mercredi 23 janvier 2008

Rapport Attali et l’enseignement : clichés et menaces liberticides ?

Parmi les 316 mesures proposées dans le Rapport Attali, pompeusement intitulé Rapport de la Commission pour la libération de la croissance, on peut s'inquiéter notamment de la décision nº 2 (p. 26) :
« Repenser le socle commun des connaissances pour y ajouter le travail en groupe, l’anglais, l’informatique et l’économie. […] L’apprentissage de l’anglais et l’usage d’Internet doivent être développés massivement dès le primaire. »
L’insistance sur le travail en groupe peut constituer un prétexte de plus pour empêcher que l’instruction soit dispensée dans le cadre de la maison. La scolarité à domicile fait déjà l'objet d'une surveillance importante, car elle est soupçonnée de servir de refuges aux enfants de parents sectaires ou, bien que non religieux, de parents trop « originaux », voir le cas de l’éditeur du Brussels Journal en Belgique.

Rappelons qu'en matière de langue, l’ancien objectif du socle commun était « la pratique d’une langue vivante étrangère ». M. Attali reproche que l'anglais ne soit pas mentionné de manière explicite. Il fait donc désormais de l'enseignement de l’anglais une nouvelle priorité, priorité déjà dénoncée par plusieurs linguistes comme Claude Hagège au nom de la sauvegarde de la diversité : faire passer l’anglais avant une autre langue étrangère c’est rentre quasi inutile aux yeux de l’élève cette autre langue. M. Attali ne fait que conforter cette opinion.

Cet enseignement de l’anglais précoce est, par ailleurs, relativement inutile ou contreproductif dans les faits : il faudra bien sacrifier d’autres matières alors que les bases en français et en mathématiques sont déjà déficientes et qu’on a déjà beaucoup diminué les heures consacrées au français. Voir L'apprentissage de l'anglais au primaire ou l'éducation bilingue précoce et l’anglais intensif au primaire.

Pour ce qui est de la connaissance d'Internet, il s’agit de nouveau d’une idée dans le vent qui n’a pas montré plus de fondements scientifiques que l'obligation d'utiliser des ordinateurs à l'école : Les élèves apprendraient mieux sans ordinateur. Un enseignement de l'informatique et de l'Internet est déjà prévu au programme officiel : il mène au B2i (voir le Bulletin officiel : brevet informatique et internet), formation qui traite de l'Internet et que complète l'engouement ambiant chez les élèves pour le sujet. On ne voit pas très bien pourquoi cette formation devrait être plus poussée à l'école.

La décision nº 6 (p. 28) propose la suppression de la carte scolaire et la mise en place, que nous saluons, d'un chèque-éducation. Toutefois, cette décision s'accompagne d'une phrase lourde de menaces liberticides potentielles :
« Le conventionnement des écoles privées devra être très strict sur la nature des enseignements et le respect des valeurs de la République. »
Bref, plus de liberté géographique, mais moins de libertés pédagogique et philosophique.

Il ne faut pas, en effet, citer la « décision 6 » sans rappeler son complément, la « décision 153 » :
« Permettre l’installation d’établissements privés conventionnés dans les quartiers [M. Attali par pudeur ne les qualifie pas d’« ethniques »]. L’autorisation d’ouverture d’établissements privés dans ces zones devrait pouvoir déroger aux restrictions nationales. En outre, il est proposé de permettre, dans un premier temps à titre expérimental, comme en Suède, l’installation dans les quartiers défavorisés d’établissements privés conventionnés, en accordant à chaque famille un financement global par élève. »

Autrement dit, il ne s’agit nullement de revenir globalement sur les accords Lang-Couplet pour libérer les écoles libres sous contrat dont le nombre est fixé à 20 % des écoles subventionnées par l'État. Il s’agit plutôt de s'assurer que le bon scolaire serve avant tout à mettre en place la discrimination positive en faveur des banlieues ethniques et là dans des écoles privées (qui ne seraient probablement pas comptabilisées dans les 20% desdits accords), mais elles seraient strictement laïques et républicaines.

Au fait, quel rapport entre ces mesures restrictives et la « libération de la croissance » ?

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Citation:
Également troublante la décision nº 6 (p. 28 à propos de la carte scolaire lourde de menaces liberticides :

« Le conventionnement des écoles privées devra être très strict sur la nature des enseignements et le respect des valeurs de la République. »
Au fait, quel rapport entre ces mesures restrictives et la « libération de la croissance » ?


Vous êtes encore naïfs au Québec

Il faut que les petits enfants soient abrutis dès leur plus jeune âge par la propagande officielle destinée à en faire des veaux dépourvus de tout esprit critique, tout juste bons à devenir des consommateurs indifférenciés ou des crève-la-faim (le capitalisme financier apatride a besoin des deux)
Les écoles qui risqueraient d'éveiller un peu les enfants doivent par conséquent être strictement interdites

Anonyme a dit…

En 1917, les Bolchéviques venaient chez vous, et vous mettaient le couteau sous la gorge : on adhérait à leurs valeurs, ou c'était le goulag. C'était brutal, mais au moins, c'était franc.

Aujourd'hui, en France, c'est le même esprit totalitaire qui s'exerce, différemment naturellement : Vous avez le droit de fumer, bien sûr, mais le prix du tabac est surtaxé, vous n'avez pas le droit de fumer dans les entreprises, les bars, les restaurants, etc. ce qui revient à une prohibition pure et simple du tabac.

En matière d'éducation, la liberté va être restreinte via cette habile manoeuvre : comme on ne va pas envoyer des CRS vous mettre le couteau sous la gorge, et vous demander un serment d'adhésion à la laïcité et autres valeurs dites républicaines (on sait ce que cela signifie...), on va vous empêcher de penser autrement, empêcher une éducation catholique et traditionnelle.

C'est une pierre de plus pour le mur que certaines belles âmes sont en train de bâtir autour de nous, le français moyen du XXI ème siècle, taillé à coups de serpe par la commission Attila et autres, sera non fumeur, sera vert (il pédalera sur son Vélib), sera "citoyen et républicain, pointilleux sur la laïcité" (il devra voter à gauche, adhérer à la discrimination positive, tenir pour révolue la religion chrétienne et sa pratique, tenir pour "gens d'extrême droite nauséabonds" ceux qui ne penseront pas comme lui).

Je suis vraiment écoeuré par ce qui se passe, par cette destruction de la France, de la morale de ses habitants, et par ce nouvel "homo sapiens francorum" que l'on fabrique artificiellement, par la ruse et le mensonge.

On va dire que je radote, mais bon, merci général micro, de leur avoir tout donné en 1945...

Anonyme a dit…

Ceci est en effet lourd de menaces.

Voir ce que Jeanne Smits de Présent écrit aujourd'hui. Elle remarque elle aussi que cette « véritable bombe » est passée inaperçue, et surtout elle était à la présentation du rapport. La confirmation de mon interprétation est donc confirmée par l’auteur du rapport lui-même :

« Véritable bombe passée inaperçue, le rapport Attali propose l’instauration de « droits à l’école » – en clair : le bon scolaire ou le chèque éducation – (décision 6), expérimentale dans un premier temps (décision 153). La gueule enfarinée, j’ai posé la question qui fâche : « Où commencera l’expérimentation, et les parents qui choisissent les écoles hors contrat pourront-ils en bénéficier ? » Le visage d’Attali se ferme, sa voix devient blanche : On commencera dans les banlieues défavorisées. (…) Quant aux écoles hors contrat, certainement pas. Seules sont concernées les écoles privées sous contrat, qui respectent strictement les programmes officiels, et, surtout (pause…) la laïcité ! » C’est le comble de la tromperie : par le biais du chèque scolaire, c’est un verrouillage complet de l’enseignement qui se mettra en place, le peu de liberté étant d’abord réservé aux banlieues… ethniques. »

Lundi dernier, lors de l'audience accordée aux membres de l'assemblée plénière de la Congrégation pour l'éducation catholique, le pape Benoît XVI a rappelé :

« Depuis toujours, le secteur de l'éducation est particulièrement cher à l'Eglise, appelée à faire sienne la sollicitude du Christ. La Tradition a vu dans l'enseignement - et plus généralement dans l'éducation - une manifestation concrète de la miséricorde spirituelle, qui est une des premières œuvres d'amour que l'Eglise a la mission d'offrir à l'humanité ».