mercredi 22 juillet 2020

États-Unis — Les écoles à charte et leurs ennemis

Les écoles à charte aux États-Unis sont des établissements d’enseignement primaire ou secondaire qui ne facturent pas de frais aux élèves qui passent des examens mandatés par l’État. Ces écoles à charte sont soumises à moins de règles, de règlements et de statuts que les écoles publiques traditionnelles, mais reçoivent moins de financement public que les écoles publiques, généralement un montant fixe par élève. La subvention par élève dans les écoles à charte est généralement inférieure de 19 % à 25 % (selon les études) à celle payée aux écoles publiques.

Il existe des écoles à charte à but non lucratif et à but lucratif. Seules les chartes à but non lucratif peuvent recevoir des dons de sources privées.

En 2016-2017, il y avait environ 6 900 écoles publiques à charte dans 42 États et dans le District de Columbia accueillant environ 3,1 millions d’élèves, soit une multiplication par six du nombre d’élèves au cours des 15 dernières années.

Selon les personnes que vous écoutez ou les articles que vous lisez, les écoles à charte sont soit un succès frappant, soit une « expérience ratée et dommageable », ou même simplement une « mode ».

Ces opinions contradictoires ont conduit à d’âpres controverses qui font rage depuis des années. Mais dans son nouveau livre, « Les écoles à charte et leurs ennemis », Thomas Sowell, chercheur principal à la Hoover Institution à l’université Stanford, présente des faits concrets sur les résultats scolaires dans plus d’une centaine d’écoles de New York identifiées individuellement.

Les résultats de ces écoles sont clairement répertoriés individuellement afin que les parents, les fonctionnaires et toute personne intéressée par l’éducation des enfants puissent faire leurs propres comparaisons.

Ce que toutes ces écoles particulières ont toutes en commun, c’est que les élèves des écoles à charte et les élèves des écoles publiques traditionnelles sont éduqués dans les mêmes bâtiments new-yorkais (des classes vides de l'école publique concurrente) et passent les mêmes tests en mathématiques et en anglais chaque année. Les élèves admis aux écoles à charte sont tirés au sort à partir d’une liste d’attente ouverte à tous. Les résultats de ces tests sont répertoriés pour chacune de ces écoles, avec des données sur les antécédents de leurs élèves.

Voici quelques faits de base : Dans ces bâtiments, 14 pour cent des classes traditionnelles des écoles publiques avaient une majorité de leurs élèves atteignant un niveau défini comme « compétent » en anglais pour leur niveau scolaire par le département de l’éducation de l’État de New York.

Alors que 65 pour cent des classes d’écoles à charte dans ces mêmes bâtiments avaient une majorité de leurs élèves atteignant le niveau « compétent » à ce même test. C’est presque une disparité de cinq pour un.

Au test de mathématiques, seuls 10 pour cent des classes de ces écoles publiques traditionnelles avaient une majorité de leurs élèves atteignant un niveau « compétent ». Mais 68 pour cent des classes d’écoles à charte dans les mêmes types de bâtiments avaient une majorité de leurs élèves atteignant un niveau « compétent ». C’est presque une disparité de sept pour un.



Il n’est pas étonnant que la plupart des critiques des écoles à charte et des défenseurs des écoles publiques traditionnelles usent non pas d’arguments factuels, mais d’arguments idéologiques et rhétoriques.

Ils ne veulent pas argumenter sur la base de faits concernant les résultats des tests.

Un exemple courant de rhétorique trompeuse est une déclaration souvent répétée selon laquelle — à l’échelle nationale — les écoles à charte « dans leur ensemble » ne fonctionnent pas mieux que les écoles publiques traditionnelles « dans leur ensemble ».

Le problème avec cette rhétorique est que les étudiants blancs et asiatiques représentent la majorité des élèves des écoles publiques traditionnelles du pays « dans leur ensemble ». Écoles publiques blanches qui se trouvent dans des quartiers bien plus nantis que ces écoles à charte « noires ».

Pendant ce temps, les étudiants noirs et hispaniques représentent la majorité des étudiants des écoles à charte du pays « dans leur ensemble ». Les étudiants des écoles à charte vivent généralement dans des quartiers à faible revenu et minoritaires.

Dire aujourd’hui que les écoles à charte « dans leur ensemble » sont comparables aux écoles publiques traditionnelles « dans leur ensemble » est en réalité un résultat remarquable pour des écoles à charte surtout composée d’élèves noirs et hispaniques. On ne peut en effet pas en dire autant des écoles publiques traditionnelles à majorité noires et hispaniques « dans leur ensemble ».


En avril 2019, le Wall Street Journal a rapporté que 57 % des étudiants noirs et 54 % des étudiants hispaniques des écoles à charte avaient réussi l’examen de l’État (l’ELA), alors que seuls 52 % des étudiants blancs des écules publiques de l’État l’avaient réussi. Au test de mathématiques de l’État, 59 % des étudiants noirs et 57 % des Hispaniques des écoles à charte de la ville ont réussi alors que seuls 54 % des étudiants blancs [des écoles publiques] de l’État l’avaient réussi.

Sowell déclare : « Dans un domaine où l’échec scolaire est depuis longtemps la norme — les écoles des quartiers à faible revenu des minorités —, c’est un succès, un succès remarquable. Ce qui est tout aussi remarquable, c’est à quel point ce succès a été mal accueilli dans de nombreux secteurs. Ce qui est particulièrement remarquable, c’est que ce sont les écoles à charte qui réussissent le mieux sur le plan éducatif qui semblent avoir suscité le plus d’hostilité, à la fois en paroles et en actes. La forme la plus courante de cette hostilité est l’instauration de limitations juridiques qui déterminent le nombre maximal d’écoles à charte autorisées, indépendamment du fait que les écoles à charte produisent de bons ou de mauvais résultats scolaires. »

L’établissement éducatif, animé par le syndicat le plus puissant du pays, a les oreilles des dirigeants politiques. Il craint un énorme potentiel de perte si davantage de parents étaient en mesure de retirer leurs enfants des écoles publiques mal performantes. Par exemple, à New York, plus de 50 000 élèves sont inscrits sur des listes d’attente pour être admis dans des écoles à charte.

Seule une petite part de ces élèves sont tirés au sort et peuvent s’inscrire dans une école à charte. Sowell cite 3 000 heureux élus sur une liste de 17 000 candidats (pour la Success Academy). S’il est vrai que les candidats sont plus motivés que les autres, ils ne sont pas sélectionnés par examen et ils proviennent de milieux socio-économiques similaires. L’effet d’écrémage est très limité, voire nul. Mais surtout les 14 000 candidats rejetés par la Success Academy (parce que les autorités empêchent l’ouverture de nouvelles écoles à charte), candidats aussi motivés que ceux admis dans les écoles à charte, retournent dans le secteur public traditionnel. Pire ces élèves non tirés au sort, mais motivés qui retournent à l’école publique en pâtissent en moyenne sur le plan des résultats scolaires. (Plus détails dans la vidéo, ces candidats malheureux à la loterie ont de mauvais résultats à l’école publique. Les filles tirées au sort et qui vont dans une école à charte tombent nettement moins souvent enceintes que celles qui avaient postulé pour aller dans une école à charte, mais qui ont dû s’inscrire à l’école publique traditionnelle parce que leur numéro n’avait pas été tiré au sort. De même, les garçons sélectionnés pour aller à l’école à charte ne sont pas aussi souvent incarcérés que ceux qui n’ont pas été tirés au sort mais qui en avaient fait la demande.)


 
Les dépenses par élève à New York dépassent 20 000 dollars par an (!) Si tous les élèves inscrits sur la liste d’attente pouvaient être admis dans des écoles à charte, cela se traduirait par une perte d’un milliard de dollars pour les écoles publiques traditionnelles. Une baisse substantielle de la fréquentation scolaire publique traditionnelle signifierait moins d’enseignants employés. Cela signifierait une baisse des cotisations syndicales puisque la plupart des enseignants des écoles à charte ne sont pas syndiqués.

Le taux de croissance des écoles à charte depuis les années 90 a été considérable. De 2001 à 2016, les inscriptions dans les écoles publiques traditionnelles n’augmentaient que de 1 % tandis que celles des écoles publiques à charte avaient augmenté de 571 %.

Sowell souligne que toutes les écoles à charte ne réussissent pas. Les écoles à charte qui échouent peuvent voir leurs chartes révoquées, coupant ainsi l’accès aux fonds publics. Cela contraste de manière frappante avec les écoles publiques traditionnelles défaillantes et corrompues qui continuent de se nourrir de fonds publics garantis.

Les écoles à charte qui réussissent sont la véritable menace pour les écoles publiques traditionnelles syndiquées. Aucune école à charte de l’étude de Sowell n’a eu plus de succès que les écoles à charte de la Success Academy à Harlem, Bedford-Stuyvesant et dans le South Bronx — et aucune n’a été plus violemment attaquée en paroles et en actes. Le maire de New York, Bill de Blasio, a explicitement fait campagne contre les écoles à charte en disant : « Je suis en colère contre les privatisateurs. J’en ai assez de ces efforts pour privatiser une chose précieuse dont nous avons besoin : l’éducation publique. »

Sowell a déclaré par ailleurs : « On continue de nous dire que “la vie des Noirs importe”, mais elle ne semble avoir d’importance que lorsque cela aide les politiciens à obtenir des votes, ou lorsque ce slogan aide les démagogues à diaboliser la police. Les 99 % restants de vies noires détruites par des personnes qui ne sont pas des policiers ne semblent pas attirer autant d’attention dans les médias. »

Lors d’une réunion en 2016, le conseil d’administration de la NAACP, l’Association nationale pour la promotion des gens de couleur, a ratifié une résolution appelant à un moratoire sur les écoles à charte. La NAACP a notamment voulu que les écoles à charte s’abstiennent de « renvoyer les élèves que les écoles publiques ont le devoir d’éduquer » et « cessent de perpétuer de facto la ségrégation entre les enfants les plus performants et ceux dont les ambitions sont élevées, mais dont les talents ne sont pas encore aussi évidents. »

C’est une conception qui sous-entend qu’aucun enfant noir ne doit recevoir une éducation décente tant que tous les enfants noirs ne reçoivent pas une éducation décente. L’éducation des enfants noirs et hispaniques peut-elle être sacrifiée au nom de cette idéologie et des intérêts corporatistes qui privent ces enfants de la réussite scolaire ?


Charter Schools and Their Enemies
par Thomas Sowell
publié le 30 juin 2020
aux éditions Basic Books,
288 pages,
ISBN-10 : 1 541 675 134


Voir aussi

Recension de Economic Facts and Fallacies de Thomas Sowell

L’effondrement du mariage aux États-Unis, ses causes et ses effets

Rediffusion : Idées fausses sur les différences salariales entre hommes et femmes

Effet d’écrémage lié à la liberté scolaire : faible ou déjà présent




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