jeudi 16 juin 2022

France — Les lycées hors contrat s’estiment lésés

L’association Créer son école veut la mise en place d’une commission d’enquête sur la gestion de l’examen. Article du Figaro.

Quelque 4 000 élèves venant de lycées hors contrat ont été interrogés à l’écrit, la semaine passée, dans les matières du tronc commun.

« On est au-delà de l’irrespect, ce n’est même plus une discrimination idéologique, c’est un manque absolu d’organisation pratique », dénonce Anne Coffinier, présidente de l’association Créer son école. Établissements d’accueil fermés à l’arrivée des élèves, examinateurs oraux absents ou mal informés, sujets de première distribués à des élèves de terminale : les lycées privés hors contrat dénoncent des conditions d’examen du bac désastreuses pour leurs élèves. « Le jour de sa convocation, ma fille a dû attendre tout l’après-midi dans un centre d’examen. On lui a finalement demandé son numéro de portable pour la reconvoquer par SMS le lendemain », s’indigne une mère de famille. Elle apprendra plus tard que les deux examinateurs prévus pour la journée ne se sont pas déplacés.

Le ministère de l’Éducation nationale a confirmé des dysfonctionnements en Île-de-France, mais aussi en province. Contrairement aux lycées publics et privés sous contrat, qui passent 60 % des épreuves au contrôle continu, les élèves du privé hors contrat doivent passer l’intégralité des épreuves du bac en contrôle terminal. Ils sont évalués dans toutes les matières du programme en terminale, mais aussi en première. Après avoir passé les épreuves de spécialité comme leurs camarades du privé et du public, les quelque 4000 élèves concernés ont été interrogés à l’écrit dans les matières du tronc commun cette semaine. Ainsi Jeanne, élève en terminale à Ipesup à Paris, a passé l’anglais ce vendredi à la Maison des examens d’Arcueil. Cela fait plusieurs semaines qu’elle doit jongler entre quatre centres d’examens, très éloignés les uns des autres : Arcueil (92), mais aussi Villepinte (93), les 13e, 19e et 16e arrondissements de Paris. Un marathon, devenu une épreuve en raison de retards systématiques : « Ce matin par exemple, je devais sortir à 12 h 30 et j’ai terminé à 13 h 30 », raconte la jeune fille.

Rupture d’égalité

Pour Michel Naniche, directeur de l’école Diagonale, les examinateurs n’ont souvent pas été informés que certains élèves bénéficiaient de tiers-temps en raison de handicap. Les élèves ayant des épreuves aménagées pour composer sur ordinateur ont aussi souffert, avec des problèmes récurrents de logiciels, d’imprimantes et de clés USB. Des problèmes d’importance quand on sait que certains établissements hors contrat sont justement choisis pour leur capacité à s’adapter aux élèves handicapés ou dyslexiques qui en bénéficient.

« On a vraiment eu des problèmes tous les jours », résume Jean-Marc Fitoussi, directeur de l’école Progress qui compte une centaine d’élèves de terminale dans son établissement. L’association Créer son école a demandé la mise en place d’une commission d’enquête en vue de faire la lumière sur la gestion de l’examen, mais aussi pour obtenir une compensation du préjudice subi par les élèves ainsi que des sanctions pour les responsables des dysfonctionnements. Pour Jean-Marc Fitoussi, les causes de cette désorganisation sont évidentes : « On oblige nos élèves à passer toutes les épreuves en présentiel, mais, comme ils ne représentent qu’une quantité marginale de lycéens, on ne prend pas la peine d’organiser des conditions de passage adéquates. »

Au-delà des problèmes d’organisation, Créer son école dénonce une rupture d’égalité dans un examen national et demande que les élèves du hors contrat bénéficient du contrôle continu s’il est de mise partout ailleurs. « Même les élèves du Cned, qui peuvent se faire aider chez eux, bénéficient du contrôle continu. Les élèves du hors contrat doivent être traités comme les autres », déclare la présidente, Anne Coffinier.

Venu d’Albi pour passer son bac à Ipesup et ainsi mieux s’entraîner pour intégrer une classe préparatoire, Colin, 18 ans, est admis l’an prochain en prépa ECG (commerce) à Sainte-Geneviève à Versailles. S’il comprend cette volonté de contrôle de l’éducation nationale vis-à-vis du hors contrat, il regrette que les épreuves soient bien plus dures que celles passées par les autres lycéens. « En éducation morale et civique (EMC) par exemple, nous devons faire quatre exposés, le grand oral est bien plus simple », estime-t-il.

Le gouvernement justifie sa défiance à l’égard des écoles hors contrat par une volonté de lutter contre le séparatisme islamiste. « Les établissements hors contrat sont régulièrement inspectés et contrôlés et c’est une bonne chose », souligne Hervé Rolland, président de la Fondation pour l’école. Mais, pour lui, cette suspicion systématique est infondée. « Je rappelle que la majorité des écoles hors contrat ne sont pas confessionnelles. On y retrouve 12 % d’écoles catholiques, 3 % d’écoles protestantes et 3 % d’écoles musulmanes », précise-t-il.


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