vendredi 17 octobre 2025

États-Unis — le succès des immigrants Africains remet-il en question le racisme comme principal frein

En 1960, moins de 1 % des immigrants américains provenaient du continent africain. En 2020, ce chiffre avait grimpé à 11 %, marquant une transformation profonde de la démographie noire aux États-Unis.Au cours des 30 dernières années, environ 2 millions d’Africains ont immigré aux États-Unis, un chiffre quatre fois supérieur au nombre d’Africains déportés sur le continent nord-américain pendant toute la traite négrière transatlantique.

Aujourd’hui, plus d’un quart de la main-d’œuvre noire est née à l’étranger ou a des parents nés à l’étranger, redéfinissant radicalement ce que signifie être noir en Amérique. Les Africains, qui représentent désormais près de la moitié des immigrants noirs, forment l’un des groupes à la croissance la plus rapide. Les Caribéens et les Latino-Américains noirs contribuent également à cette diversification.Une étude récente de Rong Fu (université Waseda, Japon), Neeraj Kaushal (université Columbia) et Felix Muchomba (université Rutgers) démontre que cette vague d’immigration noire réduit l’écart de revenus entre Noirs et Blancs, stagnant depuis des décennies. 

Les immigrants noirs, souvent mieux éduqués que les Noirs nés aux États-Unis et les autres immigrants, s’installent dans des quartiers plus prospères, à majorité blanche, avec des écoles de qualité. Le succès des immigrants noirs semble promis à s’amplifier. Les fils d’immigrants gagnent davantage que ceux des
Noirs américains, bien qu’en deçà des Blancs. Plus frappant encore, leurs filles surpassent en moyenne les femmes blanches en termes de revenus. « Les Africains noirs sont en passe de devenir la prochaine minorité modèle », affirme Neeraj Kaushal, soulignant leur ambition et leur ténacité.

Ce dynamisme peut toutefois susciter des tensions. Autour d’un plat de bananes plantains frites au gingembre, Yvonne McCowin, consul honoraire du Ghana en Géorgie, confie que certains Africains jugent les Noirs américains insuffisamment combatifs face aux opportunités.De nombreux immigrants, ayant survécu à des conflits dévastateurs, adoptent une approche pragmatique face au racisme en Amérique. 

Olivia Mugenga, avocate rwandaise spécialisée dans les droits humains, dont la mère et les grands-parents ont péri lors du génocide contre les Tutsis, illustre ce point : « Les Noirs américains nous perçoivent parfois comme des ‘serviteurs domestiques’, un terme popularisé par Malcolm X pour désigner ceux qui s’accommodent d’un système oppressif pour réussir. Je ne suis pas une servante domestique ; je n’ai simplement pas le temps de prouver mon humanité aux Blancs. »

Les conservateurs citent souvent les immigrants caribéens et africains comme preuve que les Noirs peuvent prospérer aux États-Unis malgré les préjugés. Colin Powell, fils d’immigrants jamaïcains, l’a résumé ainsi : « J’ai surmonté le racisme. » Pourtant, Camilla Moore, présidente du Georgia Black Republican Council, rejette cette comparaison. « Les Africains et les Noirs américains n’ont rien en commun », déclare-t-elle. « Ils ressemblent davantage aux immigrants chinois ou allemands, dont les familles ont les moyens d’accéder à des institutions comme Harvard. » Elle ironise sur l’idée de discuter des droits civiques avec un Nigérian.

Un coiffeur d’un quartier noir d’Atlanta observe une nouvelle clientèle africaine croissante. Ce qui le frappe, au-delà des tensions, ce sont leurs choix de coupes : les Noirs américains privilégient des « afros bouclées, élégantes », tandis que les Africains optent pour un style sobre, « court et rasé près du cuir chevelu ». Pour lui, cela reflète une différence d’état d’esprit : « Les Africains cherchent avant tout à s’intégrer. »

[Note du carnet : Si l'étude ajuste les écarts de revenus pour l'éducation et analyse les tendances d'installation par État via une simulation, elle ne semble pas inclure d'ajustement explicite pour le coût de la vie. Or les immigrants africains se concentrent dans les villes où les salaires sont certes plus importants que dans les campagnes mais où le coût de la vie est plus haut. L'absence d'ajustement pour le coût de la vie rend la comparaison potentiellement biaisée, en faveur des immigrants urbains. Ces résultats pourraient surestimer le "succès" financier des immigrants noirs en ignorant le coût plus élevé des zones qu'ils choisissent (par exemple : New York) par rapport aux zones rurales du Sud, où vivent plus de natifs noirs américains.]


Source : The Economist

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