samedi 1 août 2015

Italie — Chère laïcité

En condamnant les écoles catholiques de la ville à payer la taxe foncière, la Cour de cassation de Livourne (Toscane) a rallumé la guerre de l’école libre dans la péninsule. Une victoire pour les tenants de la laïcité ; un camouflet pour l’Église italienne, qui menace de fermer ses établissements accueillant 10 % des élèves transalpins ; et un casse-tête pour le gouvernement, qui ne sait où trouver les 9 milliards de dollars que coûterait la scolarisation dans le public de tous les élèves du privé.

La Cour de cassation italienne a donc accepté le recours déposé, en 2010, par la ville de Livourne, en Toscane, qui, pour la première fois, voulait obliger deux écoles catholiques, gérées par la congrégation des Filles de Marie-Auxiliatrice, à payer la taxe foncière. La décision concerne des arriérés remontant à la période 2004-2009, pour un montant de 422 000 € (605 000 $). Montant auquel pourraient s’ajouter ceux de la taxe foncière pour les années suivantes…

Selon la loi en vigueur, toute propriété de l’Église catholique sans but lucratif est exemptée de la taxe foncière. Mais, pour la Cour de cassation, les deux instituts n’ont pas à bénéficier de cette exemption, car les parents d’élèves paient des frais de scolarité. Il s’agit donc d’une activité à caractère commercial, même si les établissements en question ne réalisent aucun bénéfice financier. (Comparer avec le traitement de Planned Parenthood aux États-Unis considérée comme une organisation sans but lucratif alors qu’elle fait payer ses interventions et vend des tissus et organes de fœtus avortés.)

Pas de jurisprudence

Cette décision a suscité une vive polémique en Italie, l’Église catholique redoutant qu’elle s’étende à tous ses établissements. Le juge Giorgio Santacroce, président de la cour, a tenu toutefois à préciser, hier, que la sentence n’a pas lieu de faire automatiquement jurisprudence. « Ce sera aux juges de décider au cas par cas », assure-t-il. Cependant, même après cette précision « technique », le jugement de la Cour laisse perplexe.

Sur les 14 325 établissements scolaires privés que compte l’Italie, 13 625 ont un statut paritaire. Autrement dit, ils sont sous contrat avec l’État italien et respectent les normes en vigueur dans les établissements publics, en matière d’examens ou de diplômes. Et parmi ces établissements paritaires, 63 % sont gérés par des catholiques.

« L’État économise 6,5 milliards d’euros par an »

La Conférence des évêques italiens (CEI) n’a pas manqué de réagir, rappelant qu’« ils exercent une fonction de service public ». Connu pour son franc-parler, son secrétaire général Mgr Nunzio Galantino a invité les juges à se montrer « moins idéologisés ». « S’acharner sur les écoles paritaires, cela signifie limiter la liberté d’éducation contre la volonté même de l’Europe qui demande des garanties en la matière. » Et d’ajouter : « Grâce aux établissements paritaires (en grande majorité des écoles maternelles) qui accueillent 1,3 million d’élèves (10 % du total), l’État économise 6,5 milliards d’euros par an » (9,3 milliards $/an). De fait, le ministère de l’instruction ne dépense chaque année que 584 € par élève scolarisé (en maternelle) dans une école paritaire, contre 6 116 € dans une école publique (1).

Dans ce débat sur l’éducation catholique, les défenseurs de l’école publique, comme le député de gauche Riccardo Nencini, soutiennent qu’il faudrait s’en tenir à l’article 33 de la Constitution italienne, selon lequel la liberté d’enseignement est reconnue mais « sans charge pour l’État ». Le gouvernement Renzi, lui, cherche une solution permettant aux écoles paritaires « exerçant une fonction d’école publique » d’être automatiquement exemptées de la taxe foncière.


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