samedi 21 septembre 2019

Zemmour : Le mot « réactionnaire » ne me scandalise pas

Dans un entretien publié dans le Figaro Magazine de ce samedi 21 septembre, Éric Zemmour revient sur le mot de « réactionnaire » dont on le qualifie souvent et en l’occurrence Laurent Mouchard (Joffrin à la ville). Extraits de cet entretien axé en partie sur le roman historique de Laurent Joffrin.

Zemmour. — Le mot « réactionnaire » ne me scandalise pas. Tous les grands révolutionnaires sont réactionnaires : Saint-Just voulait revenir à la Rome antique, Lénine et Trotski voulaient revenir à la Révolution française… On ne fait des choses grandes et révolutionnaires qu’en voulant revenir au passé. Cette querelle est vaine. L’identité française est résumée par la phrase de De Gaulle : « Un pays de race blanche, de religion chrétienne et de culture gréco-romaine. » Laurent Joffrin a raison de la qualifier de trésor. Et nous sommes en train de le dilapider. Prétendre que la France, de toute éternité, avait existé et devait exister est faux. La France est fragile, c’est une création artificielle, politique, qui aurait très bien pu ne jamais exister et qui, d’ailleurs, a été en danger en permanence. Laurent Joffrin considère son histoire comme un progrès de la liberté. Or, ce n’est pas le cas. Dès que la France, au nom d’idéaux — que ce soit l’universalisme catholique ou l’universalisme des droits de l’homme —, a plongé dans un certain humanisme, cela s’est retourné contre elle.

À chaque fois que notre pays a été en danger de dislocation, de désintégration — ce que l’on appelait la « balkanisation » —, il n’a été sauvé que par des « hommes providentiels » qui sont avant tout des hommes à poigne.

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Notre désaccord est réglé par une phrase de Péguy que de Gaulle citait souvent : « Seul l’ordre fait la liberté, le désordre fait la servitude. » Notre querelle est là. La liberté telle que la pense Laurent Joffrin, c’est le désordre donc la servitude. L’histoire telle qu’il la pense est un mariage de deux histoires. La première est une histoire classique, républicaine, c’est-à-dire qu’elle pense qu’il existe une aspiration à la liberté présente depuis des siècles et la Révolution française y est une espèce de nirvana, de fin de l’histoire et de début d’une histoire nouvelle paradisiaque. C’est cette histoire que nous avons tous deux apprise lorsque nous étions enfants. La deuxième histoire se glisse dans les interstices : c’est la contre-histoire portée depuis quarante ans par l’extrême gauche décoloniale. On retrouve ainsi, de-ci de-là, des éléments qui rappellent la méchante colonisation… Mais ces deux histoires se contredisent. Ce sont les Lumières qui ont fait la colonisation, ce sont les républicains qui ont colonisé.  

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Jules Ferry [de gauche très laïcarde] est, au contraire, cohérent [quand il prône la colonisation pour y apporter la civilisation]. C’est Victor Hugo qui déclare que nous sommes la lumière du monde, que nous sommes les Grecs du monde et que nous devons apporter cette lumière à des peuples qui sont dans la nuit. Ce ne sont pas des préjugés : la liberté est une religion. Clemenceau — qui est politiquement marginal à l’époque — explique que, sachant que les Allemands s’estiment un peuple supérieur aux Français, il se méfie de l’idée de peuple supérieur. Il n’est d’ailleurs pas le seul à être contre la colonisation. Pourquoi ne pas rappeler qu’à l’époque les grands opposants à la colonisation viennent de l’extrême droite, à l’instar de Maurras ou de Léon Daudet ? Laurent Joffrin, votre livre aurait pu s’appeler « Le Roman noir de l’histoire de France » : Saint Louis est un fanatique, Jeanne d’Arc, c’est la religion dans sa version la plus archaïque, vous comparez le djihad et les croisades…
Jules Ferry le laïcard pro-colonisation
croquant un prêtre

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Vous jugez avec vos yeux d’homme du XXIe siècle. Je ne le fais pas. Prenons l’exemple de l’esclavage : tous les peuples ont été esclavagistes. Nous devrions donc nous glorifier d’être la seule civilisation à avoir aboli l’esclavage. On ne devrait donc pas en faire un sujet de repentance. Votre problème est que vous raisonnez en termes de morale quand je raisonne en termes d’intérêt de la France.

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La nature humaine est à la fois bonne et mauvaise, mais cette philosophie de l’optimisme mène toujours à la catastrophe. Les optimistes sont toujours ceux qui ne veulent pas voir la tragédie arriver et qui, quand elle leur tombe dessus, la déplorent. Mais c’est la condition humaine et les optimistes nous empêchent de nous défendre à temps contre les malheurs qui arrivent. À toutes les époques, ils ne cessent de dire que tout va bien mais finissent par prendre la tragédie en pleine figure et ensuite, pleurent et se lamentent parce que l’humanité est méchante.

Voir aussi

Étude — Plus on est « progressiste », plus idéaliserait-on ou nierait-on la réalité ? (les formes géométriques par exemple)


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