mercredi 27 octobre 2021

Étude : la société française se droitise

Une enquête de la Fondapol montre des tendances longues de l’évolution de l’électorat, dans un paysage politique morcelé.

La société française s’ancre à droite, à six mois du premier tour de l’élection présidentielle. Tel est le principal enseignement du dernier indicateur de « protestation électorale » établi par la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) et administré par l’institut Opinionway, en partenariat avec Le Figaro.

Alors que le paysage politique se révèle plus incertain et morcelé que jamais, cette enquête, fondée sur un large panel de près de 3200 personnes, révèle une nette évolution de l’électorat. Aujourd’hui, 37 % des électeurs se situent à droite de l’échiquier politique, en se plaçant sur les cases 6 à 10 de l’axe gauche-droite, contre 33 % en 2017, soit une progression de 4 points.

D’un autre côté, de moins en moins de Français se placent à gauche ou au centre. La gauche représente 20 % des électeurs, contre 25 % il y a quatre ans, et le centre 18 %, contre 20 % en 2017. Fait notable, près d’un Français sur quatre (23 %) répond ne pas vouloir se situer sur l’échelle gauche-droite. « La France est de droite comme elle ne l’a probablement pas été depuis longtemps », résume Dominique Reynié, directeur général de Fondapol. Le phénomène n’est pas isolé : il concerne aussi l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni.

Niveau du bloc de gauche historiquement bas

Résultat, les candidats de droite au sens large forment un bloc en position de force électorale. Une majorité de Français (56 %) pourraient voter pour les candidats de ce camp testés par la Fondapol — le candidat à l’investiture des Républicains (LR), Xavier Bertrand [si tant est qu'il est de droite], la nationaliste Marine Le Pen, le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan ou l’essayiste identitaire Éric Zemmour.

Un haut potentiel électoral qui rendrait la gauche presque envieuse. Seulement 34 % des électeurs affirment pouvoir voter pour au moins l’un des candidats de gauche déclarés — la socialiste Anne Hidalgo, l’écologiste Yannick Jadot ou l’Insoumis Jean-Luc Mélenchon. Bénéficiaire d’un positionnement central sur l’échiquier politique, Emmanuel Macron est pour sa part crédité de 33 % d’électeurs potentiels.

Le niveau du bloc de gauche est historiquement bas, malgré la percée des Verts aux élections européennes de 2019 et la résistance des socialistes aux dernières élections locales. « La gauche s’est clairement privée d’un ressort essentiel, en refusant de prendre en charge des thématiques dont la prise en compte est jugée non négociable par une très large partie des Français », explique Dominique Reynié.

Ces priorités s’appellent insécurité et immigration. Perçues comme des marqueurs de droite, la lutte contre la délinquance (citée par 51 % des électeurs, + 5 points par rapport à avril) et la réduction des flux migratoires (42 %, + 5 points) deviennent la première et la troisième préoccupation des Français, après une année marquée par la persistance des débats autour de l’« ensauvagement » de la société.

Quant aux questions sociales, elles sont en recul depuis avril. Ainsi de la réduction des inégalités (43 %, — 2 points) et de la lutte contre le chômage (41 %, — 10 points). Sujet historiquement central pour la droite libérale, le souci de réduire la dette et le déficit de l’État connaît aussi un important reflux (27 %, — 11 points en deux ans), sur fond de « quoi qu’il en coûte ».

Parce qu’elle a délaissé les sujets régaliens, selon Dominique Reynié, la gauche a perdu la bataille des classes populaires. « Une défaite sociologique », observe le professeur des universités. Aujourd’hui, une large majorité (60 %) des Français qui affirment avoir des difficultés à la fin du mois sont prêts à voter pour l’un des candidats de droite ; seuls 41 % d’entre eux peuvent voter pour un représentant de la gauche. Le constat n’est pas nouveau : dès 2011, il avait conduit le laboratoire d’idées Terra Nova à proposer à la gauche une stratégie de conquête des classes moyennes supérieures pour accéder au pouvoir.

Reste à savoir à qui profitera cette droitisation de la société. Aucun chef naturel des Français de droite ne s’impose. En cinq ans, Emmanuel Macron a multiplié les clins d’œil à leur endroit, à grand renfort de réformes économiques libérales et de harangues contre le « séparatisme ». Marine Le Pen, aujourd’hui concurrencée par Éric Zemmour sur ce terrain, a martelé ses messages anti-immigration.

Quant aux membres de LR, le parti historique de la droite, ils tardent à se choisir un représentant pour le scrutin élyséen — ils doivent trancher le 4 décembre au plus tard. Dans un pays lassé par dix-sept mois d’épidémie, le jeu est ouvert, selon Dominique Reynié : « Toute la question est de savoir si ce réalignement à droite profitera à une droite de réforme ou à une droite de rupture. »

Source : Le Figaro


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