samedi 27 avril 2013

De l'autonomie des écoles

Entretiens avec Maurice Berrard (ci-contre), inspecteur d'académie, docteur en anthropologie, fondateur de la revue Éducation & Management, est l'auteur d'ouvrages dans le domaine de l'éducation.

Dans votre récent ouvrage, vous faites de l’autonomie l’axe principal d’une refondation de l’Éducation nationale. Pourquoi ?

Maurice Berrard — L’autonomie est l’expression d’une liberté intérieure fondamentale. Elle traduit une conception humaniste, celle d’un Homme libre et responsable de ses actes. À ce titre, elle constitue à la fois la finalité  et le moyen de l’éducation. Il y a dans nos écoles trop de situations complexes, de différences entre les élèves, de problèmes inédits, d’événements inattendus, trop d’intérêts contradictoires à coordonner pour attendre qu’un pouvoir central impose « l’unique bonne façon de faire »  dont parlait Taylor. Il vaut mieux compter sur la motivation, la compétence et le pouvoir d’innovation de chaque acteur du terrain.

Vous proposez dans votre livre deux avant-projets de loi pour instaurer davantage d’autonomie et promouvoir une responsabilité effective des établissements. Pouvez-vous les résumer ?

Confier aux établissements la responsabilité directe de l’enseignement et la pleine maîtrise de leurs moyens humains et financiers. Pour cela, il faut s’appuyer sur une base législative simple et claire.

Ne serait-ce pas trop renforcer le pouvoir du chef d’établissement et affaiblir l’État ?

Il est vrai que le chef d’établissement ne représenterait plus l’État, mais l’établissement qu’il dirige, tout en restant un fonctionnaire public responsable du bon exercice de ses fonctions. Il serait alors important de définir les conditions d’un fonctionnement interne réellement démocratique, ainsi qu’une nouvelle façon de diriger. C’est pourquoi nous détaillons dans notre livre ce que peut être le « management éducatif » de demain. Pour autant, en se recentrant sur l’essentiel, l’État conforterait  ses missions : mieux préciser ce qu’il attend de l’École, organiser le système, clarifier les objectifs et les programmes du socle commun, recruter les fonctionnaires, définir les examens, évaluer les résultats, compenser les inégalités, formuler des recommandations, encourager la circulation des bonnes pratiques.

Les Français sont-ils prêts à accepter plus d’autonomie alors que le discours dominant présente l’école unifiée et centralisée comme faisant partie du patrimoine national ?

Depuis un siècle, le mouvement des institutions françaises va dans le sens d’une plus grande autonomie locale. Tout est une question d’équilibre et il ne faut pas non plus confondre un tel mouvement avec le laissez-faire, l’acceptation des inégalités ou le triomphe du plus fort. Il est primordial que ce mouvement soit souhaité par les acteurs eux-mêmes.

Quelles sont, selon vous, les clés d’une bonne gestion éducative ?

Être convaincu de l’importance de chaque personne au sein d’un travail d’équipe, comprendre le sentiment de confiance collective comme la condition essentielle d’une énergie vitale qui se renforce sans cesse en cas de coopérations réussies. Le management éducatif est fondé sur une discussion publique qui a l’entente pour horizon, comme base une définition commune du projet d’ensemble  et des problèmes à résoudre, comme moyen l’échange d’arguments rationnels et comme loi la reconnaissance du meilleur des arguments.

Pourquoi la confiance semble-t-elle tant manquer aujourd’hui ? 

Dans notre société, les valeurs de l’École et les modèles véhiculés dans les médias se contredisent souvent, ce qui rend la tâche des enseignants bien difficile. Vouloir triompher d’autrui s’oppose à l’effort de compréhension mutuelle. Former les élèves à la lecture critique de ces contradictions semble indispensable.

Que deviendraient les institutions dites représentatives dans une démarche de décentralisation accrue ?

Si vous évoquez les associations de parents d’élèves ou les représentants des personnels, leur influence s’en trouverait renforcée, mais leur intervention changerait de nature. Il ne s’agirait plus de soutenir des  positions de principe sur la grande scène du spectacle médiatique, mais d’une action concrète sur le terrain. Plus modeste, mais plus utile.

L’autonomie a-t-elle une couleur politique ?

Une radio (1) m’a interrogé : « L’autonomie est-elle de droite ou de gauche ? »  Ni de droite, ni de gauche, ni du centre. C’est un principe qui relève d’une vision humaniste  fondée sur l’obligation morale de s’adresser à la part la plus noble et la plus exigeante en chacun d’entre nous. Cela dit, Daniel Mallet et le cercle de réflexion qu’il dirige ont présenté les avant-projets de loi aux autorités politiques et syndicales  il y a déjà une trentaine d’années. Il se trouve que, depuis peu, certaines propositions ont été reprises par un parti classé à droite et un autre classé au centre. Dont acte. Au risque de paraître immodeste, c’est dans cet ordre chronologique que les événements se sont déroulés. Mais je répète qu’en l’occurrence la distinction droite-gauche n’est pas opportune. Notre livre s’explique clairement sur ce sujet et propose une véritable politique d’éducateurs.

(1) À consulter sur internet : « L’autonomie est-elle de droite ou de gauche ? », France Info, Emmanuel Davidenkoff, 24/10/2012

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