jeudi 30 août 2018

Les élèves en difficulté plus nombreux en réalité, selon des profs

Dans les écoles publiques québécoises, la proportion d’élèves en difficulté est jusqu’à deux fois plus élevée que celle que donne le portrait dressé par le ministère de l’Éducation, selon certains enseignants.

C’est du moins l’un des résultats d’une enquête menée par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), dont « Le Journal de Québec » a obtenu une copie. Environ 8500 employés du réseau scolaire public ont participé à ce coup de sonde au printemps dernier, dont plus de 5000 enseignants.

Selon les chiffres officiels du ministère de l’Éducation, la proportion d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage — qu’on appelle les EHDAA dans le jargon scolaire — est d’environ 20 % au primaire et de 30 % au secondaire, dans le réseau public. Ces élèves ont besoin de services particuliers qui sont détaillés dans un plan d’intervention.

Or, davantage d’élèves devraient être identifiés comme tels par le ministère de l’Éducation, selon les enseignants interrogés. Ces derniers estiment que la proportion d’élèves en difficulté dans les classes ordinaires varie plutôt entre 32 % et 41 % en réalité. « C’est à peu près le double des enfants qui ont des besoins particuliers, selon les enseignants. C’est particulièrement préoccupant », lance Eve-Lyne Couturier, chercheuse à l’IRIS et coauteure du rapport de recherche Portrait de la situation dans les écoles du Québec.

Le nombre d’élèves en difficulté est en hausse

Certains élèves en difficulté ne seraient pas identifiés comme tels, parce que les services ne sont pas au rendez-vous, expliquent les enseignants interrogés. Selon eux, les longues listes d’attente pour des services en psychologie ou en orthophonie dans les écoles publiques privent ces élèves d’une évaluation en bonne et due forme.

« Le nombre d’élèves en difficulté est en hausse, et l’impact sur les conditions de travail est bien réel », ajoute Mme Couturier. Une majorité d’enseignants estiment que le nombre d’heures supplémentaires qu’ils consacrent à leur travail a augmenté au cours des cinq dernières années. Près du tiers des enseignants affirment vivre de l’épuisement émotionnel lié à leur travail.

Les compressions des dernières années en éducation ont aussi contribué à assombrir le portrait, peut-on lire dans le rapport de l’IRIS. L’Institut estime que le manque à gagner dans le réseau scolaire est de 1,4 milliard $, soit la somme qu’il aurait fallu investir en 2016-2017 afin de combler l’augmentation des coûts de système depuis 2003.

Bémol

Notons que l’IRIS est un organisme assez partisan qui préconise toujours plus d’interventions de l’État et ne remet pas en cause l’idée que les politiques étatistes et une certaine décomposition familiale pourraient être à la base de ces difficultés. Le Québec est fier de sa « modernité », il y naît beaucoup d’enfants hors mariage, le mariage n’est plus de mode. Le Québec aide beaucoup les familles monoparentales. Or on sait, notamment, que la décomposition familiale et les familles monoparentales s’accompagnent de problèmes sociaux et éducatifs (voir liens au bas du billet). Se pourrait-il que la « modernité » du Québec engendre ces difficultés en hausse ?

On pourrait bien sûr émettre d’autres hypothèses à cette hausse contemporaine du nombre d’élèves en difficulté.  On peut notamment considérer que le « complexe éducatif » — les syndicats d'enseignants, la bureaucratie — a tout intérêt à gonfler ce nombre afin d’attirer davantage de subventions et de faire grossir leurs rangs. Ensuite, il se pourrait que l’école québécoise elle-même crée des conditions qui augmentent dans une certaine mesure les élèves en difficultés par une pédagogie inefficace ou, par exemple, par une cadre peu propice à certains profils en particulier chez les garçons. Les raisons sont sans doute complexes et multifactorielles. Mais ce qui est frappant c’est que l’on parle très peu des causes de cette augmentation récente dans le nombre des élèves en difficultés, on se concentre plutôt sur la réponse facile : l’augmentation des dépenses.

Quant aux compressions des dernières années, il faut relativiser leur ampleur. Au cours des dix dernières années, les dépenses publiques en éducation de la maternelle à la fin du secondaire, en incluant les parcours professionnels et l’éducation des adultes, sont passées de 11,3 à 12,9 milliards $ en dollars constants, une hausse de 14,1 %. Cependant, durant la même période, le nombre total d’élèves dans le secteur public a diminué de 1,05 million à 983 000, une baisse de 6,5 % (voir Figure 1 ci-dessous). Ces chiffres excluent l’éducation supérieure et les subventions à l’école privée. Les dépenses réelles pour chaque élève (c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation) sont donc passées de 10 791 $ à 13 162 $, une hausse de 22 % en dix ans. Cette augmentation a un effet considérable sur les finances du Québec, puisque l’éducation est le second poste de dépenses en importance, derrière la santé. Pour juger de cet impact, notons seulement que si les dépenses réelles par élève étaient restées stables au cours de la période étudiée, les dépenses totales de l’État auraient été de 2,3 milliards $ moins élevées en 2015-16.



Le rapport élèves-enseignant dans les commissions scolaires est passé de 14,4 à 13,2 entre 2006-07 et 2015-16. Ce changement, qui peut sembler minime, a eu des impacts considérables sur les coûts récurrents en éducation.

La deuxième cause d’augmentation des dépenses est liée aux paiements de l’État dans les caisses de retraite des employés, qui ont bondi de près de 50 % en tenant compte de l’inflation lors de cette même période. La troisième raison est le vieillissement des employés : comme on embauche pour le moment relativement peu de nouveaux professeurs, la progression automatique dans l’échelle salariale au fil des années fait augmenter les coûts par employé.


Améliorer la situation selon ces professeurs

Afin d’améliorer la situation, les enseignants interrogés réclament une nouvelle diminution du nombre d’élèves par classe et encore plus de ressources pour les élèves en difficulté.

Selon les chiffres du ministère de l’Éducation, près de 20 % des profs ont reçu une compensation financière pour des dépassements du nombre d’élèves dans leur groupe en 2016-2017, une proportion relativement stable au cours des dernières années.

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1 commentaire:

Françoise D. a dit…

Vous avez remarqué la campagne (dépensière) qui consiste à vouloir payer de plus en plus les enseignants.

Je trouve que les enseignant(e)s québécoises gagnent très bien leur vie!

Je trouve les comparaisons avec les autres provinces très étranges. Il faudrait déjà que le Québec soit aussi riche que les autres provinces (et que le coût de la vie y soit aussi cher) pour que ces comparaisons tiennent la route, mais elles participent à une course à l'inflation des salaires comme pour les médecins. Tout le monde se compare et donc tout le monde augmente sans cesse les salaires sans rapport avec les salaires moyens dans les provinces et la faculté de payer !