jeudi 3 octobre 2019

Trois solutions (et demie) pour le climat

Lettre ouverte de Samuel Furfari, Professeur à l’Université Libre de Bruxelles Président de la Société Européenne des Ingénieurs et Industriels.

Après avoir travaillé pendant plus de 40 ans dans le domaine, mon expérience me pousse à plaider pour une analyse factuelle et objective de la situation, même si elle peut paraître iconoclaste dans le climat actuel...

Greta et la Terre Mère autochtone à Montréal

Les feux des projecteurs de l’Assemblée générale de l’ONU s’étant éteints, il est temps de voir plus sereinement la situation en matière de politique climatique — et donc énergétique — qui menace dangereusement notre démocratie. Après avoir travaillé pendant plus de 40 ans dans le domaine, mon expérience me pousse à plaider pour une analyse factuelle et objective de la situation, même si elle peut paraître iconoclaste dans le climat actuel.

« Tout est connu, il n’y a plus qu’à agir »

Malgré l’opinion générale, et de certains scientifiques, la science du climat est très jeune. Affirmer que « tout est connu et qu’il n’y a plus qu’à agir » est donc prématuré. Le rapport du GIEC est rempli de conditionnels. Pas de certitudes, mais des hypothèses loin d’être irrécusables, puisque le système climatique possède « une signature chaotique ».

Lorsque durant la vague de chaleur de cet été, le climatologue français Jean Jouzel annonce que la température augmentera de « trois ou quatre » degrés, il omet d’ajouter que le GIEC assortit cette hypothèse d’une probabilité de 1 % et que c’est pour un maximum de 3 °C et non de 4 °C ou de 7 °C comme on l’entend parfois.

Face à l’agitation, il convient d’analyser les résultats de 27 ans de politique climatique. Le processus onusien a formellement débuté au Sommet de la Terre à Rio en juin 1992 avec l’adoption de la Convention sur le changement climatique, visant à la réduction des émissions de CO2.

Les émissions de CO2 n’ont cessé de croître depuis, et sont aujourd’hui 56 % plus élevées qu’en 1992 ! Si un responsable du monde économique s’aventurait à avancer des résultats aussi farfelus, il serait démis de ses fonctions. Ce qui n’est pas le cas pour le monde politique.

Ce chiffre donne-t-il raison aux jeunes qui ne cessent de crier que l’on n’a rien fait ? Ces manifestants insultent le monde politique, car il s’est fortement démené à mettre en œuvre force politiques et mesures. Hélas, il n’a pas le courage d’admettre que ces énormes efforts, y compris financiers, ont été vains.

Commençons par le Protocole de Kyoto qui aurait dû déboucher sur la réduction des émissions. Avant de proposer de nouvelles mesures, il aurait fallu procéder à une analyse objective de son échec ; hélas, on a tout fait pour le cacher.

L’Accord de Paris où chacun fait ce qu’il veut…

Dans une course folle, on est passé à la COP15 de Copenhague, qui fut un revers, car les grands du monde avaient compris que les demandes des ONG étaient tout simplement irréalisables. La parade a enfin été trouvée à travers l’Accord de Paris, une coquille vide qui ne prévoit que des objectifs laissés aux choix des signataires par rapport à des années de références individuellement choisies.

L’accord comporte 141 obligations bureaucratiques et 41 conditionnelles pour ce qui est du fond. Par exemple, le Japon opte pour la réduction de ses émissions de 26 %, mais par rapport à 2013, c’est-à-dire l’année où il a émis le maximum de CO₂ du fait de la fermeture temporaire de centrales nucléaires. Cela lui donnera un avantage de 25 points par rapport à l’UE qui avait promis une réduction de 40 % à Paris par rapport à 1990 (la nouvelle présidente de la Commission européenne vient de surenchérir à 55 %).

La Chine, de loin premier émetteur mondial de CO2, s’est engagée à ne plus augmenter ses émissions à partir de… 2030. L’Inde, qui compte 350 millions de personnes sans accès à l’électricité, n’a pas d’objectif de réduction, mais vise à améliorer son efficacité carbone. Bref, chacun fait ce qu’il veut.

Les jeunes manifestants ignorent que l’UE a adopté une kyrielle de directives contraignantes et punitives à cet effet. Elle est la championne du monde en législations en faveur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique de bâtiments ou d’équipements.

L’échec est total, mais ce n’est pas faute de législation et de financement. Les jeunes manifestants ignorent que l’UE a adopté une kyrielle de directives contraignantes et punitives à cet effet. Elle est la championne du monde en législations en faveur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique de bâtiments ou d’équipements.

Excavateur à godets géant dans la mine de lignite à Garzweiler (Allemagne occidentale, proche de la Belgique)
Depuis 1990, l’Allemagne a multiplié par 8 sa production d’énergies renouvelables, alors que ses émissions, dont une grosse partie est due à la restructuration [la disparition de l’industrie lourde] de l’économie de l’ex-RDA, ont peu diminué. Ce pays est acclamé pour ses 100 milliards budgétés d’ici 2030 pour lutter contre le changement climatique, alors qu’il dépense 25 milliards par an depuis des années en faveur des énergies renouvelables tout en préservant ses centrales au lignite !

Dans son emballement, où il doit entraîner les autres pays européens par souci d’être le seul pénalisé, il promet d’abandonner le nucléaire et le charbon, de produire de l’hydrogène avec l’excès d’énergies renouvelables intermittentes. Mais dans le marché unique de l’électricité européen, il n’y aura excès d’électricité renouvelable que lorsque tous les pays produiront plus de 100 % de renouvelable ! Sans oublier le rêve allemand d’utiliser l’équation de Sabatier et autres artifices chimiques qui se heurtent à la thermodynamique du processus.

Et la capture du carbone en sous-sol ? En 2009, l’UE a promis un financement de 1,05 milliard pour 13 grands projets dont aucun n’a réellement démarré. Le coût de cette technologie, au demeurant banale, est exorbitant. Ne parlons même pas des idées de réutilisation du CO2 qui ressemblent à la mise en pratique du mouvement perpétuel.

Trois solutions et demie

Mais alors, n’y a-t-il rien à faire ? Si, il y a trois solutions et demie. La première est prévue par la Convention de Rio : s’adapter aux conséquences du changement climatique [et profiter au mieux des avantages liés à un réchauffement dans un Québec gelé six mois par an]. La deuxième : recourir à la seule énergie qui réduit les émissions, preuves historiques à l’appui : le nucléaire, tabou en Europe, mais en plein essor pour le conventionnel comme pour l’innovant en Russie, en Chine et aux États-Unis. La demi-solution est d’utiliser plus de gaz naturel aux dépens du charbon et du pétrole. C’est tout à fait faisable, y compris pour le transport, mais cela produira encore du CO₂ ; moins, néanmoins ce n’est pas une décarbonisation.

La dernière solution, c’est la révolution prônée par Greta Thunberg et les écologistes profonds : stopper la croissance, c’est-à-dire mettre fin à la société de consommation. Cette solution a comme seul mérite d’être cohérente. Mais elle va mettre en place une société de contrôle total de l’homme dans toutes ses dimensions, c’est-à-dire un enfer carcéral et totalitaire, qui va vider les États et les citoyens de leurs ressources et conduira à l’abolition de la sécurité sociale et à la fin du progrès technique, avec la survie des plus forts.

Tout le reste n’est que parole dans le vent et la croissance des émissions de CO₂ continuera donc au rythme de 2 % par an voire plus. N’en déplaise aux politiques et aux jeunes qui manifestent.

Source : L’Écho

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