dimanche 22 avril 2018

CIA en 2001 prévoyait que population russe serait de 130 millions en 2015, elle était de plus de 143 millions

La CIA en 2001 prévoyait que la population russe serait de 130 à 135 millions en 2015, elle fut en réalité de plus de 143 millions. Elle est désormais de près de 147 millions depuis le référendum en Crimée qui ramena celle-ci dans le giron russe. Que s’est-il passé pour que cette prévision à court terme se soit révélée fausse à ce point ?

Extrait de la page 19 du rapport Global Trends 2015 de la CIA
(publié le 13 décembre 2000)


C’est à cette question que répond Alexandre Latsa dans la vidéo ci-dessous.



En résumé :
  • la fécondité est passée de 1,19 enfant par femme en 1999 à 1,76 enfant par femme en 2016 (en 2017 la fécondité a baissé à 1,61 enfant/femme en raison d’une chute catastrophique des naissances pendant les années Elstine) ;
  • l’avortement est passé de 2 millions en 2000 à 700 000 en 2016 ;
  • la mortalité due à l’alcool, aux meurtres, aux accidents de la route, aux suicides a fortement baissé ;
  • l’immigration est basse (environ 200 000 personnes/an, soit 11 000 immigrés/an ramenés à la population du Québec), il s’agit principalement des Russes ethniques qui quittent les anciennes républiques soviétiques pour revenir à la Mère Russie ;
  • le gouvernement russe a lancé un programme fédéral de soutien aux naissances, dont le volet principal était le Matkapital, une aide financière de 453 026 roubles, soit 10 000 $ canadiens ou 6 471 euros, pour la naissance d’un second enfant (cette somme correspond à 12 salaires mensuels moyens du pays et 5 fois le salaire mensuel moyen de la capitale Moscou) ;
  • les vedettes du spectacle ont montré l’exemple en montrant qu’elles avaient des enfants et que c’était important ;
  • le gouvernement a lancé une campagne « patriotique » nataliste (l’amour de la patrie commence avec la famille) ;
  • depuis le gouvernement a voté de nouveaux volets complémentaires pour stimuler la naissance du premier enfant, via notamment une allocation mensuelle de 10 500 roubles (30 % d’un salaire moyen du pays) pendant une période de 18 mois et des fortes diminutions des taux d’intérêt sur les hypothèques pour l’achat d’un bien immobilier pour des périodes de 5 ans ;
  • modernisation des hôpitaux et des polycliniques pour enfants ;
  • une situation économique qui s’est grandement améliorée depuis l’an 2000 (malgré des sanctions américano-européennes depuis quelques années) ;
  • résurgence de l'église orthodoxe et de son message vitaliste : 3 églises s'ouvrent chaque jour en Russie.

Le président Poutine présente la médaille de la Gloire parentale aux parents de plus de 7 enfants

Le Matkapital

Le gouvernement de Vladimir Poutine a instauré, en 2006, le capital maternel. Cette politique familiale nataliste a été mise en place dans le but d’encourager les familles à avoir plus d’enfants. En 2015, le montant du capital maternel alloué aux femmes était de 453 000 roubles, soit l’équivalent de 8 915 dollars canadiens, selon le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS). Cette politique définit une norme reproductive qui suggère un minimum de deux enfants.

Bien que l’argent soit dédié aux femmes, ces dernières ne peuvent l’utiliser à leurs propres fins. « Il n’y a que trois possibilités d’utilisation : l’amélioration des conditions de logements, le financement de l’éducation des enfants et l’investissement de l’épargne-retraite de la mère », remarque Svetlana Russkikh. Ce capital qui doit être utilisé comme un coupon est uniquement destiné aux femmes. Les hommes ne peuvent qu’en bénéficier dans des cas d’exceptions, notamment si l’épouse décède ou s’il y a déchéance des droits parentaux.

Le montant global attribué par le gouvernement ne fait toutefois pas l’unanimité. « La somme que l’État octroie ne stimule pas la croissance des naissances, mais [elle] appuie plutôt les mères qui ont décidé d’avoir deux enfants et plus », considère Inga Arshavskaïa, une gynécologue qui a elle-même bénéficié du capital maternel. Selon la résidente de Saint-Pétersbourg, la somme est insuffisante pour réellement peser dans la balance.

Svetlana Russkikh affirme qu’une famille doit employer des ressources supplémentaires pour tirer profit du capital en ville. « [Pour se loger à Moscou], la somme du capital maternel ne permet que d’acheter quelques mètres carrés », enchaine-t-elle. De l’autre côté, les plus riches peuvent s’en passer. « Notre hôpital s’occupe des patientes plutôt aisées et leur décision d’avoir des enfants ne dépend pas de celui-ci », rectifie Inga Arshavskaïa.

Pour Yakov Rabkin, ce capital permet de redorer l’image de la femme. « Elles ont souffert le plus dans cette transformation politique et ce capital est une façon de leur donner une place d’honneur dans la société même si elles ne travaillent pas », constate-t-il. Cette valorisation en tant que mère ne date pas d’hier. « Lors de la période soviétique, les mères qui avaient plus de cinq enfants avaient un titre, ajoute-t-il. Elles étaient appelées “mères héroïnes”. »

Le rôle « traditionaliste » de la femme prend de plus en plus d’ampleur dans la société russe. Le gouvernement milite en faveur de la natalité, mais accorde aussi une réelle importance au rôle central de la mère, considérée comme le noyau de la famille. « Dans la vision traditionnelle, l’image d’une femme sans enfant, c’est l’objet de pitié, de compassion et de protection », explique Yakov Rabkin. Plusieurs autres mesures sont employées pour faire la promotion de la femme mère, telles que des affiches publicitaires et des concours.

À titre d’exemple, Mets au monde un patriote au jour de la Russie est un concours riche en popularité qui a lieu le 12 septembre, soit neuf mois précédant la fête nationale de la Russie. « Le 12 septembre est défini comme un “jour de conception” en vue d’un accouchement symbolique le 12 juin, jour de l’adoption de la Déclaration de Souveraineté de la Russie », complète Svetlana Russkikh. Les grands gagnants bénéficient de prix insolites tels que des voitures neuves. Une panoplie de concours de ce type a été mise sur pied pour illustrer le modèle familial à suivre.
Campagne nataliste gouvernementale : « Le pays a besoin de votre record »

Voir aussi

Québec : L’indice synthétique de fécondité à 1,54 enfant par femme en 2017 (même indice qu’en 1997)

Russie — généreuse prime à la naissance, allocation mensuelle et hypothèque moins chère pour les familles

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