mercredi 19 mai 2010

Colloque de l'ACFAS sur ECR — résumé des interventions

On trouvera ci-dessous les résumés des différentes communications lors du dernier colloque de l'ACFAS consacré au programme d'éthique et de culture religieuse qui se tenait la semaine passée à Montréal. (On trouve sur la page du colloque de brefs résumés officiels des interventions.) L'ACFAS devrait éventuellement publier les Actes du colloque.

Rapport sur le colloque de l’ACFAS, le 12 mai 2010 sur « Le nouveau programme d’éthique et culture religieuse, au regard de la laïcisation et de la pluralisation de la société québécoise ».

Résumé par Jean Morse-Chevrier

Mirieille Estivalèzes


Mirieille Estivalèzes, professeur adjointe à la faculté de théologie et des sciences des religions de l’Université de Montréal, a ouvert le colloque en rappelant les défis qu’a présenté l’implantation du programme d’éthique et culture religieuse, à tous les niveaux en même temps, avec de nouveaux contenus portant sur six religions et des « religions séculières », avec une nouvelle pédagogie basée sur des situations d’apprentissage et d’évaluation (SAÉ) et une approche par dialogue impliquant la nécessité d’une impartialité de la part des enseignants, avec tout ce que cela impliquait pour la formation des enseignants.

Elle a nommé les reproches faits au programme dans divers milieux. D’abord que le programme pourrait perturber l’identité religieuse des enfants et interférer avec la transmission de la foi par les parents et introduire les enfants au relativisme. Ce reproche amène les parents à demander l’exemption. Ensuite que le programme favorise le multiculturalisme, avec référence à Joëlle Quérin. Finalement que le programme fait l’apologie des religions, ce qui mène certains à en demander sa suppression.

En conclusion à ces reproches, elle a dit que « l’on prête à ce programme plus de nuisance que ce qui est probable, vu le peu de nombre d’heures qui lui sont consacrées. » [Note du carnet  : faut-il comprendre que ce programme a peu d’effets en général et qu’il est donc même peut-être une perte de temps ?]

Mme Estivalèzes a dit que le colloque se centre sur la partie culture religieuse du programme parce que « c’est la partie la plus contestée. »

Commentaire (hors colloque) de Jean Morse-Chevrier : Il est à noter qu’à aucun moment dans le cadre de ce colloque on a répondu de façon adéquate à ces reproches. Aussi, le collège Loyola s’oppose particulièrement à la dimension éthique du programme. L’Association des parents catholiques du Québec reproche autant le volet éthique que de culture religieuse au programme tel que démontré dans son mémoire à la commission Bouchard-Taylor. Le volet éthique introduit les enfants dès le primaire à une remise en question de leurs valeurs familiales et religieuses.

Micheline Milot


Micheline Milot, professeure au département de sociologie de l’UQAM a ensuite pris la parole pour parler de « La religion et l’enseignement au Québec : un révélateur des évolutions sociales ».

L’enseignement scolaire de la religion est porteur d’autre chose que de lui-même depuis la fin du XVIIIe siècle, d’autres dimensions du devenir social.

Dans quelle dimension constitutive de l’école, l’enseignement de la religion a-t-elle pris place ? Il a pris diverses formes : d’abord l’instruction religieuse, ensuite l’enseignement religieux, puis l’enseignement moral et religieux, puis l’éthique et culture religieuse.

Un premier fait : l’idée des écoles laïques remonte à 1787, au moment où le gouverneur de l’époque [Note du carnet : Lord Dorchester], a formé un comité avec le clergé anglican et catholique qui a recommandé de fonder des écoles laïques qui atteindraient des finalités diverses, favoriseraient une identité collective et permettraient un rapport à la diversité. [Note du carnet : identité collective ou diversité ?]

Il recommandait un système neutre avec fréquentation obligatoire où aucune église n’imposerait sa doctrine. Devant la double altérité proposée d’autres croyances et vérités, l’Église catholique s’oppose et fait primer la religion catholique comme priorité scolaire. Les groupes protestants avec les Français libéraux font primer l’instruction générale sur l’instruction religieuse. Les libéraux voient dans l’école séculière une chance d’établir l’égalité avec les Anglais et les protestants une chance d’assimiler les Français. L’Église catholique pour sa part maintient que l’école doit garantir l’identité catholique, en tant que droit inaliénable. Elle est prête à refuser les fonds de l’État plutôt que d’accepter que l’État ait droit de regard sur les écoles.

En 1801, on connut « les écoles de l’Institution royale », vue comme assimilatrice, dont un tiers fut en français et avec le catéchisme. Les Français libéraux demeuraient insatisfaits des écoles religieuses où, selon Mme Milot, l’on promouvait plus le catéchisme que l’instruction générale.

[Note du carnet : Mme Milot omet de dire que l’Angleterre avait déjà institué des écoles similaires en Irlande dans sa tentative – réussie – d’anglicisation du pays. Ces écoles servaient aussi à dissuader les familles anglophones d’envoyer leurs enfants aux États-Unis et d’y flirter avec des idées républicaines, selon les auteurs de la Vie littéraire au Québec 1764-1805]

En 1841, lors de l’union des deux Canada, il y avait 40 groupes différents, majoritairement chrétiens. Les écoles protestantes étaient mixtes au niveau de la religion et de la langue. Elles proposaient des principes religieux et moraux, sans prosélytisme. On craignait à cette époque la division scolaire confessionnelle qui pourrait engendrer une fragmentation sociale. La Loi sur l’Instruction publique de 1841 reconnaissait des écoles communes et non confessionnelles, mais qui avaient des examinateurs différents pour les catholiques et les protestants. Ce fut la première division confessionnelle scolaire. À cette époque, donc, les protestants avaient des écoles neutres, soutenues par l’État, « ouvertes à la diversité » avec de l’enseignement de principes moraux. Les catholiques avaient des écoles confessionnelles, exclusives aux catholiques, qui faisaient primer, selon Mme Milot, l’enseignement religieux catholique sur l’instruction générale. Ce sont deux matrices qui se retrouvent à travers l’histoire sous différentes formes.

En 1875, il y a eu, sous le gouvernement conservateur au pouvoir au Québec, une cristallisation des systèmes protestants et catholiques. Le premier ministre est d’avis que le politicien n’a pas la compétence de s’occuper d’éducation. En 1867, l’article 93 de l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique avait reconnu un état de fait, la présence de systèmes catholique et protestant et donné le pouvoir sur l’éducation aux provinces. Pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, les libéraux canadiens-français, qui sont contre le fait d’accorder des fonds aux écoles confessionnelles abdiquent.

Au début des années 1960, l’Assemblée nationale a formé une commission d’enquête sur l’Éducation dont un des enjeux était le rôle de l’État et de l’Église. Suite au rapport de la commission, le ministère de l’Éducation a été créé après des compromis avec l’Église. Les écoles catholiques refusent les non-catholiques qui sont alors scolarisés dans les écoles protestantes anglophones. [Note du carnet : Les écoles catholiques accueillaient des immigrants, ce qui est bien une ouverture à une « diversité », voir Robert Gagnon, « Pour en finir avec un mythe : le refus des écoles catholiques d’accepter les immigrants », Bulletin d’histoire politique, 5,1 (hiver 1997) : 120-141]

Le Mouvement laïc québécois fait pression par la suite pour que l’école catholique accepte « la diversité ». L’enseignement religieux est abordé dans le rapport sous l’angle de la confessionnalité par rapport à la non-confessionnalité. On y trouve aussi une interrogation face au pluralisme et l’éducation à la tolérance. Le rapport recommande le « respect des opinions d’autrui » et recommande l’enseignement non confessionnel quand le nombre le permet, ce qui ne sera pas mis en pratique.

Dans les années 1970, arrive la Charte québécoise avec des clauses dérogatoires pour la discrimination. Le Comité catholique publie « Voies et Impasses » où elle demande « La religion a-t-elle une place à l’école ? » Dans les années 1970, les protestants accueillent les enfants non catholiques et contribuent à la socialisation des immigrants. Leur enseignement moral et religieux inclut une partie sur la bible, une partie sur les diverses religions et une partie sur la formation personnelle et sociale. On se questionne dans les milieux d’éducation sur la quête de sens de l’enfant et la possibilité d’enseigner diverses philosophies, tout en reconnaissant que le patrimoine du Québec relève du catholicisme.

En 1997 le gouvernement forme le groupe sur La place de la religion à l’école. Cette commission d’enquête reçoit plus de 280 mémoires. Pour la première fois, les groupes de la société civile vont avoir du poids. L’État n’est plus face à l’Église. La commission recommande la laïcisation du système scolaire et l’introduction d’un cours de culture religieuse. À la fin des années 1990 il y a une tendance à la déconfessionnalisation des enseignements et vers la diversité religieuse. Les notions d’apprentissage religieux interculturel et de l’éducation à la citoyenneté font leur chemin.

Un Comité sur les affaires religieuses est formé et il recommande l’introduction d’un cours d’éthique et culture religieuse (ÉCR). L’Assemblée des évêques catholiques du Québec reconnaît que l’enseignement religieux revient à l’Église. D’autres acteurs sociaux tiennent d’autres discours. Certains sont favorables à l’ÉCR au nom de la compréhension de l’autre, du dialogue et de l’intégration des immigrants. D’autres dénoncent ÉCR au nom de l’enfant et de l’identité nationale.

Le cours d’ÉCR est un pur produit québécois. En 2005, alors qu’on annonce l’introduction du programme en 2008, les acteurs principaux sont les professionnels du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et les responsables du programme d’une part. De l’autre part, il y a l’Association des parents catholiques du Québec (APCQ), les laïcistes et les nationalistes identitaires pour qui l’identité nationale inclut la religion catholique. Les parents soulignent le risque de relativisation de la foi des enfants et démontrent une appréhension face au contact de leurs enfants avec des personnes d’autres religions et avec des vérités concurrentes (la double altérité crainte dès le début). Pour les laïcistes, l’État fait la promotion des religions versus la raison critique.

En conclusion, dans le discours éducatif, la religion égale un enjeu social. On remarque une « persistance qui fait craindre l’ouverture à la religion de l’autre de quelque façon que ce soit. » L’Association des parents catholiques du Québec est contre les accommodements raisonnables. Pour les laïcistes, la laïcité est un rempart contre les accommodements religieux. Sur le programme d’éthique et culture religieuse s’accrochent d’autres dimensions sociales telles que les accommodements raisonnables dans la société.

Commentaire (hors colloque) de Jean Morse-Chevrier : Il est inexact de dire que l’APCQ et les parents en général qui se sont opposés à ce programme aient voulu soustraire leurs enfants au contact avec des personnes d’autres religions et de dire que l’APCQ est contre les accommodements raisonnables dans la société comme en fait preuve notre mémoire à la commission Bouchard-Taylor.

Solange Lefebvre (présenté par Louis Charles Gagnon-Tessier)


Louis Charles Gagnon-Tessier, doctorant à l’Université de Montréal fait une présentation dont la première partie comprend les propos de Solange Lefebvre, absente du colloque. Mme Lefebvre est titulaire de la Chaire Religion, culture et société de la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal. Le titre de la présentation est : Catholicisme, laïcité, sécularisation et « autres religions » dans les commissions Proulx et Bouchard-Taylor.

La commission Proulx consulte plusieurs organismes, et donne lieu à un rapport et une commission parlementaire. La commission Bouchard-Taylor est une commission de consultation d’acteurs divers. Ni l’un, ni l’autre n’est parfaitement représentatif de la population.

Première partie (écrite par Solange Lefebvre et présentée par M. Gagnon-Tessier).

L’école : séculière ou laïque? Plusieurs termes tournent autour des racines de ces deux mots. Ceux apparentés à séculier viennent de racines anglaises (secular) et protestantes. Ceux apparentés à laïc viennent de racines catholiques.

Le mot anglais « secular » a été traduit par séculier ou par laïque par exemple pour les écoles de l’Ontario ou en parlant de la loi. Le Rapport Proulx utilise les deux termes « laïque » ou « séculier » en opposition à « confessionnel », mais opte finalement pour « laïque » en prenant position pour une « laïcité ouverte ».

En traitant de l’enseignement des religions, Pauline Marois utilise le terme « pensée séculière » pour référer aux courants tels que l’humanisme et le marxisme. Certains courants classés par elle comme séculiers ne seront pas inclus dans le programme d’éthique et culture religieuse alors que d’autres qui peuvent être ainsi classés s’y trouveront. On ne retient pas le terme « séculier » dans le programme ÉCR.

En Europe, la Grande-Bretagne utilise davantage le terme séculier en référant à la dimension humaine de la religion. En France on se sert de laïque pour parler de la religion dans la culture (œuvres d’art, etc.). Le Québec est plus semblable à la Grande-Bretagne dans le cours ÉCR qui inclut la dimension humaine de la religion.

Gagnon Tessier


Deuxième partie (Gagnon Tessier).

L’auteur fait une recherche dans les rapports Proulx et Bouchard-Taylor sur la présence du mot « catholicisme ». Il en trouve 8000 occurrences. Dans Proulx, les mentions ont une connotation négative dans 3,8 % des cas, positive dans 22 % des cas et neutre dans 74 % des cas. Dans Bouchard-Taylor, les proportions sont respectivement de 18 %, 21 % et 60 %.

Commentaire (hors colloque) par Jean Morse-Chevrier. Lors de la période de questions, on a remis en question l’opinion que le cours ÉCR s’approchait plus du modèle anglais. M. Gagnon-Tessier a répondu que cette opinion se basait sur le fait que le programme québécois incluait aussi des éléments expérientiels de la religion.

Mireille Estivalèzes


Mireille Estivalèzes, Les programmes de culture religieuse à l’école au Québec des années 1970 à aujourd’hui. Mise en perspective historique et culturelle.

De 1969 à 1972 des données sur les sciences religieuses se trouvaient dans les contenus du développement personnel et la formation du futur citoyen, selon un modèle phénoménologique.

De 1977 à 1982, il y a eu au Québec un programme optionnel d’éthique et culture religieuse suivi par plus de 5000 élèves. Il couvrait les principales traditions, les religions dans les sociétés archaïques, les grandes religions, la religion au Québec et la quête de sens. Ce cours termine en 1982. Le Comité catholique valorise l’enseignement moral et religieux catholique ou protestant et l’enseignement moral.

En 1996 il y a les États généraux de l’Éducation suivis en 1997 par le Groupe de travail sur la Place de la religion à l’école. Pauline Marois confie un Comité sur le phénomène religieux à Fernand Ouellet [Note du carnet : Qui est Fernand Ouellet ?], comme coordonnateur, afin d’étudier la faisabilité d’un programme d’ÉCR selon une approche phénoménologique. Ce comité recommande qu’ÉCR soit donné à tous les élèves, dans une perspective de sciences humaines et sociales. ÉCR devra répondre à des finalités intellectuelles (comprendre la place occupée par la religion et les visions séculières), civique (favoriser le vécu dans une société pluraliste) et existentielle (se situer de façon critique dans leur recherche de sens). ÉCR devra aborder différentes religions, y compris des anciennes.

En 2000, la Loi 118 rend obligatoire le cours d’ÉCR au 2e cycle du secondaire. Il tourne autour de la quête de sens et du vivre-ensemble. On a peu de données sur cette expérience, car la Commission des programmes d’études ne donne pas son approbation, ne définit pas ÉCR, ne définit pas les contenus et ne définit pas les exigences de formation.

En 2004, le Comité sur les affaires religieuses (CAR) publie Éduquer à la religion à l’école : enjeux actuels et pistes d’avenir. Il est à noter qu’en 2002 Régis Debray, en France, propose un enseignement transversal sur les religions, d’inclure la formation personnelle et sociale et le sens civique et propose quatre apprentissages : le positionnement dans l’univers des convictions, la connaissance et la reconnaissance de l’autre, la réflexivité sur ses propres convictions et le sens civique dans l’affirmation sociale de l’identité.

En 2005 le MELS annonce la « Mise en place d’un programme d’ÉCR : une orientation d’avenir pour tous les jeunes du Québec », avec des apprentissages continus et progressifs, enracinée dans la réalité chrétienne et de diversité, avec le respect de la liberté de conscience et de religion des élèves et familles grâce à une posture d’impartialité de l’enseignant et qui favorisera le vivre-ensemble.

Le programme ÉCR comprend trois axes en culture religieuse. Le premier traite de l’héritage religieux québécois et inclut les religions juives, chrétiennes et les spiritualités amérindiennes. Le deuxième traite de l’ouverture à la diversité. Le troisième vise à ce que l’élève se situe de façon à avoir une distance réflexive sur les différentes religions.

Parmi ses finalités on retrouve : l’enjeu patrimonial et culturel, l’objectif civique aux dimensions plurielles, la formation personnelle des jeunes, la compréhension des éléments constitutifs des religions en incluant les rites qui indiquent leur aspect vivant, les phénomènes religieux dans leurs différentes dimensions, la reconnaissance de l’autre et le bien commun, la richesse des diverses expressions du religieux, les éléments sociaux et culturels, ce qui est visible dans les religions.

En conclusion, l’approche du religieux dans ce cours est de type phénoménologique ; c’est une approche horizontale qui favorise les convergences entre les religions au détriment des contextes historiques. Il y a une volonté de contribuer au développement personnel des jeunes entre leur quête de sens et les visions du monde. N.B. Le rapport Proulx demandait que ce cours ne vise pas un développement spirituel, mais ouvre à une quête de sens comme finalité civique on retrouve la tolérance active. Ça répond à un objectif patrimonial et la démarche est compréhensive.

Des questions ont suivi cette présentation. Les réponses sont de Mme Estivalèzes.

Question résumée : Pourquoi dire que ce programme est phénoménologique ? Réponse résumée : Parce qu’il s’intéresse à ce qui est visible et porte plus sur les rites et pratiques que sur les croyances. Le découpage est thématique et transversal, par ex. sur les personnages, lieux et rites. Donc c’est fait dans une perspective de comparaison entre les religions qui favorise la convergence, mais ne doit pas gommer les divergences entre les religions sinon ça mènera à un syncrétisme sans valeur. Afin d’éviter l’écueil de la redondance et la lassitude des enseignants, il faut pouvoir donner de la cohérence aux éléments des différentes religions. Il y a un progrès restrictif dans le choix des contenus et trois réalités bien différentes : le programme qui est, selon Mme Estivalèzes, très précis dans les contenus normatifs, les manuels et le vécu en classe.

Un commentaire résumé (de Georges Leroux) : Je ne crois pas que l’approche est phénoménologique, parce que la religion y est un objet culturel. En 2001 le projet du CAR était phénoménologique, mais en 2005 le programme CR refuse l’approche phénoménologique et développe plutôt les aspects sociologiques comme objet de culture. ÉCR est plus laïque dans le sens français qui rejoint l’objectivité sociale, l’effectivité dans la culture, que séculier dans le sens de la Grande-Bretagne qui traite du fait religieux avec de l’empathie par exemple en traitant des fêtes dans un contexte religieux. En France la religion dépend de la littérature et de l’histoire, etc. pour son enseignement. Réponse : ÉCR n’est pas l’histoire, la psychologie, la sociologie des religions. Dans l’optique de la phénoménologie des religions, les éléments communs ne doivent pas devenir un mélange et produire du syncrétisme.

Commentaire résumé (Micheline Milot) : Vous avez référé au clergé. C’est un récit d’un combat pour le pouvoir, dont on a encore des soubresauts. Si la Bataille des Patriotes avait eu un autre résultat, les choses seraient différentes. L’État a récompensé l’Église (ultramontaine) pour son rôle. Le MELS a coupé court au développement personnel et la quête de sens chez les jeunes.

Georges Leroux


Pour l'intervention de Georges Leroux, voir le billet ici (L’État doit viser à destabiliser les systèmes absolutistes de croyance).

Pierre Bosset


Allocation de Pierre Bosset, professeur et chercheur au Département des sciences juridiques de la Faculté de science politique et de droit de l'UQAM professeur. L’enseignement de la culture religieuse à l’école, les chartes des droits et les parents. Éléments pour une analyse du discours juridique entourant un droit « fondamental ».

Discours juridique des parents. Depuis le rapport Parent, les acteurs sont les politiciens, les organismes consultatifs et la société civile. Lors du Rapport Parent qui a traité du droit fondamental des parents sur l’éducation, il n’y a pas eu de référence aux Droits de l’Homme (international), les parents ont fait appel au droit naturel.

Dans les années 1970 lorsqu’il a été question de la charte et de son article 41 en Commission parlementaire la seule intervention de nature juridique est venue de l’Association des parents catholiques du Québec qui a référé à la Déclaration universelle des droits de l’Homme (article 26) pour réclamer l’école confessionnelle chrétienne et des structures administratives chrétiennes (les commissions scolaires). Mais, comme l’aurait souligné Jérôme Choquette, la Déclaration des droits de l’Homme n’est pas contraignante sur la loi au Canada, elle aide à interpréter la loi.

Suite à la Charte, il a fallu justifier ce que M. Bosset appelle le régime discriminatoire.

Puis avec le comité Proulx, la position du Conseil supérieur de l’éducation, etc. est venu un contre-discours. Suite à cela l’article 41 a été modifié avec l’ajout « dans le respect de l’intérêt de l’enfant ».

En 2007, devant la Commission Bouchard-Taylor, l’Association des parents catholiques du Québec a réclamé le retour de l’article 41, dans sa forme originale.

Chez les parents, le discours juridique a remplacé le discours du droit naturel.

Normes internationales. Au Canada, le droit international donne une perspective d’interprétation du droit interne. La Déclaration des droits de l’Homme (1948, puis 1966) reconnaît aux parents la liberté d’assurer ou de faire assurer l’éducation morale des enfants.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies reconnaît à l’école le droit d’enseigner des sujets tels que l’histoire générale des religions ou des idées dans les établissements publics à condition que l’enseignement soit dispensé de façon neutre et objective. Cette précision à l’article 18 (4) est apportée par le comité des droits de l’Homme des Nations unies le 20 juillet 1993. [Note : Comité qui n’a, selon plusieurs juristes, aucune autorité réelle et n’engage pas les États.]

En Europe, la Cour européenne s’est prononcée sur une situation en Norvège où le programme d’enseignement culturel des religions donne une prépondérance au christianisme qui occupe la moitié du programme. Elle a jugé que c’est légitime d’accorder une prépondérance dans les limites acceptables. La différence était aussi qualitative à cause de l’approfondissement des connaissances chrétiennes et de la présence d’activités et prières. Ce n’était pas un enseignement neutre et objectif, sinon on n’aurait pas besoin d’exempter. En l’absence de neutralité et d’objectivité, il faut permettre de dispenser sans mettre le fardeau sur les parents. Cela suppose que les parents soient au courant.

[Il s’agit probablement de l’arrêt Folgerø et autres c. Norvège du 29 juin 2007]

Contestations. La Cour supérieure (Drummondville) a rejeté la demande des parents de soustraire leurs enfants à l’obligation en école publique d’assister au cours d’éthique et culture religieuse, sur la base de la liberté de religion et de conscience. La demande a aussi été rejetée en appel.

L’école privée catholique (Loyola) demande la dispense pour des raisons humanitaires et de préjudices.

En droit, il faut que l’atteinte à la liberté soit plus que négligeable ou insignifiante. Il y a un seuil minimal.

La sincérité de la personne est requise et à Drummondville les parents étaient sincères, mais la sincérité ne suffit pas. Il faut une preuve suffisante d’atteinte à la religion et la conscience. On tient compte des finalités du programme et il ne faut pas qu’il y ait endoctrinement. Le juge a tenu compte du [Note du carnet : seul] témoignage du théologien Gilles Routhier qui a dit que l’Église catholique préfère que l’école enseigne la religion catholique, mais accepte le bien-fondé d’une présentation objective des autres religions [Note du carnet : sans parler du cas particulier du programme ECR]. La Cour d’appel a confirmé qu’il n’y avait pas d’atteinte à la liberté de conscience. [Note du carnet : pas vraiment, que l’affaire était devenue théorique — ce qui semble faux puisque l'enfant doit suivre le cours ECR à son école privée ! — et que l’interprétation de l’article 222 de la LIP qui régit l'exemption que faisaient les parents ne pouvait être acceptée, sans plus.]

Les parents ont déposé une requête pour être entendus par la Cour Suprême du Canada. La Cour Suprême doit accorder sa permission et elle le fait pour des questions de droit importantes. L’état unanime du droit international fait que la question de droit n’est pas ambiguë. Par contre il y a un point de conflit : quel poids accorder à la doctrine de l’Église et la sincérité de l’individu?

Il y a des intérêts sociaux en présence sur lesquels la Cour supérieure n’a pas eu à se prononcer. La mission de l’école (Loi sur l’instruction publique, LIP) est de faciliter le cheminement spirituel de l’élève par le service d’animation spirituel et d’engagement communautaire. La mission de l’éducation dans le droit international demande le respect des droits de l’homme, des parents, de l’égalité entre les personnes et entre les groupes ethniques. Il existe également l’article 29 de la Convention relative aux droits de l’enfant.

Question par une enseignante qui s’est identifiée comme étant l’enseignante de secondaire 4 de l’école secondaire J.H.-Leclerc de Granby. Elle dit avoir eu dans sa classe 3 élèves qui ont été retirés du cours d’éthique et culture religieuse. Elle rapporte une question par les parents des élèves. Est-ce que la direction d’école a le droit de suspendre les enfants qui ont le droit d’aller à l’école selon la LIP et qui ont le droit à leur liberté de religion en fonction de la charte ?

Réponse par M. Bosset : Il y a une tension entre deux droits. Il y a un principe selon l’individualité des droits. On évite de dire que tel droit prime sur un autre. Il n’y a pas de solution blanc-noir. Il aurait été préférable de ne pas les suspendre à cause de leur droit à l’éducation. C’est une conséquence disproportionnée. [Note du carnet : stricto sensu, il n’y a pas à trancher entre les deux principes, les deux étaient à l’avantage des enfants : devoir d’offrir un enseignement de la part de l’État, droit à la liberté de religion et de conscience.]

Question posée en privé après la présentation, par Jean Morse-Chevrier Je trouve que ce n’était pas à la Cour supérieure à se prononcer sur la position de l’Église catholique et ce, sur la base d’un seul témoignage expert, qu’en pensez-vous  ?

Réponse de M. Bosset : Je suis d’accord avec vous. Je suis content que les parents portent la cause en Cour Suprême pour clarifier la question.

Louis-Charles Lavoie


Pour le résumé de la communication de Louis-Charles Lavoie, voir Formateur de formateurs en ECR : beaucoup de résistances, faible réceptivité, obstacles au début de l'implantation.


3 commentaires:

Walter Y. a dit…

La prof Milot semble totalement déconnectée de la vérité historique, elle réécrit l'Histoire :

"787, au moment où le gouverneur de l’époque [Note du carnet : Lord Dorchester], a formé un comité avec le clergé anglican et catholique qui a recommandé de fonder des écoles laïques qui atteindraient des finalités diverses, favoriseraient une identité collective et permettraient un rapport à la diversité."

Des Geeks et des lettres a dit…

Certains pensent que les religions ne doivent pas être enseignées, pour ma part je ne pense pas qu'il faille se mettre des oeillères. Je viens par exemple de lire dans les Evangiles le commandement : « Ne résiste pas au méchant ». Fascinant. Ces cinq mots résument un concept totalement nouveau, novateur et ahurissant si vous appliquez la consigne à une échelle mondiale. (mon petit rapport ici : http://bit.ly/a0EyJO )En conclusion, on peut peut-être enseigner l'histoire des religions comme faisant partie de la culture de l'humanité.

Anonyme a dit…

Tolstoï sur « ne résiste pas au méchant »

http://fr.wikisource.org/wiki/Ma_religion/II

Le véritable sens de la parole de Jésus ne peut faire aucun doute ; elle signifie :"Ne résistez pas au mal en imitant le méchant." Léon Tolstoï, à qui l'on reproche tout à fait indûment d'avoir fondé une "doctrine de la non-résistance", traduisait toujours ainsi la maxime évangélique : "Ne résistez pas au méchant par la violence."