dimanche 22 mars 2015

Le faux « sang indien » des Québécois

Article intéressant de Gérard Bouchard (à comparer avec le traitement fantaisiste des Amérindiens à l’école québécoise, voir les liens ci-dessous).

Un documentaire (L’Empreinte), réalisé par Carole Poliquin et Yvan Dubuc et présenté au dernier Festival du cinéma d’Abitibi-Témiscamingue, vient de relancer une vieille idée : les Québécois* auraient beaucoup de « sang indien » et les caractéristiques principales de notre société nous viendraient des Autochtones. Mais à cause de la honte du « Sauvage », cet héritage resterait occulté.

Cette idée est inspirée par des visées louables que je partage : contrer les stéréotypes accolés aux Autochtones et rapprocher les deux cultures. Le problème, c’est que cette théorie du métissage intensif s’accorde mal avec les faits.

L’harmonie autour du tipi...
Manuel ECR publié chez CEC, 3e primaire


Le 1 %

Plusieurs Québécois découvrent qu’ils ont des ancêtres autochtones et qu’ils ont donc « du sang indien dans leurs veines ». Dans les années 1950, l’ethnologue Jean-Jacques Rousseau assurait que si on secouait l’arbre généalogique des Québécois, il en tomberait bien des plumes. L’image a fait fortune. Mais qu’en est-il au juste ?

La plupart des communautés autochtones ont toujours été situées à bonne distance des habitats québécois, ce qui mine l’idée de contacts fréquents. En plus, l’Église a toujours découragé les unions mixtes. La proportion de gènes amérindiens dans le bassin génétique des Québécois est donc très faible (moins de 1 %), comme l’ont démontré des analyses rigoureuses appuyées sur le fichier de population BALSAC.

Il faut aussi se méfier d’une illusion généalogique : combien faut-il d’ancêtres indiens (et à quelle génération ?) pour conclure qu’un Québécois a « du sang indien dans les veines » ? Je rappelle qu’à la onzième génération, chacun d’entre nous compte plus de 2000 ancêtres... Que signifie la présence de quelques Autochtones ?

Les traits sociaux et culturels


Selon la thèse du métissage intensif, notre société aurait hérité ses principaux traits des Autochtones : la mobilité géographique, l’amour de la nature et de la liberté, une sensibilité sociale-démocrate, la recherche de la consultation, du consensus et du compromis, le communautarisme, le goût de la médiation, l’aversion pour les divisions et conflits.

Je relève ici quatre difficultés. D’abord, tout cela suppose des transferts intensifs, à grande échelle et sur une longue période à partir des Autochtones vers les Québécois. On ne trouve rien de tel dans notre histoire, les contacts se faisant principalement aux marges. Deuxièmement, le mépris que les Blancs ont porté aux Autochtones a fait obstacle à des emprunts sociaux massifs. Cependant, des éléments de culture matérielle autochtone se sont largement diffusés.

L’utopie est dans le tipi... Manuel ECR chez CEC 3e primaire, p. 37

Troisièmement, les traits mentionnés peuvent tous être imputés à d’autres sources et avec beaucoup plus de vraisemblance. Par exemple : le fait d’une petite nation minoritaire, qui sent le besoin d’une intégration étroite, de solidarité et de concertation, ou le fait d’une société neuve par définition proche de la nature, contrainte à l’entraide et éprise de liberté. Les traits invoqués se retrouvent du reste dans le passé de toutes les collectivités du Nouveau Monde.

Enfin, le canal de transmission fait problème : il opérait à l’envers. Les présences soutenues de Blancs parmi les Autochtones sur le territoire québécois ont consisté dans l’action du clergé et celle du gouvernement fédéral, l’une et l’autre visant à réduire la culture indigène afin d’implanter la culture occidentale. Quant aux coureurs de bois, ils se sont beaucoup « ensauvagés ».

On aimerait que la thèse du métissage intensif soit fondée et qu’elle engendre les vertus recherchées. Malheureusement, les faits sont réfractaires. Le danger ici, c’est de remplacer un stéréotype par un autre. Sur ce sujet, le lecteur aura profit à consulter les écrits plus nuancés de Denys Delâge (qui parle de 1 % de mariages mixtes).

* Je distingue Québécois et Autochtones parce que l’État québécois a statué qu’ils forment deux nations différentes.



Voir aussi

ECR — obsession pour les Amérindiens écologistes

L’utilité de la glorification des Premières Nations

« Notre » patrimoine religieux autochtone

Proportion des pages consacrées aux différentes cultures religieuses dans deux manuels d’ECR du 1er cycle primaire

Spiritualité autochtone, écologie et norme universelle moderne

Jacques Brassard et l’écolo-chamanisme, le petit chouchou de l’école québécoise

Sortir le religieux de l’école pour y laisser entrer l’ésotérisme et les gourous

Québec — Le peu de place consacrée à l’Europe (à la France) dans les programmes d’histoire

« Prêts à emprunter aux Amérindiens des ingrédients qui assurent leur survie, les ­colons français s’empresseront, aussitôt leur modèle culturel alimentaire bien implanté, de ­rejeter radicalement ces aliments. »


1 commentaire:

Sa'n Béliveau a dit…

Si on considère « Autochtones » que les Indiens inscrits, il est vrai qu’on peu alors éliminer 95% des Québécois. Si on regarde de près les généalogies de quelques personnalités on se rend compte qu'il en est tout autrement.

Par exemple l’ex grand chef de Wandake monsieur Max Gros-Louis est Autochtone parce que le dernier couple Indien/Indienne de sa généalogie remonte à la huitième génération, la transmission du statut s’étant faite que par les mâles telles que permise par la loi qui autorise la transmission uniquement par les hommes depuis 1880.

Le couple Indien/Indienne le plus proche dans la généalogie de la chanteuse Céline Dion remonte à la cinquième génération, aussi par les mâles sauf pour sa mère.
Est-elle Indienne ou Métis, selon l'article 35 de la constitution elle l'est... mais pas une "Indienne inscrite" pour autant.

Comme c’est le cas dans la généalogie de monsieur Max Dros-Louis, la généalogie du chanteur Fred Pellerin pourrait aussi indiquer une transmission du statut puisque son ancêtre Anne Ouestuorouest remonte à sa neuvième génération.
Il pourrait aussi se considérer Indien selon la loi.

Le couple Indien/Indienne le plus proche dans la généalogie du réalisateur Gilles Carle remonte à la cinquième génération, aussi par les mâles.
Il aurait pu de son vivant se considérer Indien selon la loi. Ses descendants le peuvent.
Voyez les généalogies de nos personnalités Québécoises et pensez-y.

Source : https://www.astrosante.com/genealogie_autochtone.html

https://www.genealogie-autochtone.ca/constitution

https://www.astrosante.com/lois_sur_les_indiens.html