lundi 25 août 2025

En Espagne, la bataille entre le parti Vox et la hiérarchie de l'église catholique

Je ne sais pas si c’est lié aux affaires de pédophilie qui bâillonnent complètement l’église… », a insinué le politique. « Un xénophobe ne peut pas être un vrai chrétien », a répliqué l’évêque. Vox, le parti de droite nationaliste qui prône comme valeurs le respect de la famille traditionnelle et de la culture chrétienne, s’écharpe de manière inédite avec la hiérarchie de l'église catholique. Les évêques d’Espagne prennent en effet, contre Vox, la défense des migrants et de la liberté de culte des musulmans. Une bataille dialectique inattendue à laquelle se livrent les dirigeants du parti Vox et ceux de l’église espagnole.



Les hostilités ont commencé fin juillet à Jumilla, dans la région de Murcie, au sud-est de l’Espagne. Dans cette ville de 27 000 habitants, l’unique conseiller municipal de Vox parvient à faire adopter par le PP (Parti populaire, droite centriste) au pouvoir l’interdiction de l’usage religieux d’un gymnase municipal et les prières sur la voie publique.  La résolution interdit explicitement la tenue d'événements tels que la fin du ramadan (Aïd el-Fitr) ou la fête du sacrifice (Aïd el-Adha), qui sont des événements clés du calendrier religieux musulman. La conférence épiscopale diffuse alors un communiqué pour, dès la première phrase « s’unir à la position de la Commission islamique d’Espagne», puis défendre la liberté religieuse «garantie par la Constitution espagnole (…) et par la Déclaration des droits de l’homme », qu’elle juge entravée par « une discrimination qui ne peut pas avoir lieu dans des sociétés démocratiques ».

Trois jours plus tard, le président de Vox, Santiago Abascal, concède une interview à une chaîne YouTube Bipartidismo Stream. Et élargit le champ de la confrontation. « Je suis perplexe et attristé face à une partie de la hiérarchie catholique, a commencé Abascal. Ce n’est pas seulement leur position en matière d’immigration ou face à l’islamisme extrémiste qui avance, c’est aussi leur silence devant de nombreuses politiques de ce gouvernement (du socialiste Pedro Sanchez, NDLR). Ils parlent très peu des politiques de genre, du droit à la vie, des anciens en fin de vie… »

Arrive alors l’estocade, sous forme d’interrogations rhétoriques : « Je ne sais pas à quoi cela répond. Je ne sais pas si ce sont les subventions publiques de l’église qui l’empêchent de combattre certaines politiques du gouvernement (…). Je ne sais pas si ce sont les revenus qu’elle reçoit dans le cadre du système d’aide à l’immigration illégale (en allusion à l’action sociale d’ONG catholiques comme Caritas, NDLR). Je ne sais pas si c’est lié aux affaires de pédophilie qui bâillonnent complètement l’église face aux actions de gouvernements liberticides, y compris contre la liberté religieuse et la foi. »

Une attaque en règle qui surprend au sommet de l’église. « Cette fois-ci, il a dépassé les bornes, réagit anonymement un évêque interviewé par le média Eldiario.es. L’extrême droite n’avait jamais utilisé le sujet des abus sexuels. » Les sources consultées rappellent que Vox n’en est pas à sa première attaque et que « ce ne sera pas non plus la dernière ». Elles y voient « une stratégie de la division ».



Le journal El Mundo explicite le calcul de la formation politique : « Parmi les 14,8 % d’électeurs qui disent vouloir voter Vox, 72 % s’identifient comme catholiques. » S’appuyant sur ses sondages, le quotidien estime qu’au cours des deux derniers mois, marqués par l’épisode de Jumilla et, auparavant, par les agressions violentes contre la communauté maghrébine de la petite ville de Torrepacheco, «Vox a monté au sein de l’électorat catholique. Entre juin et août, avec ses propositions de déportations massives, éloignées des thèses de l’église, Vox a engrangé 304.085 nouveaux électeurs catholiques croyants. » Le parti politique tablerait ainsi sur un décalage entre le discours de la hiérarchie catholique, empreint du message d’aide au prochain de l’Évangile, et les attentes des fidèles, qu’il suppose inquiets de la progression de l’islam en Espagne.

L’archevêque de Tarragone, Joan Planellas, était interviewé mardi par la chaîne publique régionale Catalunya Radio. Après avoir défendu la liberté religieuse, rattachant la position de la conférence épiscopale au concile de Vatican II, Mgr Planellas a mis en garde : « C’est un piège, et il faut en être conscient. Ils peuvent essayer de se présenter à dessein comme procatholiques, mais ils ne le sont pas. Un xénophobe ne peut pas être un vrai chrétien, et il faut le dire très fermement. » 
Sources : Le Figaro, ABC
 
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