mercredi 1 juillet 2015

L'Église catholique comprend-elle l'islam ?

Étudiant communiste, Alain Besançon avait démissionné du PCF, en 1956, après le choc du rapport Khrouchtchev. Devenu historien, aujourd’hui membre de l’Institut, il aura été un analyste lucide du système soviétique à l’époque où tant de ses pairs regardaient Moscou avec les yeux de Chimène. Ce qui distinguait ses travaux, toutefois, était la place qu’il accordait à la dimension quasiment métaphysique et théologique du marxisme. Car le matérialisme dialectique, selon ce soviétologue, était dans la pratique une foi : « Lénine croit qu’il sait, mais il ne sait pas qu’il croit », a écrit Besançon. Cette sensibilité au fait religieux a guidé l’historien dans ses recherches ultérieures sur l’iconoclasme, le nazisme ou le protestantisme américain. Elle l’a incité à réunir des articles parus dans la revue Commentaire avec trois textes inédits pour former un volume consacré aux « problèmes religieux contemporains ». Le thème est à soi seul iconoclaste dans la mesure où l’hyperlaïcisme actuel refuse de voir que le facteur religieux est un élément d’analyse sociale et culturelle que l’on ne peut occulter.

Mais Alain Besançon n’est pas du genre à se laisser intimider par la doxa dominante. Après avoir par exemple étudié, dans cet ouvrage, la tentation communiste éprouvée, des années 1950 aux années 1980, par certains catholiques, il se demande si l’Église contemporaine a compris l’islam. En 1965, la déclaration Nostra Ætate de Vatican II exprimait une volonté de dialogue interreligieux s’adressant aussi aux musulmans. Or le nombre de catholiques s’est effondré depuis en Europe, et l’islam s’y est implanté par le jeu de l’immigration, tandis qu’au Moyen-Orient les chrétiens disparaissaient par l’émigration et la conversion. « Nulle part la réciprocité n’est acquise », observe Alain Besançon. Et pourtant, en 2013 encore, l’Exhortation apostolique Evangelium gaudium du pape (argentin, ce qui explique sans doute son manque de compréhension vis-à-vis de l’immigration musulmane et africaine) François contenait un long passage sur le dialogue avec l’islam qui paraissait tiré de Nostra Ætate. Au regard des faits survenus en cinquante ans, estime par conséquent l’auteur, l’Église devrait changer de « matrice de compréhension »... Ce propos irrévérencieux n’est qu’un aperçu de ce livre bien peu politiquement correct, et donc précieux.

Quatrième de couverture

« On signale partout la résurgence des préoccupations religieuses. Cela est indiscutable du judaïsme et de l’islam qui s’affirment en France chaque année plus nettement. Le christianisme, aux termes du Concordat signé par Napoléon Bonaparte, était “la religion de la majorité des Français”. Vu de l’extérieur, il est en chute libre. Ces religions savent-elles encore ce qu’elles sont ? Quel sens donnent-elles à leur orthodoxie ? J’entends par ce mot le point central, garanti par les textes sacrés et l’opinion des docteurs, où chaque religion se manifeste à elle-même dans sa cohérence et sa particulière originalité. Mon intention est de ne pas m’écarter de l’orthodoxie, même quand je suis le plus critique. Les religions ont-elles gardé la capacité d’appréhender le réel ? Dans d’autres livres, j’ai traité de l’orthodoxie russe et du protestantisme. Dans celui-ci j’aborde le catholicisme. Comment a-t-il compris les grands événements contemporains, le communisme, l’islam ? Aux porches des cathédrales, la Synagogue est représentée par une femme ayant un bandeau sur les yeux. On verra que l’Église s’est souvent mise sur les yeux le même bandeau, ou un autre. Ces questions sont parmi les plus sérieuses, les plus honorables, les plus indispensables que l’homme contemporain puisse et doive se poser. J’ai essayé de les traiter en historien. »

Problèmes religieux contemporains,
d’Alain Besançon,
chez Fallois,
paru le 19 juin 2015
278 p.,
31,46 $
ISBN-10 : 2 877 068 994
ISBN-13 : 978-2877068994

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