lundi 20 janvier 2020

France — réforme Blanquer du CAPES, connaissances sacrifiées

Anne Coffinier, directrice de Créer son école et fondatrice de Educfrance revient sur une réforme inquiétante du certificat d’aptitude à l’enseignement dans le second degré (CAPES) préparée par le ministère de l’Éducation.

Vers une réforme qui déforme ?

Un document interne à la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire (DGESCO) révèle les projets du Ministère pour le Certificat d’aptitude à l’enseignement dans le second degré (CAPES). Et les nouvelles ne sont pas bonnes ! D’après les informations d’Educ’France, connaissances scientifiques et capacité des professeurs à réagir aux questions de culture générale inhérentes à la discipline enseignée se voient sacrifiées… sur l’autel des aptitudes pédagogiques. Autrement dit, la réforme annoncée prétend former des professeurs qui sachent enseigner, sans nécessairement savoir quoi ni comment.

Jean-Michel Blanquer nous a délivrés des délires pédagogistes du dernier quinquennat. Mais gardons-nous de crier victoire. Ils pourraient revenir par le truchement d’une réforme qui, loin de se soucier du contenu, semble tout miser sur le contenant. Ceux qui soutiennent le CAPES 2.0 louent en effet son côté « professionnalisant ». Au diable les « sachants » ! L’Éducation nationale veut désormais des professeurs capables d’enseigner loin de l’abominable « verticalité », ou logique « top down » trop susceptible d’autorité. De nouveau, cette réforme se place sous le signe de l’antagonisme supposé du fond et de la forme : connaissances contre transmission, culture contre pédagogie, bref. Ceux qui raisonnent en termes binaires ne rendront pas service à notre pays, qui mérite que l’on redécouvre la richesse du plus beau métier du monde.

Le fil rouge d’une réforme du concours devrait être la recherche d’une conciliation, constante, de deux impératifs catégoriques : connaissance et transmission. S’il faut tirer les leçons des échecs de la formation des enseignants, faisons-le sans concessions.

Rétablissons l’exigence d’un haut niveau de connaissances aux épreuves d’admissibilité. L’entrée de plain-pied dans l’école du XXIe siècle ne doit pas se faire au détriment du savoir, a fortiori quand l’accès au savoir dématérialisé entretient l’illusion de la vanité du par cœur. Il est scientifiquement prouvé que, seule l’appropriation personnelle, régulière et réitérée des connaissances est capable de forger une culture à même d’être développée puis transmise.

Tirons parti des ressources des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle pour enrichir le savoir comme ses modalités de transmission, sans jamais renoncer à ce qui fait notre identité. À commencer par nos traditions académiques, et notamment l’attachement qui doit être le nôtre à la philosophie, durement éprouvée par ce que devrait être la réforme.

Gardons-nous enfin de tout angélisme. Derrière les velléités d’élargissement du concours à des catégories socio-professionnelles qui en seraient exclues, c’est l’égalitarisme qui s’agite. Trop de démocratie tue la démocratie.

Anne Coffinier

Voir aussi

Suppression de la culture générale [ENA, Sciences Po] — constance dans l’erreur bourdieusienne des « élites »

Sciences Po a supprimé son concours d’entrée, plus personne n’en parle


L’excellence scolaire des jeunes élèves d’origine asiatique


France — l’enseignement du français a été amputé de près de 600 heures entre 1976 et 2015


Aucun commentaire: