dimanche 17 octobre 2021

Une « nouvelle tradition » : le mensonge sur Montréal, terre ancestrale des Agniers non cédée

Dans un communiqué, l’équipe cosmopolite de hockey nommée ironiquement en français « les Canadiens » (dans le sens de Franco-Canadiens) indique souhaiter reconnaître les « Kanien'keha:ka », connus en français comme les Agniers et en anglais comme les Mohawks, pour leur hospitalité sur le territoire traditionnel non cédé où se trouve le Centre Bell.

Cette génuflexion devrait avoir lieu avant chaque joute à domicile. C’est ce que la direction des Canadiens appelle une nouvelle « tradition ». Cette équipe de sport a été formée en 1909 pour regrouper des joueurs francophones capables de rivaliser avec les Wanderers, anglophones, du quartier McGill College. Aujourd’hui, l’équipe est massivement anglophone et appartient à la famille anglophone Molson.

Ainsi, les Canadiens français feraient désormais partie des « autres peuples de la communauté » alors qu'ils étaient, naguère encore, un des deux peuples fondateurs, après avoir été LE peuple fondateur. Merci les politiciens et leurs politiques migratoires, éducatives et linguistiques.

 
Frédéric Bastien, historien et professeur, a réagi à cette annonce :

MONTRÉAL TERRITOIRE NON-CÉDÉ : MENSONGES ET PROPAGANDE POLITIQUEMENT CORRECTE DU CLUB DE HOCKEY CANADIEN

Pour les amateurs de hockey dont je suis, ce 16 octobre est la journée du premier match du Canadien à la maison, un moment pour retrouver notre équipe favorite, un moment de réjouissance. Or, voilà que la direction nous annonce qu’elle reconnaîtra lors des matchs que l’équipe joue en territoire mohawk non cédé (voir le lien vers l’annonce du club dans les commentaires).

Premièrement, Montréal n’a jamais été un territoire mohawk. JAMAIS ! Des fouilles archéologiques aussi récentes que 2014 l’ont prouvé une nouvelle fois. Seul le leadership politique mohawk prétend une telle chose. Cette revendication est très récente et s’appuie uniquement sur la tradition orale des Mohawks. Tous les spécialistes sont d’accord pour dire qu’il n’y avait pas et qu’il n’y a jamais eu de Mohawk à Montréal avant l’arrivée des Français. Quand les Français ont pris possession de Montréal, il ne s’y trouvait absolument personne, ni sur l’île, ni dans ce qui est aujourd’hui la région métropolitaine de Montréal.

Par ailleurs, et c’est le deuxième mensonge, les Français étaient alliés des autochtones et ne leur demandaient jamais de céder leur territoire en vertu d’un traité. Cette pratique de cession de territoire était celle des Anglais, qui sont arrivés plus tard, et ensuite la pratique des fédéraux.

Les Mohawks du Québec sont en fait sur le territoire de nos ancêtres français. Ils vivaient au départ dans l’actuel État de New York, à qui ils devraient adresser leurs doléances. Les premiers d’entre eux à venir chez nous ont été invités par Louis XIV. Les Mohawks dont il est question s’étaient convertis au christianisme et étaient persécutés par leurs coreligionnaires. C’est pour les protéger que nous les avons accueillis ici, à Oka pour être plus précis. Par la suite d’autres Mohawks sont arrivés sur la rive sud de Montréal, suite à l’indépendance américaine, à l’invitation cette fois des autorités britanniques. Ils s’étaient battus pour la couronne anglaise contre les États-Unis et risquaient le pire en restant sur leur territoire ancestral, la région de la rivière Mohawk proche d’Albany. L’accueil des Britanniques a permis au peuple mohawk d’éviter l’extermination. Historiquement parlant donc, les Mohawks doivent beaucoup à la France et à l’Angleterre.

Le club de hockey Canadien écrit que « la reconnaissance et le respect sont indispensables à l’établissement de relations saines et réciproques avec les populations autochtones et à la poursuite du processus de réconciliation ». Tout le monde sera d’accord avec ça. Mais quand on utilise le mensonge au nom d’une bonne cause, cela veut dire qu’il n’y a plus de cause en fait. Mentir c’est alimenter la discorde et le ressentiment. Le Canadien verse aujourd’hui dans la propagande politiquement correcte. Au lieu d’apaiser les relations avec les Premières Nations, il jette de l’huile sur le feu, creuse le fossé qui nous sépare des Premières Nations et empêche la réconciliation.

Quant à l’historien Alain Beaulieu, professeur d’histoire à l’Université du Québec à Montréal voici ce qu’il en dit :

L’île de Montréal fait-elle partie, comme l’affirment les Mohawks [Agniers en français], de leur territoire traditionnel ? Les évidences en faveur d’une telle thèse sont très minces, voire inexistantes.

À l’arrivée des Français dans la vallée du Saint-Laurent, le territoire de la confédération iroquoise, dont faisaient partie les Mohawks, se trouvait au sud du lac Ontario et du Saint-Laurent, à l’ouest de l’axe formé par le lac Champlain et le Richelieu. Il n’y avait alors aucune occupation mohawk (ou iroquoise) le long du fleuve, qui était fréquenté par les Innus [Montagnais en français] et les Algonquins, dont le contrôle sur cette région restait toutefois fragile.

En 1603, Champlain décrivait la zone comme une sorte de no man’s land, où personne n’osait s’établir en permanence, en raison des incursions iroquoises. Les motivations politiques des [Agniers] restent impossibles à cerner avec certitude, mais elles découlaient probablement de leur volonté d’y établir leur domination dans le contexte du développement de la traite des fourrures. Si c’était le cas, leur projet échoua, car les Français s’allièrent plutôt à leurs ennemis ([Montagnais], Algonquins et Wendats [Hurons en français]) et parvinrent, après une offensive militaire en 1666, à leur imposer une « paix universelle » englobant tous les alliés autochtones de la Nouvelle-France.

Cette paix, qui dura une vingtaine d’années, marque d’ailleurs le début de l’installation des [Agniers] dans la vallée du Saint-Laurent. À l’invitation des autorités françaises, plusieurs Iroquois y migrent dans les années suivantes, attirés notamment par la religion catholique. Provenant principalement de la nation [agnière], ils s’installent, sous la direction des Jésuites, sur une terre octroyée par Louis XIV en 1680 : la terre du Sault–Saint-Louis, qui deviendra Kahnawake. À la même époque, les Sulpiciens fondent une autre mission iroquoise sur l’île de Montréal. Déplacée à quelques reprises, cette mission aboutit finalement au lac des Deux-Montagnes, donnant naissance à la communauté de Kanesatake.

L’installation des Mohawks dans le secteur de Montréal se fait donc dans un contexte colonial particulier, qui n’a certainement pas pour effet de transformer la région, contrôlée par les Français, en territoire [agnier].

D’où vient alors l’idée que l’île de Montréal faisait partie du territoire des [Agniers] ? Essentiellement des liens que les Mohawks établissent depuis quelques décennies entre leurs ancêtres et les Iroquoiens rencontrés en 1535 par Jacques Cartier dans la vallée du Saint-Laurent.

Ces autochtones, qui abandonnèrent la région dans la seconde moitié du XVIe siècle, sans doute à la suite de guerres avec d’autres nations amérindiennes, étaient, affirme-t-on à Kahnawake, des Mohawks [Agniers]. L’installation de leurs ancêtres dans la région de Montréal après 1666 ne serait, en somme, que la réoccupation d’un territoire traditionnel.

Les recherches des dernières années, notamment archéologiques, contredisent une telle interprétation. Elles montrent plutôt que les Iroquoiens de la vallée du Saint-Laurent formaient un groupe distinct, qui disparut en tant qu’entité politique dans la seconde moitié du XVIe siècle. Cette interprétation ne cadre pas non plus avec la tradition orale des Mohawks [Agniers] recueillies au XVIIIe siècle. Cette tradition n’associe jamais leur présence dans ce secteur à une occupation antérieure.

À cette époque, les [Agniers] ne se considéraient pas non plus comme les occupants originaux des lieux. Ils concédaient ce droit aux Algonquins qui, de leur côté, continuaient à les percevoir comme des étrangers venus s’établir sur leurs terres, comme des « empruntés » pour reprendre la formule péjorative qu’ils employaient parfois à leur égard : « Nous sommes les premiers qui avons habité cette terre », affirmaient-ils en 1756 en présence des Mohawks ; « vous autres […] êtes venus ensuite, les Français vous ont aussi bien reçus et vous vous êtes déclarés leurs enfants ».

Au lendemain de la Conquête, les Britanniques, qui connaissaient l’histoire de la communauté [agnière], partageaient globalement cette vision des choses. Dans leur logique juridique, les Mohawks ne pouvaient espérer des compensations pour leurs terres de chasse, comme le prévoyait la Proclamation royale de 1763, car ils avaient abandonné leur territoire ancestral pour venir se placer sous la protection des Français.

L’île de Montréal doit-elle alors être considérée comme un territoire autochtone non cédé ? La question mérite d’être posée dans le contexte plus large de la politique anglaise à l’égard des terres autochtones au lendemain de la Conquête. Les Mohawks [Agniers], en raison de leur histoire, ne semblent pas répondre aux critères établis par les Britanniques, mais d’autres nations ou communautés pourraient éventuellement se prévaloir d’une telle reconnaissance.

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