vendredi 10 juin 2022

L’Afrique du Sud dans la tourmente de la corruption

Le président sud-africain, sur la défensive après des accusations de corruption autour d’une affaire gênante de cambriolage, a éludé vendredi les questions sur cet épineux sujet lors d’une conférence de presse, après une nouvelle séance houleuse au Parlement.

« Le vol qui a eu lieu dans ma ferme de Phala Phala [Nord du pays] en 2020 fait l’objet d’une plainte et il faut laisser la justice suivre son cours », a répété Cyril Ramaphosa malgré les relances, accusant les journalistes de continuer à « glisser les mêmes questions sous une autre forme ».

« Je ne répondrai pas aux questions sur le sujet à ce stade, je suivrai les conseils qui m’ont été donnés », a ajouté le chef d’État, qui s’exprimait pour la première fois en conférence de presse sur ce qui est désormais appelé « le scandale de la ferme ».

La séance au Parlement qui devait être centrée sur le vote du budget a une nouvelle fois été agitée vendredi, après une session déjà houleuse la veille. Des députés de la gauche radicale qui perturbaient la séance par des interruptions répétées ont à nouveau été expulsés de force.

M. Ramaphosa, 69 ans, est visé par une plainte déposée la semaine dernière par l’ex-chef du renseignement, Arthur Fraser. Ce dernier l’accuse d’avoir dissimulé à la police et au fisc un cambriolage dans l’une de ses propriétés, au cours duquel l’équivalent de 3,8 millions d’euros en liquide a été trouvé caché dans du mobilier.

Le président à la tête d’une importante fortune personnelle a reconnu que de l’argent avait été volé, mais conteste le montant annoncé. Il nie avoir jamais volé d’agent à quiconque, a dénoncé de « sales coups » et des « intimidations ».

L’argent dérobé, dont le montant avancé est exagéré, était tiré de la vente d’animaux, a-t-il expliqué, dénonçant des « motivations politiques ».

Ces accusations interviennent alors que l’ANC, parti au pouvoir, doit décider d’ici décembre de présenter ou non Cyril Ramaphosa comme candidat pour un second mandat à la présidentielle de 2024.

M. Ramaphosa a déclaré qu’il se présenterait devant la commission « intégrité » du parti, qui a pour règle de suspendre systématiquement les membres faisant l’objet de poursuites pénales. Aucune date n’a été fixée.

Successeur de Jacob Zuma, poussé à la démission en 2018 après une série de scandales, l’actuel président est attendu sur le front de la corruption qu’il a promis d’éradiquer.

La médiatrice de la République a ouvert une enquête publique sur l’affaire. Le chef d’État l’a suspendue jeudi, dans le cadre d’une longue procédure de destitution déjà en cours.

Un passé controversé

En août 2017, Ramaphosa a été impliqué dans un scandale où il aurait entretenu plusieurs relations extraconjugales et aurait versé de l’argent à des individus pour taire l’affaire. 

Le président sud-africain a également été critiqué pour la conduite de ses intérêts commerciaux, bien qu’il n’ait jamais été inculpé d’activité illégale dans aucune de ces controverses. Sa fortune suscite des questions. Parmi les relations commerciales controversées : 

  • sa participation dans la Glencore (une importante entreprise anglo-suisse de négoce, courtage et d’extraction de matières premières),
  • des allégations de bénéfices illégaux à la suite d’accords de livraison de charbon à la société publique d’électricité Eskom, bénéfices illégaux qu’il a fermement niés.
  • son emploi au conseil d’administration de la minière Lonmin où il préconisa de traiter de la manière forte les mineurs grévistes peu avant le massacre de Marikana dans les locaux de la Lonmin à Marikana. Le 15 août 2012, il avait appelé à une action résolue contre la grève des mineurs de Marikana, grève qu’il avait qualifiée de conduite « ignoblement criminelle » et qui nécessitait une « action concomitante ». Plus tard, Ramaphosa admit et regretta son implication dans cette tragédie et déclara qu’elle aurait pu être évitée si des plans d’urgence avaient été élaborés avant la grève. 

Son fils, Andile Ramaphosa, a été reconnu coupable d’avoir accepté des paiements totalisant 2 millions de rands (environ 200 000 $) de Bosasa, une société de sécurité impliquée dans la corruption et la capture de l’État par la Commission Zondo.

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