quelles sont les critiques formulées à l’encontre des écoles indépendantes ?

Ce qui est parfois dénoncé, c’est l’élitisme académique et la barrière financière à l’accès à l’excellence éducative. Mais les choses sont en train de changer avec la nouvelle législation sur les charities [organismes de bienfaisance]. Par ailleurs, il est clair qu’aucune école n’ira s’excuser de chercher à développer au mieux les talents académiques ou extra-académiques de ses élèves, même si cela doit coûter très cher. En définitive, les règles sont claires, et le choix ultime revient aux familles, qui choisissent de faire ou non des sacrifices financiers.

Qui choisit les directeurs et sur quels critères ?

Chaque école est dirigée par un conseil d’administration, qui recrute le directeur, souvent à l’aide d’un cabinet de chasseur de têtes. Maintenir un sens de la continuité tout en réalisant les modernisations nécessaires à l’avenir de l’école requiert des qualités professionnelles exceptionnelles.

L'uniforme, source de cohésion et de fierté pour l'Edinburgh Academy,
école indépendante fondée par Walter Scott
Comment font les écoles pour attirer, former et fidéliser les meilleurs professeurs d’Écosse ?

Si certaines écoles paient plus que les écoles publiques, ce qui attire les professeurs est surtout l’environ­nement éducatif favorable qu’ils y trouvent. Les profes­seurs débutants ne sont pas livrés à eux-mêmes, mais tutorés. Ensuite, tout au long de leur carrière, les ensei­gnants béné­ficient de formations profes­­sion­­nelles continues très fréquentes.

Comment gérez-vous les différences de niveau des élèves d’une même classe ?

C’est le taux élevé de professeurs par élève qui permet de relever ce défi, en nous permettant de pousser davantage les plus doués tout en soutenant ceux qui en ont besoin, que ce soit dans la classe, souvent subdivisée en groupes de niveau variant selon les matières, ou lors de
cours particuliers donnés au sein de l’école.

Les écoles indépendantes écossaises en chiffres
  • 75 écoles indépendantes scolarisant 32 000 élèves, soit
  • 4,3 % des élèves écossais, mais un collégien sur 6 à Édimbourg ;
  • 10 % d’élèves internes ;
  • 7 000 personnes employées ;
  • 9 élèves par professeur.
Frais de scolarité moyens annuels en 2009 :
  • primaire : 8 800 euros (20 600 euros pour les internats) ;
  • secondaire : 11 000 euros (27 690 euros pour les internats).
À titre de comparaison, la scolarité aux HEC (Paris) coûte aujourd’hui 9 000 euros par an !

Performances scolaires : en dernière année, par exemple, 46 % obtiennent leur advanced higher avec la plus haute note (A), contre 27 % au plan national.



Source : Chroniques de la Fondation pour l'École

Voir aussi :  Les nouvelles écoles libres en Angleterre



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