mercredi 24 septembre 2008

Le collège en France, un laboratoire d’analphabétisme ?

Retour du rapport de force, de l'agressivité comme valeurs viriles

Citations : « Le mot victime » est devenu une insulte. « T’es une victime », se lancent-ils. Chaque fois, cela me fait froid dans le dos. Et cela me scandalise de la part d’individus dont la plainte est devenue le fond de commerce. », écrit Mara Goyet. De son côté, on lit sous la plume de Iannis Roder : « Chez ces jeunes violents, le monde ne se conçoit que comme rapport de force permanent entre forts et faibles. Être et paraître fort aux yeux des autres, du groupe de la bande, est vital. Ne pas l’être, c’est disparaître. » Ceux des collégiens qui « n’affichent pas une allure agressive, ne regardent pas les gens de manière provocatrice, ne hurlent pas pour parler, ne jouent pas à faire peur », sont considérés par les autres comme des « bouffons », des « proies faciles », des « bolos », explique-t-il.

Hiatus entre les idéaux des enseignants et la sous-culture des banlieues

Plusieurs témoignages de professeurs de collèges en « zones difficiles » paraissent en cette rentrée. Et le tableau qu’ils dessinent de la vie quotidienne dans ces établissements est accablant. Il montre, en particulier, le formidable hiatus qui s’est creusé en quelques années entre les idéaux et les représentations des enseignants et les idéologies spontanées de gamins travaillés par la sous-culture des jeux vidéo, des clips, des séries et films de violence.

Le prof comme ennemi

Ces professeurs demeurent massivement acquis aux idéaux des Lumières, mais dans leurs classes, ils sont confrontés à des gamins parfois travaillés par le repli communautaire, le refus haineux du pays d’accueil, un trop fréquent mépris de la culture et une fascination pour l’argent vite gagné. Au surplus, ceux qui croient encore à la promotion sociale par le savoir et le diplôme, courent le risque de passer pour des « collabos » du système. Du coup, le « prof », incarnation de l’institution et de l'endoctrinement, passe du côté de l’ennemi…

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Livres des invités

Iannis Roder enseigne depuis dix ans dans un collège ZEP (Zone d'éducation prioritaire) de Seine-Saint-Denis. Jeune agrégé d'histoire et géographie catapulté dès sa première rentrée scolaire dans un collège « de banlieue », Iannis Roder se heurte très vite à une réalité tragi-comique, en contradiction avec ses idéaux et le discours officiel de l'institution. Que peut-il enseigner à des enfants qui disposent de cinq cents mots pour communiquer et dont certains savent à peine lire ? Des enfants à la vision simplifiée, voire simpliste, du monde. Qui ne savent pas se situer, quelque part entre leur quartier repoussoir et leur pays d'origine dont ils ne sont pas. Des enfants lâchés et trompés par le système, bercés par l'imaginaire doré de la télévision, rêvant uniquement de gloire et d'argent. Dans son établissement comme dans tant d'autres, la violence ordinaire, presque banale, charrie son lot de sexisme, d'homophobie, de racisme, d'un antisémitisme croissant...

Mata Goyet est professeur d'Histoire-Géographie. Elle a passé dix ans dans un collège en banlieue parisienne, en ZEP. En y entrant, elle s'était promis d'y rester. Dix ans plus tard, elle a demandé sa mutation, c'est fini, elle part. Elle aime enseigner, ne s'est absolument pas lassée de ce métier qu'elle ne magnifie pourtant pas. Ce sont les conditions de cet enseignement qui se sont terriblement dégradées, dans certains établissements plus que d'autres, et c'est bien la question du cadre, de l'autorité qui est centrale.

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