mercredi 4 janvier 2017

ECR 2.0 ou élimination du programme ? Des enseignants en ECR essaient-ils de protéger leur poste ?

Quelques enseignants ont fait publier leur réponse collective aux critiques laïcistes et féministes au programme controversé — et pourtant imposé dans toutes les écoles québécoises — d’éthique et de culture religieuse (ECR). Leur plaidoyer est rédigé sous la forme d’une objection (laïciste ou féministe) suivie de leur réponse (tout aussi progressiste) à cette objection. Exemple :

Contre — Les manuels d’ECR contiennent des images stéréotypées des femmes, des autochtones et des croyants, et participent au maintien de l’inégalité entre les hommes et les femmes.

Pour — Les manuels d’ECR ou les cahiers d’activités, même approuvés par le MEES, ne sont pas le programme lui-même. Si des manuels comportent certaines faiblesses, il faut les réviser. Leur accorder toute l’importance est réducteur. Mais surtout, l’ECR vise justement à combattre les préjugés et les stéréotypes qui affligent l’ensemble des personnes et des groupes marginalisés. Encore une fois, dans les classes, c’est ce travail qui est accompli par les enseignants. Oui, nous devons parler davantage, entre autres, de sexisme et de racisme systémique.
L’ennui c’est que les manuels — pourtant approuvés par le BAMD, gardien de l’orthodoxie féministe et progressiste, avec l’argent de nos impôts — sont critiqués par des organismes massivement subventionnés comme le Conseil du statut de la femme parce qu’ils représentent une certaine réalité désagréable pour ces progressistes (des femmes religieuses qui adoptent des stéréotypes traditionnels dans ces populations).

Et pourtant les manuels essaient déjà de gommer cette réalité pour promouvoir leur vision féministe. Cette lutte aux stéréotypes pourchassés par le « politburo » du Monopole de l’Éducation mène, en effet, parfois à des erreurs manifestes quand il s’agit de faits religieux qui heurtent le correctivisme progressiste et féministe. Faut-il encore plus les « réviser » pour lutter contre « l’inégalité entre les hommes et les femmes » et cacher certaines réalités ? Le tout sous la houlette du BAMD et sous l’œil vigilant du Conseil du statut de la femme ?

C’est déjà le cas dans cette illustration où le guide pendant tout le livre (une fille bien sûr !), issue d’une minorité visible (bien sûr !) se trouve devant l’esplanade du mur occidental à Jérusalem, le fameux mur des Lamentations.

 
Page 28, Manuel d’ECR, Symphonie, manuel A, pour la 5e année du primaire, éditions Modulo

L’ennui c’est que ces trois femmes se trouvent du mauvais côté du mur, car elles se trouvent du côté des hommes. Et même si cela ne correspond pas aux critères du BAMD, les femmes ne sont pas admises de ce côté, il y a non-mixité des sexes.


(Incidemment, le garçon devrait aussi normalement porter une calotte, la kippa. On en distribue en carton autour de l’esplanade. Voir la photo ci-dessus.)



Très révélatrice également cette supplique (comme nous l’avons déjà dit le cours ECR est en fait peu donné, les directeurs comprenant sans doute qu’il y a des choses plus importantes que ce cours de multiculturalisme et progressisme béats 101) :
Enfin, nous demandons que l’ensemble des écoles et leur direction respectent les heures devant être consacrées au programme et qu’elles confient l’ECR à des enseignantes et enseignants qualifiés en la matière et non plus à des enseignants parfois sans formation dans le domaine. Cette pratique, trop souvent constatée, peut avoir pour effet d’affaiblir la qualité et la crédibilité du cours.


Voici la réaction d’Angèle Dufresne de Montréal à ce plaidoyer pro domo, cette réaction a été publiée le 3 janvier 2017 dans le courrier des lecteurs du Devoir :
Le plaidoyer des enseignants Beaudoin et Dubreuil en faveur du maintien du programme ECR (Idées, 28 décembre 2016) ressemble en tout point à un manifeste syndical pour la préservation d’emplois en péril. La superficialité de ses arguments de fond ne convaincra certainement pas ceux auxquels il s’adresse, les auteurs de La face cachée du cours ECR (Leméac), dont je ne suis pas. J’ai complètement décroché quand j’ai lu « […] on se retrouverait avec la situation absurde où des enseignant(e)s formés adéquatement pour enseigner la religion ne le feraient plus dans leur champ disciplinaire, alors que des enseignant(e)s peu ou non formés sur la religion auraient à l’intégrer artificiellement à leur discipline ». Combien d’enseignants formés en français ou en géographie enseignent les maths et l’anglais en raison de l’application de l’ancienneté pure et dure ? Et le chat est sorti du sac subrepticement : ces profs surspécialisés, nous dit-on, « enseignent la religion » et non la « compréhension du phénomène religieux » (qui est quoi au juste ?).

On voit bien qu’après presque dix ans d’application de ce programme mal défini, mal compris et mal intégré, on est incapable de le qualifier dans sa juste perspective.

Voir également

Le Conseil du statut de la femme du Québec et son influence sur les manuels scolaires au Québec

Les gars, l’école et le Conseil du statut de la femme


Le ministère n’approuve pas les manuels. « Seul le régime de Vichy s’est permis cela. »

Table ronde sur le matériel pédagogique ECR

Conférence du « politburo » (BAMD) du Monopole de l’Éducation du Québec

Le Petit Chaperon rouge serait trop sexiste

1 commentaire:

Martin Dubreuil a dit…

ECR 2.0? Oui, oui! Vraiment!

Martin Dubreuil, enseignant d’éthique et culture religieuse au secondaire

Chère Mme Dufresne, dans votre lettre ECR 2.0, vraiment?, vous dites que notre lettre «ressemble en tout point à un manifeste syndical pour la préservation d’emplois en péril». Où avez-vous lu ça?
Sachez qu’au primaire, ce cours n’est pas donné par des spécialistes. Il n’y a donc pas de perte d’emploi en vue! Au secondaire, nous souhaitons que le programme soit mis à jour (comme pour celui du primaire, d’ailleurs!), et son retrait est peu probable.
Nous avons écrit cette lettre pour défendre le programme et ses idées, pas nos emplois; oui, oui, vraiment! Il n’y a aucun chat à sortir du sac, comme vous le prétendez! Il n’y a rien de syndical non plus. Encore ici, je me demande sur quoi vous fondez vos affirmations. Si le cours est retiré des écoles au secondaire, nous perdrons collectivement beaucoup plus que de simples emplois.

Sachez que nous croyons profondément et sincèrement au bien-fondé de ce cours. Je ne répèterai pas ici pourquoi, notre récente lettre et celles de 2007 Résolument pour le nouveau cours de culture religieuse et de 2012 Bienvenue dans ma classe… publiées dans Le Devoir l’expliquent suffisamment.
Comme l’écrivait sur son blogue Jean-Pierre Proulx qui a présidé le Groupe de travail sur la place de la religion à l’école, «le Québec a démocratiquement choisi en 2008 qu’il en soit ainsi à partir d’une recommandation longuement légitimée en 1999 (…)» et qui plonge ses racines dans la réforme scolaire des années 60. Proulx ajoute que «Ce qui a été décidé peut certainement être démocratiquement revu et abrogé. Il conviendrait cependant que cela ne soit pas le simple résultat des pressions des humanistes athées et des religieux fondamentalistes.»

En parlant de «postvérité», sur quoi basez-vous pour affirmer que le programme est «mal défini, mal compris et mal intégré». L’avez-vous lu? Avez-vous suivi des formations à ce sujet? L’avez-vous enseigné? Avez-vous été personnellement confronté à son application? Connaissez-vous des enseignants qui vous en ont parlé? Avez-vous rédigé du matériel didactique?

Oui, contrairement à ce que vous le laissez croire, nous pouvons user d’esprit critique dans tous les cas où les notions d’égalité des personnes et des droits ne sont pas promues. De plus, nous ne disons pas que «croire en un ou plusieurs dieux représente la valeur identitaire ou rassembleuse suprême». À quelle ligne l’affirmons-nous? Pourquoi nous faire dire des choses que nous n’avons pas écrites? On dirait que vous nous avez mal lu!

Enfin, à quel endroit dans notre texte affirmons-nous, tel que vous le prétendez, que le cours ECR perpétue «l’idée que la destinée humaine (fatum) relève d’une puissance supérieure, que la causalité ultime est d’essence divine, que la spiritualité et le dépassement ne peuvent s’inscrire que dans une religion ou une secte ?». Où?

Comme nous l’enseignons en ECR à nos propres élèves, chère Mme Dufresne, un vrai débat doit se fonder sur des repères objectifs par sur des impressions. Pour 2017, nous exigeons plus de rigueur intellectuelle et moins de subjectivisme; oui, vraiment!