jeudi 19 mai 2022

Les ⅔ des Québécois contre une hausse du nombre d’immigrants

Majoritairement réfractaires à une hausse des seuils de nouveaux arrivants, les Québécois jugent que l’immigration non francophone est la principale menace au français. Les citoyens souhaitent aussi que le fédéral ferme le robinet du chemin Roxham, une voie d’entrée irrégulière au pays.

Si les Québécois se considèrent comme accueillants envers les nouveaux arrivants, deux personnes sur trois ne veulent pas recevoir plus de 50 000 immigrants par année. Pas moins de 21 % des gens prônent même une réduction des niveaux d’immigration, révèle un sondage Léger réalisé au début mai pour le compte de la CAQ et obtenu par notre Bureau parlementaire.

Ces données semblent expliquer la position de François Legault, qui refuse jusqu’ici d’ouvrir davantage les vannes de l’immigration pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre criante, malgré les appels répétés du patronat et du Parti libéral. Un sujet qui risque fort d’être un enjeu important de la prochaine campagne électorale, alors que la cheffe libérale Dominique Anglade a déjà fixé sa cible à 70 000 immigrants par an.

Nombre d’immigrants au Québec de 1961 à 2018 (on notera que le nombre de 50 000 aujourd’hui considéré comme le seuil acceptable est très récent : 2009)

Force est de constater, cependant, qu’en quelques années le chiffre de 50 000 immigrants/an prôné jadis par les seuls libéraux et perçu comme excessif a été normalisé dans la conscience publique. Le Québec pourrait peut-être accueillir 50 000 immigrants s’ils étaient francophones de naissance et de la même culture occidentale, mais il est absolument incapable d’assimiler au français et à ses valeurs ce nombre d’immigrants dont la plupart sont allophones ou anglophones. Dès qu’ils le peuvent, les enfants de la loi 101 se précipitent vers les établissements anglophones toujours subventionnés par Québec et le fédéral. [Voir Les enfants de la loi 101, l’école en français : une immersion forcée, ensuite ruée vers l’anglais.]

Nombre d’immigrants par catégories 2006 à 2020

Selon le sondeur Christian Bourque, le statu quo est confortable.

« On est dans un contexte postpandémique, la guerre, l’inflation, les gens se disent, on ne bouge pas, ça va comme ça, ce qui est un bon signe pour le gouvernement, parce que c’est son intention », souligne-t-il.

Plus de pouvoirs réclamés

Le Premier ministre réclame plutôt plus de pouvoirs du fédéral pour choisir ses immigrants. Il voudrait notamment mettre la main sur le programme de regroupement familial. Mais jusqu’ici, Justin Trudeau a refusé net de céder ses compétences en matière d’immigration au Québec.

Force est d’admettre que les citoyens sont divisés à ce sujet. Si 44 % des sondés sont favorables à ce que la Belle Province obtienne plus de pouvoirs, ils sont pratiquement aussi nombreux à militer pour le statu quo ou pour donner davantage de pouvoirs à Ottawa.

Chemin Roxham

Malgré tout, une majorité de Québécois sont inquiets des passages illégaux de demandeurs d’asile par le chemin Roxham, à la frontière, et souhaitent que le fédéral empêche les migrants d’emprunter ce trajet pour entrer au pays.

Le Journal de Montréal révélait la semaine dernière que le Québec se dirige vers une année record, alors que le ministère de l’Immigration anticipe l’entrée irrégulière de 35 000 demandeurs d’asile par ce passage qui aboutit à Saint-Bernard-de-Lacolle en Montérégie.

L’immigration et le français

Par ailleurs, deux personnes sur trois sont inquiètes du sort du français à Montréal et s’attendent à ce que le gouvernement en fasse davantage pour redresser la situation.

Alors que le débat sur la réforme caquiste de la loi 101 fait rage, on constate que ce ne serait pas le nombre élevé d’étudiants non anglophones dans les cégeps de langue anglaise ni les Québécois francophones qui se tournent vers la langue de Shakespeare, qui est serait la principale cause de ce déclin, selon la plupart des gens sondés. [Ceci ne veut pas dire que les cégeps en anglais qui accueillent désormais une majorité de non-anglophones ne soient pas une cause importante d’anglicisation, voir la demande que les immigrants soient davantage pourvus de diplômes post-secondaires d’un établissement francophone…]

 

Le danger viendrait, selon les personnes sondées, plutôt du nombre important d’immigrants qui ne parlent pas français. Une vaste majorité de gens sont d’ailleurs favorables à ce que le gouvernement exige la maîtrise du français pour l’obtention du certificat de sélection du Québec (préalable à la résidence permanente) et une plus grande connaissance du français à l’oral dans tous les programmes d’immigration.

« Cette perception de l’immigrant qui ne parle pas français, ou peu le français, et de la question sur le français au Québec, c’est surtout une crainte de ceux qui n’habitent pas à Montréal, analyse Christian Bourque. Les Québécois francophones des régions, eux, perçoivent l’immigration à Montréal comme étant une menace directe au français. »

Fait intéressant, les citoyens qui ne sont pas francophones sont plutôt d’avis que l’attractivité culturelle de l’anglais est la principale menace à la santé du français au Québec et à Montréal.

[Les deux « perceptions » ne sont pas contradictoires : les immigrants allophones se concentrent massivement à Montréal. Les Québécois hors Montréal ont donc raison de souligner ce fait. Ce sont ces mêmes immigrants qui sont attirés culturellement et économiquement par l’assimilation à l'anglais, ils connaîtront sans doute un peu de français après quelques années, mais cela n'en fera pas des francophones. Ils auront tendance à vouloir imposer l'anglais quand ils le peuvent (au travail par exemple). Les mauvaises langues diraient que cette assimilation à l’anglais leur permet d’accéder au moins symboliquement à l’élite de la société canadienne, à pouvoir ainsi regarder de haut les francophones québécois, ce qui est culturellement très attirant et valorisant…]

Source : Journal de Montréal

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