dimanche 30 avril 2023

Québec paie la formation en médecine en anglais de 300 étudiants non québécois qui dans leur immense majorité s'en iront

Près du quart des places en médecine à McGill sont occupées par des étudiants provenant de l’extérieur de la province, venus se former aux frais des contribuables québécois, alors que la grande majorité d’entre eux ne pratiqueront jamais au Québec.   
 
Aucune province canadienne, hors Québec, n’offre de parcours de formation de médecins en français1. Et aucune, surtout, ne forme de jeunes francophones du Québec en médecine en langue française et à ses frais. Elles ne le font pas non plus en génie, en informatique, ni dans aucun autre domaine.  

Alors pourquoi, au Québec, le fait-on année après année, en anglais, pour des non-Québécois ?  

[Pour ce carnet, pourquoi le Québec subventionne-t-il même des études de médecine en anglais pour les Québécois ? Il faudrait que tous les futurs médecins formés aux frais du Trésor public québécois le soient en français afin de pouvoir servir en français tous leurs patients, de tenir leurs dossiers en français et à pouvoir communiquer avec l’administration québécoise dans la seule langue officielle du Québec.]

En 2021-2022, parmi les résidents en médecine fréquentant l’Université McGill, on retrouvait 315 étudiants en équivalence au temps plein (EETP) non québécois2, dont nous assumons l’essentiel des frais de formation (Tableau 1). Ces personnes ne viennent pas du Québec et peu d’entre eux y travailleront.  

Québec subventionne aussi les parcours de 434 EETP en « médecine, optométrie et santé des populations » 3 à Bishop’s, Concordia et McGill aux 3 cycles. Le total des subventions accordées à ces étudiants nous coûte cher : près de 14 millions $ par an. Une somme utilisée pour former une poignée d’étudiants dans le domaine médical, provenant majoritairement du Rest of Canada. Au terme de leurs études, ces derniers quitteront le Québec, en majorité…  

Je suis convaincu qu’il existe plein de jeunes au Québec (peu importe leur langue d’origine), suffisamment brillants et mobilisés pour s’engager dans ces universités et exercer leur profession avec brio et en français ! S’il faut descendre la moyenne d’admission de 96,2 % à 95,8 % 4 et exiger que, lorsque le MES paie, les admissions en médecine à McGill doivent être soit des Québécois (de toutes langues), soit des gens qui paient entièrement le coût de leur formation, je prends ce risque et j’embarque sur la table d’opération ! Et si McGill ne veut pas : d’autres universités lèveront la main (trois universités francophones offrent déjà des programmes de formation médicale en français). Ce pourrait même être une opportunité pour des établissements n’ayant actuellement pas accès à ce patrimoine de programmes.  

 

Une journée d’un étudiant chinois en médecine à Mc Gill (en anglais, bien sûr)

Mais ce n’est pas tout. Pour la même année, parmi leurs étudiants subventionnés selon le CAFF « génie et informatique » : Bishop’s, Concordia et McGill recevaient 2 388 EETP non québécois. Ces étudiants coûtent 40 M$ par année à Québec. Alors, se demande-t-on encore vraiment pourquoi tout le monde parle anglais dans les entreprises de génie et d’informatique à Montréal ? Se demande-t-on vraiment pourquoi recevoir les soins d’un médecin bilingue à l’Hôpital général Juif de Montréal est si difficile ? 5 

Année après année, nous recrutons et subventionnons des dizaines de milliers de jeunes anglophones (ou anglophiles) à l’extérieur du Québec pour leur permettre d’étudier chez nous en anglais. Et ensuite… On ne comprend pas ce qui se passe dans nos industries et dans notre quotidien sur le plan linguistique ? Comment peut-on aspirer à être respectés et considérés d’égal à égal quand nos gestes ne suivent pas nos discours ? 

Des gestes qui, je l’ai déjà écrit, doivent être posés rapidement, dès l’adoption des crédits et pour les règles de financement 2023-2024 : je proposerai prochainement quelques avenues. Pour l’instant, je ne peux regarder le déclin du français au Québec qu’avec un certain cynisme… Surtout lorsque je regarde les discours que l’on tient aux garçons francophones dont le taux de diplomation est faible et qu’on laisse décrocher avant l’âge de 18 ans (souvent même à 14 ou 15 ans) : « N’ayons surtout pas des aspirations trop élevées pour eux ! »  


1 À l’exception de l’Université de Moncton qui offre le programme de l’Université de Sherbrooke.

2 Système de gestion des données sur l’effectif universitaire (GDEU). Notons que sur les 315, 303 sont des Canadiens non-résidents.

3 Code de la table de classification académique aux fins de financement (CAFF)

4 Cette donnée est fictive et sert pour fins d’illustration.

https://www.journaldemontreal.com/2022/11/28/elle-doit-traduire-pour-sa-mere-parce-que-le-medecin-ne-parle-pas-francais 

6 Données sur la fréquentation issues du Système de gestion des données sur l’effectif universitaire (GDEU). Calculs à partir des Règles budgétaires et calcul des subventions de fonctionnement aux universités du Québec 2022-2023. Traitement des données réalisé en collaboration avec Le Journal de Québec. 

Source

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