lundi 20 février 2023

Québec — Pénurie d'enseignants, hausse des dépenses et des besoins pour élèves allophones et vulnérables

« On peut dire qu’aujourd’hui, on est toujours en rattrapage par rapport à ces départs massifs qui ont été causés par l’austérité des libéraux », a déploré Bernard Drainville.

(Québec) Questionné sur les conséquences de la pénurie de main-d’œuvre dans les écoles, Bernard Drainville renvoie la balle aux libéraux tandis que l’ex-ministre des Finances, Carlos Leitão, admet des regrets sur les compressions en éducation.

Cette sortie publique coïncide avec une série de nouvelles sur les conséquences de la pénurie de main-d’œuvre en éducation. Le centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) s’est résigné à embaucher des enseignants non légalement qualifiés pour enseigner auprès des élèves les plus vulnérables, en adaptation scolaire, rapporte La Presse. Et les délais d’attente subis par les élèves allophones pour obtenir un enseignement en français ont aussi fait l’objet d’articles de presse. Voir La naïveté québécoise face à l’immigration et à la dénatalité : l’anglais langue commune même à l’école en français…

Au moment où le gouvernement Legault entame un deuxième mandat, M. Drainville défend le bilan de la Coalition avenir Québec (CAQ) : « Depuis qu’on est là, les dépenses en éducation, en moyenne, ont augmenté de 1 milliard par année. » 

Hausse constante des dépenses, qu'en est-il de la qualité ?

 

Le Québec chef de file des hausses de dépenses en éducation

En 2017-2018, la dépense globale par élève pour l’éducation préscolaire, l’enseignement primaire et secondaire au Québec était de 13 987 $, soit environ 2 % moins élevée qu’en Ontario (14 254 $) et que la moyenne canadienne (14 253 $).

Il est toutefois important de noter que la comparaison interprovinciale de la dépense par élève pour l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire et secondaire ne tient pas compte des différences du coût de la vie entre les provinces canadiennes. Celui-ci est moins élevé au Québec comparativement à l’Ontario et à la moyenne canadienne (écart de 15 % et 9 %, respectivement, en 2017). Si l’on tient compte de cette différence, la dépense par élève pour l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire et secondaire est plus élevée au Québec.

Enfin, notons que l’enseignement secondaire est plus court au Québec. Or, les dernières années du lycée (le collégial au Québec) coûtent plus cher que celles du secondaire québécois. Ceci tend aussi à fausser les comparaisons entre les pays.

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Hausse des salaires, pensions et des « élèves en difficulté » [y compris les immigrants]

Selon un rapport de l’IEDM en 2017 où l’on observait déjà une hausse des dépenses pendant les dix années précédentes :

Pourquoi les dépenses en éducation ont-elles grimpé autant ? On peut d’office éliminer une cause : les dépenses d’infrastructure. Selon l’évaluation la plus récente, le déficit d’infrastructure, soit le montant qu’il faudrait dépenser pour remettre à niveau les bâtiments des commissions scolaires du Québec — ce qui inclut les écoles —, dépasse les 6 milliards $. Cette remise à plus tard des dépenses d’entretien normales a donc contribué à atténuer la croissance des dépenses du ministère.

C’est plutôt du côté des salaires qu’il faut regarder pour comprendre l’emballement des dépenses au cours des dix dernières années. Premièrement, le rapport élèves-enseignant dans les commissions scolaires est passé de 14,2 à 13,3 entre 2006-07 et 2015-16. Ce changement, qui peut sembler minime, a eu des impacts considérables sur les coûts récurrents en éducation.

La deuxième cause d’augmentation des dépenses est liée aux paiements de l’État dans les caisses de retraite des employés, qui ont bondi de près de 50 % en tenant compte de l’inflation lors de cette même période4. La troisième raison est le vieillissement des employés : comme on embauche pour le moment relativement peu de nouveaux professeurs, la progression automatique dans l’échelle salariale au fil des années fait augmenter les coûts par employé.

Outre les coûts salariaux, un autre phénomène fait croître de façon importante les dépenses en éducation : la croissance rapide de la proportion d’élèves en difficulté d’apprentissage et d’adaptation ou ayant un handicap. Le pourcentage de ces élèves inscrits au secteur public est passé de 16 % en 2006 — 2007 à 21,5 % du total en 2016-2017, une hausse d’un tiers. Étant donné qu’un élève présentant un handicap donne droit à une subvention qui peut être jusqu’à quatre fois plus élevée, ce facteur contribue lui aussi à la hausse des dépenses.

Bref, le gouvernement du Québec dépense de plus en plus en éducation. Ce n’est pas parce qu’il y a plus d’élèves ni parce que les écoles sont mieux entretenues, mais parce que le rapport d’élèves par professeur a baissé, que les coûts salariaux ont augmenté et qu’il y a plus d’élèves avec des besoins particuliers.

Il n’est pas du tout évident que cette augmentation constante des coûts de l’éducation se soit accompagnée par une hausse de la qualité de l’enseignement :

« Une part non négligeable de l’amélioration du taux de diplomation du secteur public est liée à la création de nouveaux diplômes dont la valeur est remise en question par certains observateurs8. À titre d’exemple, on peut nommer le Certificat de formation préparatoire au travail, qui nécessite que l’élève ait suivi 2700 heures de formation générale au niveau secondaire (soit environ trois années) et complété un stage de 900 heures en milieu professionnel (autrement dit qu’il ait occupé un emploi) ; ou encore le Certificat de formation en insertion socioprofessionnelle des adultes, décerné à un élève qui a réussi ses cours de français, anglais et mathématiques du niveau primaire, ainsi qu’une formation de 900 heures en sensibilisation au marché du travail. Environ 40 % de l’augmentation du taux de diplomation sur sept ans pour l’ensemble du Québec est due à ce nouveau type de qualification.

Enfin, la pression pour améliorer les taux de réussite a-t-elle permis de maintenir la qualité des diplômes, ou a-t-elle plutôt mené à un nivellement par le bas ? Il est difficile de répondre à cette question, mais certains éléments permettent de croire que la volonté de diplômer plus d’élèves a mené à une réduction de la rigueur dans leur évaluation. »

C'est ainsi que, dans un sondage mené auprès de 630 professeurs en avril 2017, on apprenait qu’un enseignant sur deux avait vu la direction de son école hausser la note qu’il avait accordée à un élève sans son consentement. Patricia Cloutier, « Des notes modifiées à l’insu des profs », Le Soleil, 27 avril 2017 ; Tommy Chouinard, « Le ministre de l’Éducation exige la fin des notes gonflées dans les écoles », La Presse, 30 mai 2017.


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